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L'agriculture intensive est l'agriculture la plus diffusée. Elle repose sur l'augmentation de la productivité par travailleur et par unité de surface ou de cheptel, souvent dans le cadre d'une mobilisation accrue du capital (Roger 2001). De fait, la production agricole a considérablement augmenté. L'artificialisation des conditions de production a par contre généré des atteintes environnementales. L'agriculture intensive n'est probablement pas durable. Quels autres types d'agriculture sont proposés? (Roger 2001) présente une classification des types d'agriculture alternatifs à l'agriculture intensive:

L'agriculture biologique a une approche globale du système de production. L'agriculture biologique répond à un cahier des charges qui proscrit l'utilisation de produits chimiques de synthèse. Elle utilise les régulations naturelles pour lutter contre les bioagresseurs ou enrichir le sol. Un de ses objectifs est le respect des écosystèmes naturels. Depuis 1981, l'agriculture biologique est reconnue par les pouvoirs publics. Elle est définie dans le cadre d'un cahier des charges. Les produits issus de l'agriculture biologique sont labellisés. En 2010, elle était pratiquée sur 3 % de la surface agricole utile française16.

L'agriculture intégrée17 utilise aussi les régulations naturelles. Elle a également une approche globale de l'exploitation (Viaux 1999). Elle a pour objectif de diminuer l'utilisation des intrants (pesticides, engrais…) sans les interdire complètement. Ces derniers ne sont mobilisés qu'en dernier recours. L'organisation internationale de lutte biologique18, société savante internationale créée en 1956 et basée en Suisse, garantit le respect de ces principes. En France, en absence d'un cahier des charges officiel, sa pratique est difficile à mesurer. En

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Adventice: mauvaise herbe 16

Source : http://www.agencebio.org/ 17

Ce type d'agriculture n'est pas encore identifié par un vocabulaire stabilisé. L'agriculture intégrée est également connue sous les vocables suivants: "agriculture de conservation", "agro-écologie", "agriculture écologiquement intensive et à haute valeur environnementale". Le terme de "révolution doublement verte" reprend l'ensemble de ces concepts. Bazile, D., I. Besson et J.-C. Bureau (2009). Nourrir les hommes, un dictionnaire, Editions Atlande. et Meynard, J.-M. (2008). Produire autrement : réinventer les systèmes de culture. Systèmes de culture innovants et durables. Paris, Educagri éditions Pages 11-27.

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2000, la surface couverte était estimée à 0,4 % de la SAU française (Aubertot, Barbier et al. 2005). Dans d'autres pays européens comme la Suisse, l'Autriche ou le Danemark, l'agriculture intégrée y est au contraire bien développée (Viaux 1999; Aubertot, Barbier et al. 2005).

L'agriculture multifonctionnelle légitime les autres fonctions de l'agriculture au-delà de la seule fonction alimentaire. Le maintien d'une société rurale et le respect de l'environnement sont deux des fonctions qui justifieraient une aide financière à l'agriculture. La loi d'orientation agricole (Journal Officiel 9 juillet 1999) officialise ce concept. Il précise dans son article 1er que "la politique agricole prend en compte les fonctions économiques, environnementales et sociales de l'agriculture et participe à l'aménagement du territoire, en vue d'un développement durable".

L'agriculture paysanne n'est pas intégrée aux entreprises localisées en amont et en aval des productions agricoles. Elle se réfère à un mode de vie non capitalistique. Elle est peu présente en France et en général dans les agricultures européennes. L'agriculture paysanne a aussi une traduction d'une autre nature, plus syndicale, qui n'est pas abordée ici.

L'agriculture de précision repose sur l'utilisation d'outils comme le GPS (Global Positioning System) ou le SIG (Système d'Information Géographique). La connaissance fine des besoins des cultures en fonction du type de sol est obtenue à l'échelle de quelques m². Ce type d'agriculture est fondé sur le concept de la bonne dose au bon endroit. Il assurerait une meilleure intégration environnementale par une gestion optimisée des intrants (pesticide, irrigation, engrais). L'agriculture de précision est peu développée en France.

L'agriculture raisonnée répond aux trois piliers du développement durable: viabilité économique et satisfaction des besoins sociétaux par la production de produits alimentaires sains, selon des modes de production respectueux de l'environnement. Le label d'agriculture raisonnée qualifie un mode de production certifié. Il impose le respect d'un référentiel comprenant une centaine de bonnes pratiques. L'agriculteur enregistre toutes ces pratiques pour en assurer la traçabilité. Elle n'a pas pour objectif la diminution de la pression des bioagresseurs. En effet, l'agriculture raisonnée est fondée en grande partie sur l'efficience des intrants par une intervention raisonnée. Ainsi, à l'intérieur d'une campagne culturale, l'agriculteur raisonné n'introduit un traitement phytosanitaire que lorsque le niveau du bioagresseur a atteint un certain seuil. Le traitement phytosanitaire n'est pas pratiqué si le risque de perte de rendement est faible ou nul contrairement aux pratiques de l'agriculture intensive qui systématise les traitements chimiques préventifs. L'intervention se faisant à partir de l'évaluation d'un seuil de présence du bioagresseur, le sens de l'observation est donc essentiel dans cette prise de décision. Des outils d'aide à la décision et des règles de décision aident également l'agriculteur à faire son choix. Ces outils complètent les observations par des simulations calculées tant sur l'état des cultures que sur l'impact des techniques éventuellement mises en œuvre. Bien que l'agriculture raisonnée soit reconnue depuis 2002 (Journal Officiel 25 avril 2002), et qu'elle ait été présentée comme le futur « standard agricole » français, elle est encore peu développée. En 2009, moins de 3000 exploitations étaient certifiées19. En revanche, ses principes sont bien diffusés chez les agriculteurs.

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L’agriculture intensive et les agricultures alternatives décrites ci-dessus constituent sept types d'agriculture. Ils sont reconstruits selon les constats suivants:

• En Europe, l'agriculture paysanne est peu présente.

• L'agriculture de précision est une variante technique de l'agriculture intensive. Elle est très axée sur l'utilisation d'outils. L'agriculture raisonnée, l’agriculture biologique et l’agriculture intégrée ont des principes de fonctionnement. Les outils nouveaux de l'agriculture de précision, s'ils ne sont pas en contradiction avec ceux-ci, s'intègrent dans ces trois types d'agriculture.

• Le concept de l'agriculture multifonctionnelle s'applique également aux agricultures biologique, intégrée et raisonnée.

Les typologies d'agriculture opposent donc l'agriculture intensive à trois autres types d'agriculture: l'agriculture biologique, l'agriculture intégrée et l'agriculture raisonnée. Cette typologie recoupe celle proposée par Philippe Viaux, agronome ayant largement diffusé les principes de l'agriculture intégrée en France (Viaux 1999). Dans son ouvrage, il définit également l'agriculture conventionnelle comme étant l'agriculture la plus pratiquée dans une région. En règle générale, l'agriculture conventionnelle est une agriculture intermédiaire entre l'agriculture intensive et l'agriculture raisonnée. (Viaux 1999) considère cependant que ce terme d'agriculture conventionnelle doit être évitée car il est trop flou. Par la suite, nous utilisons le terme d'agriculture intensive lorsque nous parlons de l'agriculture contemporaine majoritaire.

Ces trois types d'agriculture (biologique, intégrée et raisonnée) se réfèrent tous à des cahiers des charges précis. Cependant, des exploitations intensives s'appuient sur ces référentiels pour certaines de leurs activités. Les limites sont donc délicates à définir. Les trois types alternatifs à l'agriculture intensive se réclament tous d'une agriculture durable respectant les trois piliers économiques, environnementaux et sociaux du développement durable. (Bockstaller, Galan et al. 2008) proposent des exemples d'objectifs de durabilité pour les trois dimensions en fonction de l'échelle d'observation. Ces objectifs repris dans le Tableau I-1 ci-dessous sont effectivement compatibles avec ces trois types d'agriculture.

Certaines pratiques, comme l'usage des outils d'aide à la décision ou l'utilisation de règles de décision, se retrouvent dans les trois agricultures durables. Mais l'agriculture raisonnée se distingue pourtant de l'agriculture biologique ou intégrée. Elle n'a pas pour objectif la diminution de la pression des bioagresseurs. Les bonnes pratiques de son référentiel sont présentes pour partie dans l'agriculture intégrée ou l'agriculture biologique. Elles y sont nécessaires pour la plupart, mais pas suffisantes. Car le raisonnement des intrants y est pris un par un. Cette démarche a donc ses limites, puisqu'une juxtaposition de bonnes pratiques agricoles ne répond pas toujours à la réduction d'intrants. Ces bonnes pratiques s'approprient peu les interactions entre techniques souvent décisives vis-à-vis des effets environnementaux des systèmes de culture (Aubertot, Barbier et al. 2005). Elles ne remettent pas en cause la conduite globale des cultures (Viaux 1999) par une approche système. L'utilisation des régulations naturelles n'est pas au cœur de la conception de l'agriculture raisonnée. Nous avons dans l'introduction générale repris la distinction apportée par (Boutaud 2002) sur les différents types de développement durable. Selon ces définitions, nous proposons d'une part de classer l'agriculture raisonnée comme appartenant à un type de développement durable faible, d'autre part d'associer l'agriculture biologique et intégrée à un type de développement durable fort.

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Echelles Dimension de la durabilité Parcelle/exploita-tion Filière de

production Territoire Planète

Environnementale

Réductions des émissions polluantes Maintien de la fertilité et protection des sols

Réduction de la consommation de ressources non renouvelables Maintien du développement de la biodiversité sauvage et domestique Idem parcelle/exploitation Réduction des impacts environnementaux sur l'ensemble du processus

de production (dont transport des intrants)

Maintien de la qualité de l'eau Réduction de coulées boueuses Conservation des paysages et de la biodiversité Gestion des déchets

organiques produits Production d'énergie renouvelable Limitation de l'effet de serre Préservation des ressources non renouvelables (énergie, phosphore etc.) Conservation de la biodiversité mondiale Réduction de l'impact de

l'activité agricole sur la déforestation Economique Maintien/augmentation du revenu de l'exploitation Diversification des productions Amélioration de l'autonomie Rentabilité de la filière Répartition équitable des richesses produites

sur l’ensemble des acteurs de la filière Création d'emplois Répartition des richesses au niveau du territoire Diversification des productions et des débouchés Production alimentaire Répartition des richesses au niveau de la planète Sociale Amélioration des conditions de travail et qualité de vie Diversification des activités Maintien et développement de l'emploi salarié Formation Amélioration des conditions de travail et qualité de vie pour les acteurs de la filière Maintien/développement

de l'emploi salarié dans la filière

Maintien/développement de l'emploi salarié au

niveau des filières Développement de l'emploi dans le territoire

Alimentation des priorités des habitants

du territoire

Renforcement de la solidarité entre

générations Répartition des pôles d'activité, des bassins d'emploi dans le monde

Equité Nord Sud Gestion des compétitions d'usage des produits et terres

agricoles (alimentaire/non

alimentaire) Tableau I-1 : exemples d'objectifs pour les dimensions de la durabilité

d’après (Bockstaller, Galan et al. 2008)