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Cadre théorique et méthodologique

2.3 Trois Paliers sémantiques

2.3.2 Palier microsémantique et palier mésosémantique

2.3.2.4 Travaux d’étude de l’isotopie ou du thème

Dans cette section, nous présentons quelques travaux menés dans des domaines variés mais s’appuyant sur les concepts théoriques de l’isotopie et du thème. Nos études sur l’analyse de thème s’inspirent de ces expériences.

Dans les travaux de Valette ( 2009), plusieurs exemples sont donnés pour explorer l’isotopie et le thème. Par exemple, l’isotopie /ville/ est récupérée par divers vocabulaires qui partagent le même sème /ville/, tels que « urbaine »,

Fig. 2.5 – Repérer une isotopie dans un texte (graphe modifié à partir de son original proposé par Valette (2009)

Fig. 2.6 – Repérer un thème dans un texte (graphe modifié à partir de son ori- ginal proposé par Valette (2009))

« villes », « banlieue » et « ghettos », alors que le thème /ville botanique/ est composé de deux sèmes distinctes : /ville/ et /botanique/ (le dernier est représenté les vocabulaires cooccurrents de /ville/ : « arbre », « lilas des Indes », « la rose de Chine », « lys », « fleurs », etc.).

En disposant de l’hypothèse principale que les textes racistes et antiracistes partagent un même fond sémantique avec une certaine catégorie d’isotopies, mais se distinguent par les formes sémantiques manifestées par groupes stables de sèmes, Valette (2004) a mené une série d’analyses axées sur les trois paliers— palier macro-, méso- et micosémantique pour confirmer cette hypothèse.

Au palier macrosémantique, l’étude du genre se fait aux niveau intra- et infra- textuel par contraste des textes racistes et antiracistes14. Les résultats d’analyses

au niveau infratextuel montrent que les textes antiracistes citent davantage les textes racistes, alors que les textes racistes s’approprient directement le voca- bulaire des antiracistes. L’analyse sur les données globales infratextuelles porte principalement sur l’organisation des textes et le style dédié à la page Web, obser- vées par le biais des étiquettes multi-modales du code HTML. Autrement dit, la signature sémiotique du site. Il est observé que, par rapport aux textes classifiés comme racistes, les textes antiracistes sont plus structurés et mieux organisés. Par exemple, ces textes contiennent plus de balises comme <H1>, <H2>, <H3> (hié- rarchisation des titres) ou <UL>, <OL>, <LI> (balises pour créer des listes), etc. Des balises comme <CITE>, <BLOCKQUOTE> sont spécialement utili- sées dans les textes antiracistes, mais assez peu présentes dans les textes racistes. Dans leur aspect visuel (code couleur, typographie, utilisation des images), les textes à caractère raciste font majoritairement usage d’un style emphatique et dy- namique : code couleur avec du rouge sang, image GIF en arrière plan, bannières, et foisonnement d’éléments d’hypertextualité (liens internes, adresse e-mail, etc.). Ce qui est à l’opposé du style plus classique et plus sobre des textes à caractère antiracistes.

La détection du genre se base aussi sur les éléments du niveau intratextuel. Les variables comme les points d’exclamation, les adverbes de négation ou l’évaluation emphatique (jamais, rien, peu, tout, trop, etc.) montrent que le genre idéologique 14. Les critères de sélection des textes « repose sur une critique des systèmes de filtrage, et notamment sur ceux qui recourent à de simples listes de mots-clés (CyberSitter, CyberPatrol). Ceux-ci témoignent en effet d’une approche naïve du texte raciste, suggérant qu’il y a des mots racistes et des mots qui ne le sont pas, sans considération pour leur mise en texte » (Valette, 2004).

privilégié par les auteurs racistes est le pamphlet (ou le libelle), avec une forte présence de la diatribe et la polémique.

C’est à partir du second niveau de palier — le palier mésosémantique — que sont explorés les isotopies et les thèmes, qui sont actualisés par les cooccurrences de morphèmes ou de mots. Afin d’obtenir les corrélats d’une lexie, il procède à une sélection des cooccurrents associés à un mot pôle, en l’occurrence, dans les textes racistes et antiracistes, le mot «immigration» et le lemme «étranger». À partir de ces cooccurrents, il déduit des thèmes comme « immigration invasion » et « immigration croissante » pour les textes racistes, et « flux migratoire » et « fermeture de frontière » pour ceux à caractère antiraciste. Ceci permet de constater la différence des thèmes abordés dans les deux discours confrontés. L’auteur met en évidence la variété des formes sémantiques associées à une même unité lexicale dans deux corpus de textes contrastés de type raciste vs antiraciste. Dans l’exemple montré ci-dessous, le discours sur l’« étranger » relève d’un fond sémantique qui varie en fonction des sous-corpus.

Exemple : Le contraste des cooccurrences du mot « étranger » Tab. 2.1 – Tableau des cooccurrents du mot « étranger »

Corpus Cooc de « étranger »

Textes antiracistes irrégularité, régularisation Textes racistes illégalité, naturalisation

Dans l’article « Representations of the future in English language blogs on climate change», Fløttum et al. (2014) étudient les points de vue de plusieurs communautés discursives au sein de la blogosphère sur le sujet du changement climatique. Pour cela, l’auteur décrit d’abord la conceptualisation de la notion de « futur » dans les blogs portant sur les changements climatiques. Elle étudie les traits lexicaux (formes sémantiques) et les cooccurrents du mot-pivot « fu- tur », et découvre que le /futur/ constitue une isotopie dans l’ensemble du corpus, qui forme ainsi le fond sémantique des textes. Les vocabulaires cooccurrents de « futur » peuvent être scindés en deux avis contradictoires : l’avis positif est porté par le mot « opportunité » et l’avis négatif par les mots « risque, danger, menace ». Quelque soit les avis, ces discours dénotent que le changement cli- matique est d’origine anthropique. La diversité des discours liés à des points de

vue différents illustre l’hétérogénéité qui caractérise la blogosphère climatique, et montre que le problème du changement climatique est discuté par plusieurs com- munautés discursives, chacune ayant sa propre perspective et conceptualisation du changement climatique.

Après l’explication des concepts théoriques et la présentation des travaux pra- tiques réalisés par d’autres chercheurs dans le domaine, nous allons, à partir des parties suivantes, introduire la méthode quantitative — la textométrie — et les outils techniques qui nous assistent pour notre analyse qualitative.