• Aucun résultat trouvé

Rôles physiologiques des PADs dans l’épiderme

F. Implications physiologiques et pathologiques des PADs dans la peau

1. Rôles physiologiques des PADs dans l’épiderme

a. Substrats épidermiques des PADs

Dans l’épiderme, les protéines désiminées sont détectées uniquement au niveau de la couche cornée (Figure 50A). Seuls 4 substrats épidermiques ont pour l’instant clairement été identifiés. Il s’agit des kératines 1 et 10, de la FLG et de l’hornerine, une autre SFTP composant de l’enveloppe cornée (Senshu et al., 1996 ; Hsu et al., 2016 ; Figure 50B). Ceci a notamment été démontré en réalisant des électrophorèses bidimensionnelles suivies d’immunodétections avec un antisérum spécifique des protéines désiminées, appelé AMC pour « anti-modified citrulline ». Cet antisérum, purifié par affinité, reconnait spécifiquement les résidus citrulline des protéines après que ceux-ci aient été modifiés chimiquement (Senshu et al., 1995). On peut noter sur les figures 50B.c et 50B.i

que de nombreuses formes de FLG et d’hornerine, présentant différents points isoélectriques, sont détectées. Elles correspondent à des formes plus ou moins désiminées, les plus désiminées présentant les points isoélectriques les plus faibles (puisque la désimination engendre la perte d’une charge positive ; Figure 50B.c et 50B.i). On observe de plus que les formes les plus désiminées présentent un poids moléculaire apparent plus élevé que les formes non désiminées. La désimination change en effet les propriétés de migration des protéines dans les gels de polyacrylamide en présence de dodécylsulfate de sodium (Méchin et al., 2005).

Figure 50 : Distribution et identification de protéines désiminées dans l’épiderme. (A) Détection des protéines

désiminées sur coupe de peau humaine par immunohistochimie en utilisant l’anticorps AMC. (B) Caractérisation des protéines désiminées dans un extrait épidermique effectué en tampon urée (a-c, h-i) ou en tampon urée/2-ME (d-g) par électrophorèse bidimensionnelle. (a, d) Coloration des protéines totales. (b) Immunodétection de la FLG. (e) Immunodétection des kératines de type II. (f) Immunodétection des kératines de type I. (h) Immunodétection de l’hornerine (HRNR). (c, g, i) Immunodétection des protéines désiminées (AMC). D’après (Senshu et al., 1996 ; Hsu et al., 2016).

Les kératines 1 et 10 ne sont détectées sous formes désiminées que dans les assises les plus superficielles de la couche cornée (Ishida-Yamamoto et al., 2002). Il a été montré que les sites préférentiellement désiminés de la kératine 1 se trouvent dans les sous-domaines V1 et V2 de celle-ci

(Senshu et al., 1999). Le rôle de la désimination de ces deux kératines n’est pas connu mais il a été proposé qu’elle engendre une relaxation de la matrice fibreuse intracornéocytaire.

La FLG est une protéine très riche en arginines (qui représentent 11,2% des acides aminés composant sa partie centrale ; voir annexe 1) et est un des substrats majeurs des PADs dans l’épiderme. Comme nous l’avons vu, la désimination est une étape importante de son métabolisme

(voir paragraphe II.C.2). Outre le fait que la désimination de la FLG engendre une diminution de son organisation structurale (Tarcsa et al., 1996), deux fonctions majeures de la désimination de la FLG ont été démontrées. Tout d’abord, la désimination de la FLG diminue son affinité avec les filaments de kératines (Harding et Scott, 1983 ; Figure 51A). De plus, il a également été démontré in vitro que la FLG est plus rapidement protéolysée par la calpaïne 1 lorsqu’elle est désiminée (Kamata et al., 2009 ; Hsu et al., 2011 ; Figure 51B).

Concernant l’hornerine, il a été montré que sa désimination facilite, tout comme pour la FLG, sa protéolyse par la calpaïne 1. De plus, elle la rend aussi plus susceptible à l’action des TGases 1 et 3 ; il semblerait donc que l’hornerine soit incorporée sous forme désiminée à l’enveloppe cornée (Hsu et

Figure 51 : Lorsqu’elle est désiminée, la filaggrine n’est pas capable d’interagir avec les filaments de kératines et est plus rapidement protéolysée par la calpaïne 1. (A) Formation in vitro de macrofibrilles, en incubant des kératines de cochon d’Inde et de la FLG humaine, analysée par électrophorèse bidimensionnelle en présence de SDS. (a) FLG humaine partiellement purifiée. (b) Culot insoluble obtenu après incubation de la FLG humaine et des kératines de cochon d’Inde, correspondant donc aux macrofibrilles insolubles. K = kératines. On remarque que seules les formes les plus basiques de FLG sont présentes dans ce culot. (c) Surnageant correspondant aux protéines non-agrégées. Les formes acides de FLG, correspondant aux formes désiminées, n’ont pas interagi avec les kératines et sont restées solubles. D’après (Harding et Scott, 1983). (B) Suivi par western blot de la protéolyse in vitro par la calpaïne 1 de la FLG recombinante non désiminée et de la FLG désiminée, en fonction du temps. D’après (Hsu et al., 2011).

al., 2016). Par ailleurs, la filaggrine-2 (une autre SFTP) pourrait aussi être désiminée. Cette protéine semble présenter un métabolisme similaire à celui de la FLG, et tout comme la FLG, sa désimination

in vitro facilite sa protéolyse par la calpaïne 1 (Hsu et al., 2011). Cependant, il n’a pour l’instant pas été démontré que cette protéine est désiminée in vivo.

b. Expression et activité des PADs dans l’épiderme

Aux niveaux ARN et protéine, seuls trois isotypes de PADs sont exprimés dans l’épiderme humain : les PADs 1, 2 et 3 (Nachat et al., 2005a ; Méchin et al., 2005). En immunofluorescence indirecte, la PAD1 est détectée dans le cytoplasme de tous les kératinocytes vivants avec un gradient d’intensité croissante depuis la couche basale vers la couche granuleuse. En immunomicroscopie électronique, elle est de plus retrouvée dans toute la couche cornée, au sein de la matrice intracornéocytaire

(Figures 52 et 53A). La PAD2 est retrouvée dans le cytoplasme des kératinocytes épineux et à la périphérie des kératinocytes granuleux (Figure 52). La PAD3 est quant à elle détectée dans le cytoplasme des kératinocytes granuleux en immunofluorescence indirecte et est aussi détectée dans la matrice des assises profondes de cornéocytes de la couche cornée en immunomicroscopie électronique (Figures 52 et 53B).

Figure 52 : Localisation des PADs 1, 2 et 3 dans l’épiderme humain. Les PADs ont été détectées par

immunofluorescence indirecte avec des anticorps anti-peptides spécifiques de chaque isotype et observées en microscopie confocale. Barre d’échelle = 20 µm. D’après (Nachat et al., 2005a).

Bien que les protéines désiminées soient détectées uniquement au niveau de la couche cornée, les PADs 1 et 2 sont détectées dans les couches basale et/ou épineuse. On peut donc supposer qu’elles n’y sont pas actives, peut-être du fait d’une trop faible concentration en calcium intracellulaire. En effet, nous avons vu précédemment que la concentration en calcium suit un gradient d’intensité croissante de la couche basale vers la couche granuleuse, où elle atteint un maximum, et diminue ensuite au sein de la couche cornée (voir paragraphe I.D.2.b). Les PADs seraient ainsi actives uniquement au niveau des couches granuleuse et cornée, où la concentration en calcium est la plus forte.

In vitro, les trois isotypes de PADs épidermiques sont capables de désiminer la FLG. Néanmoins, la

PAD2 étant détectée uniquement en périphérie des cellules granuleuses et étant absente de la couche cornée, il est peu probable que cet isotype participe à la désimination de la FLG in vivo. Par contre, des analyses en immunomicroscopie électronique ont montré que la PAD1 et la PAD3 colocalisent partiellement avec la (pro)FLG au niveau des granules de kératohyaline de la couche granuleuse et dans la matrice fibreuse des cornéocytes les plus profonds (Figures 53A.b, 53A.d, 53B.b et 53B.c). De plus, les marquages de la FLG et de la PAD3 disparaissent simultanément au niveau de la couche cornée superficielle (Figure 53B.a). Ceci suggère que la PAD1 et la PAD3 sont responsables de la désimination de la FLG in vivo. En outre, la PAD1 étant le seul isotype détecté jusqu’en haut de la couche cornée, elle semble donc être la meilleure candidate pour la désimination des kératines 1 et 10 dans les assises les plus superficielles de cornéocytes.

Les fonctions de la PAD2 et ses cibles dans l’épiderme n’ont à ce jour pas été mises en évidence. Les souris dont le gène Padi2 a été invalidé ne présentent aucun phénotype cutané remarquable. L’absence de Pad2 ne modifie ni le profil d’expression, ni le taux de protéines désiminées dans l’épiderme. Pourtant aucune compensation par les autres isotypes de Pad n’a été mise en évidence. Chez ces souris, la différenciation épidermique ainsi que la fonction barrière ne sont pas altérées

(Coudane, 2009). Il semble donc que cet isotype ne joue pas de rôle en condition normale dans l’homéostasie épidermique, chez la souris tout du moins.

Figure 53 : Localisation des PADs 1 et 3 dans les couches granuleuse et cornée et colocalisation avec la filaggrine. Double immunodétection de la FLG (billes d’or de 10 nm) et de la PAD1 (A) ou de la PAD3 (B) (billes

d’or de 5 nm) et observation en microscopie électronique à transmission. Barre d’échelle = 0,1 µm (A.a, b et d), 0,2 µm (A.c et D). C1-C8 : différentes assises de cornéocytes de la couche cornée, G : couche granuleuse, KG : granules de kératohyaline, KIF : filaments intermédiaires de kératines. D’après (Méchin et al., 2005).