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Protéases impliquées dans la protéolyse de la profilaggrine

C. La filaggrine et son métabolisme

5. Protéases impliquées dans la protéolyse de la profilaggrine

En plus de son rôle dans le clivage du domaine amino-terminal, la PEP1 murine est aussi capable de cliver la proFLG in vitro et de produire ainsi des mono- et oligomères de FLG (Resing et al., 1995).

La calpaïne 1, une protéase à cystéine dépendante du calcium, a également été impliquée dans la protéolyse de la proFLG. Elle est exprimée dans la couche granuleuse de l’épiderme humain, avec une localisation cytoplasmique granulaire (Miyachi et al., 1986). Le traitement de kératinocytes humains en culture avec la calpastatine, un inhibiteur spécifique des calpaïnes, entraîne une diminution de la quantité de monomères de FLG. Il n’est cependant pas clairement démontré que cette protéase agisse directement sur la proFLG (Yamazaki et al., 1997).

Il a également été proposé que la cathepsine D participe à la dégradation de la proFLG en monomères. En effet, l’incubation in vitro de proFlg de rat avec la cathepsine D induit une protéolyse limitée du précurseur et la production de monomères de Flg (Kashima et al., 1988). Cependant, dans l’épiderme de souris déficientes en cathepsine D, la proFlg ne s’accumule pas mais est au contraire faiblement détectée (Egberts et al., 2004).

La matriptase, une protéase à sérine transmembranaire, joue aussi un rôle dans la protéolyse de la proFLG. En effet, l’épiderme de souris, dont le gène de la matriptase (St14) a été inactivé, présente des défauts de protéolyse de la proFLG : alors que le monomère de Flg n’est quasiment plus produit, des formes entières ou partiellement protéolysées de proFlg s’accumulent (List et al., 2003). De plus, il semble que la matriptase soit aussi impliquée dans la protéolyse du domaine amino-terminal puisque, dans l’épiderme des souris déficientes en matriptase, des fragments correspondant aux domaines A et B couplés à une sous-unité tronquée de Flg s’accumulent alors que le domaine amino- terminal entier (A et B) et le domaine A ne sont plus détectés. Enfin, chez l’homme, des mutations faux-sens du gène codant la matriptase sont responsables d’une ichtyose congénitale autosomale récessive (ARCI 11) associée à une hypotrychose (OMIM #602400). Ces mutations, touchant des acides aminés du site actif et résultant en une diminution de l’activité protéolytique de la matriptase, entraînent des anomalies dans la protéolyse de la proFLG, similaires à celles observées dans l’épiderme des souris (Alef et al., 2009).

La prostasine, une autre protéase à sérine, semble aussi impliquée dans la protéolyse de la proFlg. Les souris dont le gène de la « channel-activating protease 1/protease serine S1 family member 8 » (CAP1/Prrs8, homologue murin de la prostasine) a été inactivé présentent une altération de la protéolyse de la Flg similaire à celle observée chez les souris déficientes en matriptase. Deux sites de clivage putatifs par la prostasine ont de plus été identifiés dans la séquence de la proFLG humaine

(Netzel-Arnett et al., 2006). Quoiqu’il en soit, la prostasine et la matriptase étant toutes deux des protéases transmembranaires à activité extracellulaire, il semble peu probable que l’une ou l’autre

puisse agir directement sur la proFLG qui elle est cytoplasmique. In vitro, la matriptase est capable de cliver la prostasine, ce qui engendre son activation. Ceci, ajouté au fait que les deux modèles de souris déficientes en matriptase et CAP1/Prrs8 présentent des phénotypes similaires, suggère que ces deux protéases appartiennent à une cascade protéolytique commune dans laquelle la matriptase agirait en amont de la prostasine. Ainsi, il a été proposé que la prostasine, activée par la matriptase, stimule le canal sodique ENaC, provoquant un influx de sodium dans la cellule. Cet influx d’ions Na+ induirait alors une entrée de calcium accrue dans les cellules et activerait des protéases dépendantes du calcium ayant pour substrat la proFLG (Ovaere et al., 2009). Une autre hypothèse serait que, lors de la différenciation terminale kératinocytaire, des changements drastiques de la structure des organelles et de la membrane plasmique permettraient à des protéines normalement situées dans le lumen des organelles ou à la surface de la cellule de se retrouver dans le cytoplasme (List et al., 2003). La matriptase et la prostasine pourraient alors agir directement sur la proFLG. Jusqu’à maintenant, aucune donnée expérimentale n’a cependant mis en évidence une action directe de ces enzymes sur la proFLG.

Plus récemment, le rôle de la SASPase (skin aspatatic protease) dans le clivage de la proFLG a été mis en évidence. La SASPase, exclusivement exprimée dans la couche granuleuse, présente un domaine transmembranaire en position amino-terminal. Son activation nécessite un clivage qui libère alors une forme active de 14 kDa (Bernard et al., 2005). L’épiderme de souris hairless déficientes en SASPase présente lui aussi une protéolyse de la proFlg aberrante. Les monomères de Flg ne sont quasiment plus produits alors que des formes correspondant probablement à des dimères et trimères s’accumulent. En immunofluorescence indirecte, la (pro)Flg est détectée jusqu’en haut de la couche cornée alors qu’on la retrouve normalement uniquement au niveau de la couche granuleuse et de la couche cornée profonde. De manière inattendue, la composition en acides aminés libres de la couche cornée n’est cependant pas modifiée. La SASPase recombinante est capable, après auto-activation, de cliver directement in vitro une forme recombinante de la proFLG humaine (correspondant à une sous-unité de FLG recombinante couplée à une protéine de liaison au maltose par le peptide de liaison de la proFLG) au niveau du peptide de liaison (Matsui et al., 2011).

Contrairement aux souris dont le gène codant la matriptase, la prostasine ou la SASPase a été invalidé, les souris déficientes pour Spink5 (codant pour LEKTI, un inhibiteur de protéases à sérine comprenant les KLKs ; voir paragraphe I.D.3), présentent une protéolyse accrue de la proFlg conduisant à l’accumulation de monomères (Descargues et al., 2005). Ceci suggère que l’activité d’une ou plusieurs protéases impliquées dans la dégradation de la proFlg est régulée par LEKTI. La KLK5 et l’élastase 2 semblent être de bonnes candidates.

L’élastase 2, pendant longtemps considérée comme une protéase à sérine spécifique du pancréas, a été mise en évidence dans l’épiderme des souris déficientes en LEKTI, où elle est hyperactive. Des

essais in vitro montrent que l’élastase 2 est activée par la KLK5, elle-même sous le contrôle de LEKTI. La surexpression de l’élastase 2 dans l’épiderme de souris transgéniques (Tg- élastase 2) engendre une dégradation accrue de la proFlg mais aussi du monomère de Flg. En accord avec cela, ces souris présentent de plus une diminution de la détection globale de la (pro)Flg en immunohistochimie ainsi qu’une diminution de la taille et du nombre de granules de kératohyaline observés en MET. In vitro, l’ajout d’élastase 2 purifiée à un extrait d’épiderme engendre une dégradation accrue de la proFlg ainsi que des monomères de Flg. Enfin, l’élastase 2 colocalise avec la FLG dans l’épiderme humain à la périphérie des granules de kératohyaline (Bonnart et al., 2010). Cette étude suggère donc que l’élastase 2 agit de manière directe sur la proFlg.

Outre son rôle dans l’activation de l’élastase 2, la KLK5 semble aussi être capable de protéolyser la proFLG de manière directe. Tout d’abord la colocalisation de la KLK5 avec la (pro)FLG dans l’épiderme humain a été mise en évidence en immunofluorescence indirecte et en immunomicroscopie électronique. De plus, l’utilisation d’une nouvelle technologie permettant de visualiser les interactions entre protéines, appelée Duolink, démontre une colocalisation extrêmement fine (<40 nm) entre KLK5 et (pro)FLG. Enfin, in vitro, la KLK5 recombinante est capable de cliver la proFLG recombinante humaine très probablement au niveau du peptide de liaison, puisque lorsque celui-ci est muté le clivage n’a plus lieu (Sakabe et al., 2013). Cependant, les souris transgéniques surexprimant la KLK5 spécifiquement au niveau de l’épiderme ne présentent pas d’anomalies de protéolyse de la proFlg (Furio et al., 2014), suggérant que le contrôle de la protéolyse de la proFLG par la voie LEKTI-KLK5-élastase 2 est complexe.

Malgré ces travaux, la localisation cytoplasmique de la KLK5 et de l’élastase 2 reste incertaine et controversée. En effet, la KLK5 semble majoritairement être secrétée dans l’espace intercornéocytaire via les corps lamellaires et l’élastase 2 est également secrétée par les kératinocytes de souris Tg-élastase 2 différenciés in vitro (Bonnart et al., 2010).

Pour finir, la matriptase et la KLK5 semblent appartenir à une même voie de signalisation protéolytique. En effet, l’inactivation du gène de la matriptase dans l’épiderme des souris déficientes en LEKTI bloque la protéolyse excessive de la proFlg et restaure les granules de kératohyaline. De plus, il a été montré in vitro que la matriptase est capable d’activer les KLK 5 et 7 (Sales et al., 2010).

Ainsi un équilibre finement régulé, entre les activités des diverses protéases impliquées dans la protéolyse de la proFLG en monomères de FLG, semble exister et est loin d’être complètement élucidé.