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Structure pluristratifiée de l’épiderme

1. La couche basale

La couche basale ou stratum basale est la couche la plus profonde de l’épiderme. Elle est constituée d’une seule assise de kératinocytes de forme cubique au noyau volumineux (Figure 2). Ils sont rattachés à la lame basale par des structures d’adhésion, les hémidesmosomes, et aux kératinocytes voisins par les desmosomes. Seuls les kératinocytes basaux sont mitotiquement actifs et assurent le renouvellement continu de l’épiderme (voir paragraphe I.D.1). De façon très régulée, certains d’entre eux se détachent de la lame basale pour migrer vers la couche épineuse et s’engagent ainsi dans le processus de différenciation kératinocytaire.

2. La couche épineuse

La couche épineuse ou stratum spinosum est composée de cinq à dix assises cellulaires. Elle doit son nom à la présence de très nombreux desmosomes visibles au niveau de ce compartiment en microscopie électronique et donnant un aspect « épineux » aux cellules (Figure 6A). Les desmosomes sont des systèmes de jonction intercellulaire où s’ancrent les filaments intermédiaires de kératines

(Figures 6B et C). Ces structures d’adhésion assurent la cohésion entre les kératinocytes et confèrent à l’épiderme une grande résistance mécanique. Dès lors qu’un kératinocyte entre dans la couche épineuse, il sort du cycle cellulaire et entre en différenciation. Les kératinocytes épineux sont polyédriques, ils s’aplatissent et s'élargissent à mesure qu’ils migrent vers la couche granuleuse.

Figure 6 : Aspect "épineux" et desmosomes de la couche épineuse observés en microscopie électronique à transmission. (A) Vue d’ensemble de la couche épineuse. Barre d’échelle = 2 µm (B, C) Desmosomes. Barre

3. La couche granuleuse

La couche granuleuse ou stratum granulosum est composée d’une à trois assises de kératinocytes. C’est la dernière couche de cellules vivantes de l‘épiderme (présentant une activité transcriptionnelle et traductionnelle). Bon nombre de composants nécessaires à la formation de la couche cornée (voir paragraphe I.B.4) sont donc synthétisés par le kératinocyte granuleux. Les kératinocytes granuleux sont particulièrement aplatis et doivent leur nom à la présence dans leur cytoplasme de nombreux granules de kératohyaline (Figures 2 et 7A). Ce sont des agrégats protéiques amorphes de taille variable (faisant jusqu’à plusieurs micromètres de largeur) qui constituent des zones de stockage de protéines indispensables au processus terminal de différenciation. Chez le rongeur, on distingue les granules de type F qui contiennent le précurseur de la FLG : la profilaggrine (proFLG) (voir chapitre II), et des granules de type L qui contiennent la loricrine (voir paragraphe I.E.2.a ; Steven et al., 1990). Chez l’homme, il semble que ces deux protéines soient stockées au sein des mêmes granules (Yoneda et al., 2012). Le cytoplasme des kératinocytes granuleux contient aussi des corps lamellaires, structures sécrétoires tubulo- vésiculaires de petite taille (100-150 nm de diamètre) dérivant du réseau trans-golgien (Figures 2 et 7B ; Elias et al., 1998). Les corps lamellaires (appelés aussi kératinosomes) sont des petites structures vésiculaires délimitées par une membrane lipidique qui contiennent notamment les précurseurs lipidiques des espaces intercornéocytaires organisés en feuillets, les enzymes impliquées dans la maturation des lipides, des protéases et leurs inhibiteurs impliqués dans la desquamation, et aussi des protéines et des peptides antimicrobiens. Les corps lamellaires des kératinocytes granuleux

Figure 7 : Granule de kératohyaline, corps lamellaire et jonction serrée, trois structures spécifiques de la couche granuleuse observées en microscopie électronique à transmission. (A) Observation de granules de

kératohyaline (GKH) et de corps lamellaires (CL, flèches blanches) de la couche granuleuse. Barre d’échelle = 1 µm. D’après (Leigh et al., 1994). (B) Organisation en feuillets des lipides stockés au sein d’un corps lamellaire. Barre d’échelle = 50 nm. D’après (Madisson et al., 2003). (C) Jonctions serrées présentes au niveau de la membrane latéro-apicale des kératinocytes granuleux. Barre d’échelle = 50 nm. D’après (Brandner et al., 2009).

Figure 8 : Enveloppe cornée, cornéodesmosomes, lamellae lipidiques intercornéocytaires et matrice fibreuse intracornéocytaire observés en microscopie électronique à transmission. (A) Observation de

l’enveloppe cornée (EC) et d’un cornéodesmosome (CD) en cours de formation dans un kératinocyte situé à la transition entre couche granuleuse et couche cornée. (B) Observation des lamellae lipidiques intercornéocytaires (LL) et d’un cornéodesmosome (CD) et de la matrice fibreuse intracornéocytaire (MF). Barres d’échelle = 100 nm. D’après (Lin et al., 2012).

déversent leur contenu dans l’espace extracellulaire entre couche granuleuse et couche cornée et jouent ainsi un rôle majeur dans la formation du « ciment » lipidique intercornéocytaire et dans la régulation de la desquamation. Enfin, on retrouve aussi au niveau de la couche granuleuse des jonctions intercellulaires spécifiques des épithéliums, associées au cytosquelette d’actine : les jonctions serrées (Figures 2 et 7C ; Kirschner et Brandner, 2012). Elles sont localisées au niveau des membranes latéro-apicales des kératinocytes granuleux et il semble qu’elles persistent dans la couche cornée profonde (Haftek et al., 2011). Ces jonctions serrées assurent une étanchéité presque totale de l’épiderme, ne laissant passer que les toutes petites molécules et les ions. Elles jouent de plus un rôle dans la polarisation cellulaire en empêchant la diffusion libre des lipides et protéines de la membrane plasmique entre le pôle baso-latéral et le pôle apical (Kirschner et Brandner, 2012).

4. La couche cornée

Lors de la transition entre couche granuleuse et couche cornée, les kératinocytes subissent un programme de différenciation unique, aboutissant à la mort cellulaire, appelé cornification. Ce processus est décrit en détail au paragraphe I.E.

La couche cornée ou stratum corneum est composée d’un empilement de 10 à 30 assises de kératinocytes très aplatis, anucléés et dépourvus d’organites, appelés cornéocytes (Figure 2). Les cornéocytes présentent des caractéristiques structurales bien particulières, qui leur confèrent des caractéristiques fonctionnelles à part entière. L’espace intracornéocytaire est majoritairement composé d’une matrice fibreuse, dense et riche en kératines. Les cornéocytes sont délimités par une coque lipido-protéique très rigide et insoluble qui remplace la membrane plasmique : l’enveloppe cornée (ou cornifiée). Les espaces intercornéocytaires sont emplis de lipides organisés en lamellae qui constituent un ciment hydrophobe autour des cornéocytes (assurant en partie l’étanchéité de la couche cornée). De plus, les cornéocytes sont reliés entre eux par les cornéodesmosomes, jonctions spécifiques de la couche cornée issues de la modification des desmosomes (Figure 8). Ces structures

assurent la cohésion des cornéocytes dans la partie profonde de la couche cornée appelé stratum

compactum. Au niveau des assises plus superficielles appelées stratum disjunctum, les

cornéodesmosomes sont protéolysés. Les cornéocytes sont alors moins cohésifs et finissent par se détacher de l’épiderme. Ce processus est appelé la desquamation (voir paragraphe I.D.3).

La couche cornée a longtemps été considérée comme une simple couche de cellules mortes sans réelle fonction. En réalité, elle est métaboliquement active et assure en très grande partie la fonction de barrière de l’épiderme.