• Aucun résultat trouvé

Avec une autre approche, le cycle de gestion des connaissances de Grunstein illustré au paragraphe II-1-3A va nous servir de support à la présentation des outils et méthodes exploités dans la gestion des connaissances. Le cycle de gestion des connaissances de Grunstein propose quatre étapes: l'identification, la préservation, la valorisation ainsi que

70

W3C: Word Wide Web Consortium est un consortium international qui propose des standards pour garantir l'interopérabilité sur le Web.

71

OWL: Ontologie Web Langage

72

XML: Extensible Markup Language. Ce langage informatique permet des échanges d'information entre systèmes informatiques hétérogènes.

73

Page 82 sur 248 Système informatique de capitalisation de connaissances et d’innovation pour la conception et le

pilotage de systèmes de culture durables

la mise à jour. L'actualisation des connaissances est inhérente à la gestion des connaissances. Les outils pour identifier les connaissances actualisées sont les mêmes que ceux exploités pour identifier des connaissances. Même si cela n'est pas précisé par Grunsdtein, ce cycle s'applique aussi bien aux connaissances tacites qu'aux connaissances explicites. Les outils et méthodes décrits ci-dessus manipulent surtout des connaissances explicites. Mais il existe également des outils favorisant les interactions entre les individus. Les quatre étapes sont reprisesdans le Tableau II-4 ci-dessous:

Cycle de gestion des connaissances

Type de

connaissances Repérer - Actualiser

Préserver - Stocker Valoriser - Diffuser Descriptif des modalités Connaissance explicite Ingénierie des connaissances basée sur des entretiens et sur de la gestion documentaire Aboutissant à des documents et à des modèles Guide des bonnes pratiques, serveur de connaissances, outils du type système expert et système de raisonnement à partir de cas Diffusion systématique des connaissances Recherche de connaissances à partir d'un problème donné en utilisant éventuellement des ressources sémantiques Gestion par projet

Connaissance tacite Annuaire associé à des communautés de savoir

Gestion des ressources

humaines

Apprentissage

Tableau II-4 : mode de gestion des connaissances

II-2-3 Conclusion sur la gestion patrimoniale des

connaissances

Les outils associés à l'intelligence artificielle (Nonaka 1994) comme les systèmes experts ont fait émergé les premiers la question de la gestion informatique de la connaissance. Ces outils ont vite montré leurs limites. En effet, les connaissances sont dynamiques. Dans des outils de gestion des connaissances, leur mise à jour est permanente et peut donc s'avérer coûteuse. Par ailleurs, la connaissance est mobilisée par l'être humain selon des processus cognitifs complexes et changeants. Formaliser cette mobilisation conduit souvent à un appauvrissement du raisonnement et donc à son inutilité dans la majorité des cas. De manière plus large, les technologies de l'information et de la communication74 ne peuvent pas s'adapter aux changements de contexte (Leprêtre 2007). Les TIC ne se substituent pas -ou difficilement- à l'apprentissage et au raisonnement (Leprêtre 2007). Par contre, leur force est dans le stockage des connaissances et dans l'exploration de celles-ci. Ainsi, la communauté de recherche sur "l'ingénierie des connaissances" a fait évoluer ses thématiques de recherche depuis les outils du type système expert vers les méthodologies de recherche associées au Web sémantique (Charlet, Zacklad et al. 2000). Pour la gestion des connaissances, cette évolution illustre les limites d'une démarche scientifique reposant sur un travail purement informatique. La composante humaine du processus de création de connaissances ne peut pas être ignorée sans risque. Au-delà de la constitution d'un patrimoine de connaissance, son renouvellement n'est pas dissociable des démarches d'invention et d'innovation. Nous allons donc aborder ces questions dans le paragraphe suivant.

74

Page 83 sur 248 Système informatique de capitalisation de connaissances et d’innovation pour la conception et le

pilotage de systèmes de culture durables

II-3 LA GESTION DES CONNAISSANCES POUR LA

CONCEPTION INNOVANTE

Le premier paragraphe II-3-1 examine la distinction entre l'invention et l'innovation ainsi que les liens qui relient ces deux concepts aux connaissances. Le second paragraphe II-3-2 traite des outils propices à l'émergence d'idées nouvelles mais aussi de la conception innovante.

II-3-1 Connaissance, invention et innovation

Une invention est à la fois originale et réalisable (Moles 2008). Pour autant, une réponse à une demande sociale n'est pas assignée à l'invention. Par opposition, une innovation n'existe que si elle est acceptée par le milieu social (Alter 2000). Une invention, une fois validée, va donc produire de nouvelles connaissances. Elle n'aboutit pas nécessairement à une innovation. Une innovation, une fois acceptée, va produire, en plus de nouveaux savoirs, des usages originaux. Une innovation se construit sur une ou plusieurs inventions ou plus largement sur des connaissances. Mais de même, Joseph Schumpeter, économiste du XXe siècle, cité dans (Le Masson, Weil et al. 2006) souligne qu'il existe des innovations sans invention.

Le processus de l'invention se distingue de celui de l'innovation. L'invention est autant dans la bonne formulation du problème que dans sa solution (Moles 2008). L'inventeur individuel ou collectif respecte les étapes suivantes (Moles 2008). Il s'immerge dans les connaissances associées au sujet qui l'intéresse. A l'issue d'une période d'incubation, une solution peut émerger à partir de la confrontation d'idées, de leur reformulation ou de l'imagination. Enfin, l'inventeur valide la solution et démontre son caractère universel. Pour sa part, l'innovateur remet en cause l'ordre social en tentant de lui faire accepter une invention (Alter 2000) ou un nouvel usage social d'un produit. Le processus de production d'une innovation est donc risqué. Selon l'expression de Joseph Schumpeter, elle est une "destruction créatrice". Joseph Schumpeter propose le schéma suivant. Alors que le contexte de production et de consommation est routinier, un entrepreneur innove. A l'issue d'un combat âpre et risqué, l'intérêt de l'innovation peut être acquis. Les profits résultant de cette réussite vont conduire d'autres entrepreneurs à l'imiter. Une nouvelle stabilité du système se construit. Pour Schumpeter, les innovations sont à la source de nombreuses crises du système productif mais aussi de sa croissance. L'innovation est ainsi au cœur de l'évolution économique. Elle est pourtant une action non logique (Alter 2000). D'une part, les motivations de l'innovateur sont le goût de l'action ainsi que la reconnaissance sociale. D'autre part, les premiers acteurs investissant dans l'innovation sont portés par une croyance dans l'intérêt du système (Alter 2000) plus que par une rationalité de la démarche indémontrable à ce stade.

Dans le monde économique, Joseph Schumpeter, cité par (Hamdouch 2008), a identifié cinq grands types d'innovation: "la fabrication d'un bien nouveau, l'introduction d'une méthode de production nouvelle ou de nouveaux moyens de transport, la réalisation d'une nouvelle organisation, l'ouverture d'un débouché nouveau, la conquête d'une nouvelle source de matières premières". La fabrication d'un bien nouveau est plus risquée qu'une innovation sur une méthode de production. En effet, un nouveau produit met en jeu la question de sa viabilité commerciale alors qu'un nouveau procédé a une

Page 84 sur 248 Système informatique de capitalisation de connaissances et d’innovation pour la conception et le

pilotage de systèmes de culture durables

dimension pour l'essentiel technique. Les deux types d'innovation ne sont pas évalués de la même façon (Le Masson, Weil et al. 2006). L'évaluation d'une innovation d'un produit examine le chiffre d'affaires généré, alors que l'évaluation d'une innovation du processus de fabrication d'un produit porte sur la mesure de l'amélioration éventuelle de sa productivité.

Une invention s'inscrit dans l'hypothèse évolutionniste de la "dépendance du sentier" (Benhamou, Ermine et al. 2001; Courteille, Allot et al. 2002; Bezard 2007) i.e. que l'invention ne surgit pas d'une page blanche mais qu'elle émerge de l'environnement dans lequel elle s'est construite. Une entreprise doit être en mesure d'analyser tant ses succès que ses échecs (Garvin 1993). Le caractère "collant" des connaissances et des compétences associées explique en partie cette dépendance de la créativité aux processus historiques. Une innovation s'inscrit également dans le patrimoine des connaissances et respecte donc la dépendance du sentier. Le concepteur imite le passé mais innove également en initiant de nouvelles idées. L'invention comme l'innovation ne signifie jamais une rupture. Elles sont toujours incrémentales dans le sens où elles se rajoutent au patrimoine de connaissances déjà constitué qu'elles complexifient (Rey 2005). En revanche, l'usage associé à l'innovation est de deux types: soit il est incrémental, soit il représente une rupture. L'innovation incrémentale ne provoque pas de grands changements (exemple du téléphone fixe sans fil) alors que l'innovation de rupture provoque des bouleversements pour les utilisateurs (cas du téléphone mobile).

II-3-2 Les méthodes de découverte

(Alberti 2009) définit la créativité comme "une faculté de l'esprit de réorganiser et d'exprimer de façon intelligible les éléments du champ de perception de façon originale et susceptible de donner lieu à des opérations dans un quelconque champ phénoménal". De nombreux modèles théoriques de créativité existent. Ils s'appuient sur deux phases essentielles (Alberti 2009). La première phase, intitulée divergence, explore des solutions originales. La seconde phase, dite de convergence, évalue et retient une solution acceptable.

La créativité émerge généralement d'une bonne coordination entre le savoir-faire interne à une organisation, selon l'hypothèse évolutionniste, et les savoirs extérieurs accessibles par la veille technologique (Bezard 2007). L’une des pathologies cognitives des entreprises réside souvent dans leur manque de gestion des connaissances qui leur sont extérieures. (Le Boterf 2008) met en avant que le savoir se partage autant qu'il s'accumule. Les idées nouvelles émergent ainsi du croisement de disciplines diverses et par analogie. On notera que le modèle SECI de Nonaka fait porter ce brassage par l'organisation, mais également (Nonaka 1994) par les individus qui interfèrent chacun avec le monde extérieur (voir Figure II-2). Le modèle de la marguerite de Jean-Louis Ermine (voir Figure II-3) donne pour sa part à l'organisation un rôle plus volontaire dans la recherche d'information par la pratique de l'intelligence économique.

L'épistémologie des inventions (Altshuller 1984; Hatchuel et Weil 2002; Alberti 2009) fournit des outils et des méthodes pour orienter l'inventeur, en quelque sorte pour l'aider à découvrir. Cette rationalité s'affranchit du processus essais-erreurs qui est pourtant à la base de la plupart des inventions. Or, le processus essais-erreurs mobilise beaucoup de temps et d'énergie. Les processus combinatoires, les évolutions systématiques autour d'un sujet et les mémoires numériques participent de ces outils possibles pour un inventeur (Moles 2008). Dans certaines configurations expérimentales, des outils

Page 85 sur 248 Système informatique de capitalisation de connaissances et d’innovation pour la conception et le

pilotage de systèmes de culture durables

numériques multiplient les expériences à moindre coût avant la réalisation d'un prototype nécessairement plus coûteux (Thomke 2001). L'innovation a une dimension supplémentaire puisqu'elle repose sur son acceptabilité par le corps social. Même si le processus de déploiement d'une innovation a des fondements peu rationnels, son acceptabilité est mesurée par des outils marketing (Pichat 2008) ou par des outils évaluant l'innovation par exemple d'un point de vue social, économique et environnemental.

(Alberti 2009) a recensé un certain nombre de méthodes d'aide à la créativité. Elles croisent cinq logiques de fonctionnement de la créativité (Vadcard 1996): associative, analogique, combinatoire, onirique et aristotélicienne ("démarche logique d'organisation arborescente des idées et des concepts" selon (Alberti 2009)). Cinq méthodes sont particulièrement connues et diffusées.

Dans une séance de brain-storming, les participants proposent leurs idées librement. Le groupe accepte d'examiner toutes les idées sans manifester de jugement sur ceux qui les ont exprimées.

La démarche Six Sigma pour sa part est une recherche permanente de la perfection (Billam et Pathy 2002). Cette méthodologie est bien adaptée au processus. Elle est proche conceptuellement de la qualité totale. Cinq étapes structurent Six Sigma: définir, mesurer, analyser, améliorer, contrôler.

La méthode Triz et l'analyse de la valeur sont plus spécifiquement décrites dans les deux paragraphes qui suivent.

La théorie C-K de (Hatchuel et Weil 2002) est également abordée ci-dessous à travers les processus de conception réglée ou innovante.