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Comme nous venons de le voir, la TCHH est impliquée dans les processus de différenciation de la médulla ainsi que des cellules de Huxley, Henlé et cuticulaires de la gaine épithéliale interne. Cette protéine est d’autre part le premier substrat des PADs à avoir été identifié par Rogers et Taylor en 1977 (Rogers et Taylor, 1977).

1. Structure de la trichohyaline

Comme la FLG, la TCHH appartient à la famille des SFTPs (voir paragraphe II.A). C’est une protéine de haut poids moléculaire (220 kDa) qui est constituée, comme toutes les SFTPs, d’un domaine amino-terminal de type S100 (domaine 1), d’un grand domaine central répétitif et d’un domaine carboxy-terminal (domaine 9). Sa partie centrale a la particularité d’être très riche en acides glutamiques (28,6%), arginines (23,9%) et glutamines (19,3%) (Tableau II). Elle est constituée de quatre sous-domaines répétitifs (domaines 3, 4, 6 et 8) présentant une structure principalement en hélices alpha, séparés par des domaines « linkers » ou « espaceurs » (domaines 2, 5 et 7). Le domaine 6 est constitué de 8 répétitions d’une séquence très conservée de 30 acides aminés, et le domaine 8 de 23 répétitions contenant au plus 26 acides aminés (Figure 38 ; Lee et al., 1993). En outre, sa grande richesse en arginines (voir annexe 1) fait de la TCHH un substrat privilégié des PADs, qui je le rappelle catalysent la conversion des résidus arginine en résidus citrulline appelée désimination (voir paragraphes IV.B et IV.F.2.a). La TCHH présente aussi la particularité de porter 332 résidus glutamine et 104 résidus lysine, pouvant potentiellement être impliqués dans la formation de liaisons ε-(γ-glutamyl)-lysine catalysée par les TGases. De telles liaisons ont été retrouvées sur toute la longueur de la TCHH, hormis dans les domaines amino- et carboxy-terminaux (domaines 1 et 9). Il a été montré que les domaines 6 et 8 de la TCHH sont principalement impliqués dans l’interaction avec les kératines. De plus, les molécules de TCHH sont liées entre elles et à d’autres protéines composant l’enveloppe cornée majoritairement via les résidus glutamine et lysine des domaines 2 à 5 ; la plupart des liaisons intra-TCHH ayant été retrouvées au niveau du domaine 5

Figure 38 : Structure de la trichohyaline. Schéma réalisé d’après (Lee et al., 1993) et les informations trouvées dans les bases de données NCBI et UniprotKB (NP_009044.2, Q07283).

(Steinert et al., 2003). Cependant, il a été récemment démontré, grâce à l’expression in cellulo de formes recombinantes de TCHH entière et tronquées, que le domaine carboxy-terminal de la TCHH est nécessaire pour induire la formation du réseau de filaments intermédiaires de kératines (Takase et Hirai, 2012).

2. Expression et métabolisme de la trichohyaline dans le follicule pileux

La TCHH est exprimée dans les trois types cellulaires de la gaine épithéliale interne ainsi qu’au niveau de la médulla (Figure 39A). Elle est également détectée dans l’épithélium de l’estomac des rongeurs, les papilles filiformes de la langue, le lit de l’ongle et l’épithélium cornifié du palais dur. Elle est de plus parfois détectée au niveau de la couche granuleuse de l’épiderme du prépuce des nouveau-nés, où se formeraient des granules hybrides de TCHH et FLG (Hamilton et al., 1991 ; Manabe et O’Guin, 1994).

Lors de la différenciation des couches de la gaine épithéliale interne, la TCHH néo-synthétisée s’accumule dans des granules amorphes. La TCHH présente à la périphérie des granules est ensuite désiminée par les PADs, ce qui induit une augmentation de sa solubilité (voir paragraphe IV.F.2.a). Ceci permet une meilleure accessibilité de la TCHH aux TGases qui vont alors catalyser la formation de liaisons isopeptidiques intra- et intermoléculaires. La TCHH est ainsi liée à ses partenaires protéiques dont les principaux sont les kératines, et participe ainsi à l’organisation des filaments intermédiaires de kératines en macrofibrilles au sein de la gaine épithéliale interne (Figures 39B et C). Elle est aussi liée à un certain nombre de protéines de l’enveloppe cornée, comme l’involucrine, et servirait ainsi de lien entre les macrofibrilles de kératines et l’enveloppe cornée, renforçant encore la rigidité des cellules de la gaine épithéliale interne (Steinert et al., 2003).

Dans la médulla, la TCHH présente un métabolisme similaire à la différence que, les filaments de kératines y étant peu abondants, la TCHH désiminée est principalement liée à elle-même par les TGases et forme des agrégats amorphes participant à la rétractation des cellules de la médulla et donc à la formation de cavités (Figure 39C ; Tarcsa et al., 1997).

In vitro, il a été montré que le domaine 8 de la TCHH est plus rapidement lié par les TGases

lorsqu’il est désiminé, la TGase 3 étant le plus efficace des isotypes. Il a donc été proposé que la TGase 3 soit responsable de la formation des liaisons isopeptidiques entre la TCHH et ses partenaires au sein du follicule pileux, bien que d’autres TGases y soient aussi exprimées (Tarcsa et al., 1997).

3. Implications physiopathologiques de la trichohyaline

a. Trichohyaline et forme du cheveu

La TCHH semble jouer un rôle dans la morphologie du cheveu. En effet, une étude d’association pangénomique, portant sur la forme du cheveu (cheveux raides, ondulés ou bouclés) et réalisée à l’aide de trois cohortes australiennes, a montré qu’il existe une association entre la présence d’un polymorphisme du gène de la TCHH (rs11803731 : TCHH c.2368T>A ; TCHH p.Leu790Met) et la forme raide. Ces résultats ont depuis été confirmés par une seconde étude réalisée avec deux cohortes européennes. Ce polymorphisme expliquerait ainsi 6 % de la variation de la morphologie capillaire dans les populations étudiées (Medland et al., 2009 ; Pośpiech et al., 2015).

Figure 39 : Localisation de la trichohyaline dans le follicule pileux et modèle de la maturation de la trichohyaline dans la gaine épithéliale interne et dans la médulla. (A) Immunodétection de la TCHH avec l’anticorps AE16 sur une coupe de follicule pileux humain. L’anticorps AE16 reconnaît la TCHH désiminée à la périphérie des granules. GEI : gaine épithéliale interne, M : médulla. D’après (Chavanas et al., 2006). (B) Immunomarquage de la TCHH en microscopie électronique à transmission avec l’anticorps AE15 (a) et AE17 (b). L’anticorps AE15 marque la totalité des granules de TCHH et reconnaîtrait donc principalement les formes non désiminées de la TCHH. L’anticorps AE17 marque uniquement la TCHH associée aux filaments intermédiaires de kératines. D’après (O’Guin et al., 1992).(C) Modèle du métabolisme de la TCHH dans la médulla et dans la gaine épithéliale interne. La TCHH est d’abord stockée au sein de granules. Elle est ensuite désiminée par les PADs, ce qui la rend soluble et accessible aux TGases. Dans la médulla, elle est essentiellement liée à elle-même et forme des agrégats amorphes alors que dans la gaine interne, elle est liée aux filaments de kératines et permet leur association parallèle aboutissant à la formation de macrofibrilles. D’après (Tarcsa et al., 1997).

Dans ce variant de la TCHH, un résidu leucine situé dans le domaine 5 de la protéine est substitué par un résidu méthionine. Le domaine 5 est peu structuré et n’est pas organisé en hélice-α. L’impact de cette substitution sur la structure ou la régulation de la TCHH reste inconnu.

Cette découverte est en accord avec l’hypothèse, depuis longtemps proposée par les spécialistes de la biologie du cheveu, selon laquelle la structure de la gaine épithéliale interne joue un rôle prépondérant pour la détermination de la forme de la tige pilaire (Westgate et al., 2013).

b. Trichohyaline et alopecia areata

La TCHH est une des cibles des autoanticorps retrouvés dans l’alopecia areata (OMIM #104000 ;

Leung et al., 2010). Cette pathologie touche environ 2% de la population mondiale. Elle se caractérise par la perte des cheveux par plaques et peut aller jusqu’à engendrer une absence totale de poils sur toute la surface du corps. Elle s’accompagne parfois d’anomalies au niveau des ongles. Le rôle de ces autoanticorps dans la physiopathologie de la maladie reste encore à explorer.

IV.LES PEPTIDYL-ARGININE DESIMINASES

Comme nous l’avons brièvement aperçu dans les chapitres précédents, les PADs interviennent dans le métabolisme de la FLG ainsi que dans celui de la TCHH. Ces enzymes étant l’un des principaux objets de ma thèse, ce dernier chapitre leur est consacré. Comme vous allez le voir, les PADs sont présentes dans bien d’autres tissus que l’épiderme et le follicule pileux et sont impliquées dans de multiples processus physiologiques et dans diverses pathologies. Ces dernières années, un intérêt croissant pour ces enzymes s’est ainsi développé, comme l’illustre l’importante augmentation du nombre de publications scientifiques à leur sujet (Figure 40).

Figure 40 : Nombre de publications concernant les peptidyl-arginine désiminases et la désimination. Citation

Report, Web of Science. Mots clés : « deimination » ou « citrullination » ou « peptidylarginine deiminase » ou « protein arginine deiminase ».

Dans ce dernier chapitre, les caractéristiques biochimiques et structurales des PADs seront décrites et une brève revue, non exhaustive, de leurs diverses implications physiologiques et pathologiques sera présentée.