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Les grandes étapes de la différenciation du follicule pileux

Les cellules de la matrice du follicule pileux se divisent de manière active et migrent progressivement vers le haut du follicule. À partir d’une certaine zone, appelé niveau critique ou ligne d’Auber, les cellules, à l’exception de celles de la gaine épithéliale externe, cessent de se diviser et commencent à se différencier. Selon les couches dans lesquelles elles s’engagent, les cellules folliculaires vont subir des processus de différenciation spécifiques et asynchrones (Figure 34). Elles vont notamment exprimer des protéines spécifiques, et en particulier un panel de kératines et de protéines associées aux kératines (des familles riches en souffre, très riches en souffre, et riches en glycine et tyrosine), en fonction de la couche folliculaire dans laquelle elles se trouvent et de leur stade de différenciation (Rogers et al., 2006 ; Langbein et al., 2010). Ceci fait de la différenciation folliculaire un phénomène extrêmement complexe.

Figure 34 : Différenciation du follicule pileux. Représentation schématique des principales modifications

morphologiques subies par les différents types cellulaires du follicule pileux au cours de sa différenciation. ORS : gaine épithéliale externe, IRS : gaine épithéliale interne, dp : papille dermique, mat : matrice, co : cortex, med : médulla. Adapté de (Langbein et al., 2010 ; Barthélémy, 2011).

Au fur et à mesure de leur migration vers la surface cutanée, les cellules corticales et cuticulaires de la tige pilaire s’allongent dans le sens de la pousse. Parallèlement à leur élongation, les cellules cuticulaires se superposent les unes aux autres telles des tuiles. L’élongation de ces cellules coïncide

avec la cornification précoce de la couche de Henlé suivie de celles de la cuticule puis de la couche de Huxley de la gaine épithéliale interne. Dans cette même zone, la gaine épithéliale externe s’épaissit progressivement vers la surface cutanée, comme on l’observe sur le cliché de microscopie électronique à transmission de la Figure 34. La combinaison de ces évènements semble exercer une pression latérale sur les cellules internes, ce qui contribue probablement à leur déformation. En outre, la rigidification de la gaine épithéliale interne via sa cornification, qui a lieu en amont de celle du cortex et de la cuticule de la tige pilaire, semble jouer un rôle majeur dans la détermination de la forme de la tige pilaire.

La différenciation des trois couches de la gaine interne est caractérisée par la synthèse de TCHH qui forme dans un premier temps des granules cytoplasmiques de grandes tailles (Figure 32C). La TCHH se disperse ensuite progressivement et s’associe aux filaments de kératines auxquels elle est liée alors de manière covalente. Une kératinisation semblable à celle du cortex de la tige pilaire se déroule dans ces cellules, avec agrégation et alignement des filaments de kératines parallèlement au sens de la pousse, à la différence que les liaisons covalentes stabilisant la structure sont ici principalement des liaisons isopeptidiques catalysées par les TGases et non des ponts disulfures. Les cellules kératinisées de la gaine épithéliale interne sont finalement éliminées dans la partie supérieure du follicule pileux, avant l’abouchement du canal sébacé, ce qui aboutit à la libération de la tige pilaire. Il semblerait qu’elles soient éliminées via un processus impliquant une activité protéolytique accrue, similaire au phénomène de desquamation épidermique (Rogers, 2004).

Simultanément à leur élongation, les cellules du cortex se différencient puis se kératinisent. Elles expriment dans un premier temps les kératines 35 (type I) et 85 (type II), qui s’assemblent en hétérodimères au sein des filaments intermédiaires (voir paragraphe I.E.1.a), puis celles-ci sont ensuite remplacées par plusieurs autres isoformes de type I et de type II, et diverses protéines associées aux kératines sont exprimées de concert. L’expression de ces kératines et protéines associées aux kératines spécifiques engendre la production intense de filaments intermédiaires, qui s’agrègent progressivement et s’organisent de manière parallèle à l’axe d’élongation à mesure que les cellules migrent vers la surface. L’assemblage de plusieurs centaines de filaments intermédiaires aboutit à la formation des macrofibrilles du cortex. Ces structures sont stabilisées via la formation de liaisons disulfures interchaînes. On compte une dizaine de macrofibrilles par cellule corticale. En fin de kératinisation, la chromatine ainsi que la majorité des organelles sont dégradées, seuls quelques débris de membranes nucléaires insolubles persistent entre les macrofibrilles (Figure 35). Après la kératinisation, le cortex suit une phase de consolidation durant laquelle les filaments adoptent leur arrangement final suite à la déshydratation et à l’oxydation des cellules.

Les cellules cuticulaires de la tige pilaire expriment des kératines spécifiques : les kératines 32 et 82. Bien que des systèmes filamentaires puissent être observés durant la phase d’élongation, il n’y a pas de macrofibrilles qui se forment au sein de la cuticule. Par contre, l’apparition de granules coïncide avec l’expression de diverses protéines associées aux kératines spécifiques de la cuticule. Les granules, de petites tailles, s’agrègent dans le cytoplasme le long de la paroi périphérique pour constituer la couche A (une structure semblable à l’enveloppe cornée épidermique). Pendant la phase de kératinisation, les kératines 39 et 40 viennent remplacer les précédentes et se lient à des protéines associées aux kératines riches en soufre, via un dense réseau de liaisons covalentes pour former la structure amorphe et homogène de l’exocuticule. Lorsque l’exocuticule est constituée, les résidus cytoplasmiques se condensent et se regroupent au niveau de la paroi interne de la cellule pour former l’endocuticule (Figure 36).

En parallèle à la différenciation des cellules du cortex et de la cuticule, les cellules de la médulla, lorsqu’elles existent, suivent un programme de mort cellulaire bien particulier. Un des premiers signes de différenciation des cellules de la médulla est la formation de granules de TCHH dans leur cytoplasme. Vient ensuite la formation de pseudopodes (déformation de la membrane plasmique) sur les faces latérales des cellules de la médulla. Simultanément, les cellules corticales forment des

Figure 35 : Différenciation du cortex. (A) Observation en microscopie électronique à transmission du cortex à

différents stades de différenciation. Lors de la différenciation, les filaments intermédiaires de kératines (KIF) s’associent les uns aux autres de manière parallèle au sens de la pousse et forment les macrofibrilles. (B) Une fois différenciée, chaque cellule corticale contient une dizaine de macrofibrilles, elles-mêmes composées de l’association de centaines de filaments intermédiaires de kératines. Adapté de (Jones, 2001 ; Wolfram, 2003 ; Rogers, 2004).

protrusions s’invaginant dans la médulla au niveau de ces pseudopodes. Les cellules de la médulla meurent progressivement et se rétractent pendant que les granules de TCHH qu’elles contiennent se dispersent et forment une matrice amorphe. La rétractation des cellules, associée à l’augmentation de la surface membranaire et à la pression latérale, finit par engendrer la formation de cavités entre les cellules de la médulla (Figure 37 ; Morioka, 2009).

Figure 36 : Différenciation de la cuticule de la tige pilaire. (A) Observation en microscopie électronique à

transmission de la cuticule de la tige pilaire à différents stades de différenciation. Lors de la différenciation, la cellule se polarise : la couche A (A) se forme alors que l’exocuticule (Ex) apparaît plus progressivement. Les résidus cytoplasmiques se condensent ensuite et se regroupent au niveau de la paroi interne pour former l’endocuticule (En). Adapté de (Barthélémy, 2011). (B) Observation en microscopie électronique à balayage de la cuticule de la tige pilaire. D’après (Wolfram, 2003).

Figure 37 : Différenciation de la médulla. (A) Observation en microscopie électronique à transmission de la

médulla à différents stades de différenciation. Des granules de TCHH (têtes de flèche rouges) apparaissent tout d’abord dans le cytoplasme des cellules. Des pseudopodes se forment ensuite au niveau des membranes latérales des cellules. À cause de la pression latérale, des protrusions de cellules corticales s’invaginent dans les cellules corticales au niveau des pseudopodes et des cavités se forment entre les cellules. En parallèle, les cellules corticales meurent et se rétractent, ce qui élargit encore d’avantage les cavités. M : médulla, Cx : cortex. Adapté de (Langbein et al., 2010 ; Morioka, 2009).