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Chapitre 1 Contexte et problématique

1.2 Supervision pédagogique

1.2.4 Enjeux liés à la supervision pédagogique

1.2.4.3 Enjeux théoriques

Cette section fait état de deux enjeux théoriques liés à la supervision pédagogique, à savoir les différentes acceptions des concepts de supervision pédagogique, d’accompagnement et d’évaluation ainsi que les conceptions divergentes quant aux modèles de supervision.

1.2.4.3.1 Supervision pédagogique, accompagnement et évaluation

Le terme supervision pédagogique n’a pas la même signification dans tous les milieux (Conseil supérieur de l’éducation, 2014). En effet, plusieurs considèrent à tort que la supervision consiste en une mesure de remédiation et d’évaluation (Holland, 2005). Cette association supervision- évaluation a fait en sorte que la supervision a historiquement été considérée comme un processus d’autorité et de contrôle, voire comme une action “intimidante” (Glanz et Zepeda, 2016). Au cours des dernières années, nous avons toutefois constaté un changement de paradigme vers une approche plus collégiale de la supervision (Witherspoon Arnold, 2016; Zepeda, 2013). Ainsi, les concepts doivent être clairement dissociés. La cible de la supervision pédagogique demeure la promotion du développement professionnel de l’enseignant ; la supervision étant planifiée et dirigée en fonction des besoins des enseignants. L’évaluation est quant à elle orientée vers la promotion, la rétention et la prise des décisions personnelles (Zepeda, 2007). Elle implique la formulation de jugements sommatifs sur la performance et la compétence ainsi qu’une prise de décisions (Nolan et Hoover, 2008).

L’évaluation et la supervision pédagogique diffèrent ainsi sur : l’objectif de base; la justification de leur existence; la relation entre l’enseignant et l’administrateur; les procédures de collecte de données; l’expertise professionnelle considérée; et la perspective des enseignants sur les processus (Nolan et Hoover, 2008).

Dans la même optique, il existe également une certaine confusion entre le concept de supervision pédagogique (plus global) et celui de supervision des enseignants dans une perspective de développement professionnel (qui figure comme l’une des dimensions de la supervision pédagogique).

Ceci étant, au Québec, le concept d’accompagnement est aussi abondamment utilisé tant en recherche que dans le milieu scolaire (Bouchamma et Michaud, 2014; Conseil supérieur de l’éducation, 2014; Lafortune et Deaudelin, 2001; L’Hostie et Boucher, 2004), alors que dans d’autres provinces canadiennes qui ont adopté un programme d’évaluation des enseignants, notamment l’Ontario, le Nouveau-Brunswick, l’Alberta et la Nouvelle-Écosse, le concept de supervision est souvent mis de l’avant, ce qui a pour effet d’entraîner un certain flou sémantique (Bouchamma et Michaud, 2014). En réalité, l’accompagnement est une composante de la supervision pédagogique (Nolan et Hoover, 2008). L’accompagnement revêt un caractère souvent moins formel que l’évaluation et la supervision (Conseil supérieur de l’éducation, 2014). L’accompagnement est entrevu comme une approche collaborative qui consiste à rassembler des gens qui se font suffisamment confiance et qui ont la volonté de travailler ensemble pendant une période de temps déterminée afin d’opérer le transfert d’une expertise d’une personne à l’autre (Conseil supérieur de l’éducation, 2014; Prud’Homme et Leclerc, 2014).

Notons enfin qu’au Québec, la supervision des enseignants à statut précaire et des enseignants en situation problématique11 (d’abord, dans une perspective de développement

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11 Les enseignants en situation problématique réfèrent à la fois aux enseignants difficiles et aux enseignants en

difficulté (terminologie utilisée par certaines commissions scolaires du Québec, dont la commission scolaire des Navigateurs). En raison de leurs difficultés apparentes qui leur sont propres, ces enseignants sont amenés à être supervisés, puis évalués. La supervision (vers l’évaluation) de ces enseignants doit être prioritaire, pour contribuer à instaurer un climat favorable à la réussite des élèves, pour soutenir l’équipe-école dans l’atteinte des résultats et pour éviter qu’une faible qualité d’enseignement devienne un standard de travail. L’enseignant difficile, par sa manière d’être, refuse, conteste ou a du mal à accepter les règles, les lois et le cadre scolaires. Il a fait un choix de non-collaboration. Cette opposition s’explique par des raisons diverses liées à son histoire personnelle, à son positionnement, à de mauvaises expériences, à des échecs, à des conflits, à un manque d’encadrement. Cette situation peut être irrégulière, persistante ou progressive. En contrepartie, l’enseignant en difficulté fait face à des difficultés en pédagogie ou en didactique, en communication, ou en encadrement. Il est de bonne foi; la direction d’établissement et l’équipe-école ont confiance en lui. La situation de cet

professionnel) coexiste avec leur évaluation (Comités patronaux de négociation, 2016; MEQ, 2001). Ces pratiques relèvent d’abord de l’employeur. Dans ce contexte, il peut être difficile de déterminer le moment précis où l’évaluation s’insère dans la supervision pédagogique. Ainsi, afin d’éviter les malentendus, la direction doit impérativement préciser son intervention, tantôt de superviseur pédagogique (dans un contexte de développement professionnel), tantôt d’évaluateur.

1.2.4.3.2 Conceptions divergentes des modèles de supervision

Certains modèles de supervision pédagogique demeurent nouveaux et non entièrement conceptualisés pour les acteurs de l’éducation (Cranston, 2009; DuFour et Eaker, 1998). À titre d’illustration, l’expression « CAP » est de plus en plus utilisée par les praticiens pour « décrire [à tort] différents modes de regroupements d’individus » (Leclerc et Labelle, 2013, p. 2). Aussi, les termes communautés de pratique, communauté d’apprentissage et communauté d’apprentissage professionnelle semblent « varier selon la vision et les dimensions priorisées ou valorisées » (Moreau, Leclerc et Stanké, 2013, p. 40). Une mauvaise conception et un manque de compréhension des éléments fondamentaux des modèles de supervision par les acteurs impliqués viendraient mettre en péril l’efficacité des modèles. À ce propos, plusieurs auteurs notent la complexité de théoriser le concept de la CAP, étant donné sa construction multidimensionnelle qui comprend trois dimensions interdépendantes de « communauté », d' « apprentissage » et de « professionnalisation ». L'absence de théorisation de ce concept affaiblirait ainsi les tentatives visant à les établir dans les établissements d’enseignement (Hairon, Goh, Chua et Wang, 2017; Sigurðardóttir, 2010; Taylor, 2017; Watson, 2014).