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Cadre théorique et méthodologique

2.3 Trois Paliers sémantiques

2.3.1 Palier macrosémantique : analyse du genre textuel

2.3.1.2 Travaux sur l’étude du genre textuel

Dans le cadre de la linguistique, les textes constituent l’objet d’étude, et les traits pertinents, qui viennent des textes eux-mêmes, permettent de différencier des groupements de textes. Les travaux de Biber (1992) sont intéressants pour étudier des genres. En se basant sur le principe que les genres préexistent aux textes, la démarche proposée par Biber permet d’examiner les caractéristiques de chaque genre, autrement dit les variables qui rapprochent ou qui éloignent les textes d’un corpus. Pour ce faire, Biber définit, en s’appuyant sur 481 textes écrits annotés, seize catégories de traits linguistiques discriminants, dans lesquelles il répartit 67 traits linguistiques, qui se rapportent à la dialectique et à la dialogique. Ces traits sont par exemple «les marqueurs de temps et d’aspect, les adverbes et

locutions adverbiales de temps et de lieu, les pronoms et proverbes, questions, passifs, modaux, coordination, négation» , etc.

L’étude particulière de Beauvisage (2001) menée sur le roman policier nous permet de répondre partiellement aux problèmes méthodologiques soulevés par l’étude des genres textuels. Elle valide pleinement un travail fondé sur les va- riables morphosyntaxiques et sur la ponctuation. Son travail montre que ces élé- ments sont à même de donner, par contraste d’un autre genre dans le corpus,une représentation de la spécificité des genres.

L’interprétation se fait au niveau de la contextualisation, qui se décline en gé- néral sur deux niveaux principaux : l’intratextuel et l’intertextuel. POUDAT (2006) a mobilisé les calculs textométriques et certains concepts de la SI afin d’étudier le genre textuel des articles scientifiques. Dans ses expériences, elle combine l’analyse lexicale et la description morphosyntaxique sur les paliers in- fratextuels (les sections) et supratextuel (le style, le domaine, etc.).

Kessler, Nunberg et Schutze (1997) ont étudié la détection automatique des genres des documents issus du Web, et montré qu’un système automatique

est capable de reconnaître les genres. La reconnaissance des genres est réalisée en analysant la cooccurrence d’éléments de nature différente. Ils ont mis en question les variables hétérogènes associées à la structure de surface et profond, qui sont en mesure de détecter le genre textuel de ces types de documents. En définissant le genre comme « un principe de classement hétérogène au texte », à chaque classe- ment sont attachés des traits discriminants spécifiques. Dans l’étude de Kessler, quatre types de traits discriminants relatifs à la dialectique et à la dialogique sont examinés de manière automatique :

– traits structuraux : passif, normalisation, la fréquence de chaque type de POS-tagging prédéfini ;

– traits lexicaux : abréviation de titre de civilité, par exemple Mr., Ms. est prédominant dans le journal New York Times ; expressions de dates pour les histoires des actualités, par exemple ;

– traits des caractères : les ponctuations (valeur rythmique et syntaxique), les séparateurs, et des marqueurs de délimiteurs ;

– traits dérivatifs : des ratios et mesures dérivées des deux traits précédents. Selon Bonhomme (2015), les genres permettent d’élaborer, de planifier et de repérer les activités verbales proposées sur Internet en fournissant des normes : com- ment produire un texte, comment assurer une fonction de représentation et com- ment interpréter un texte. L’étude des genres permet d’une part, de percevoir la singularité de l’organisation et de construction des énoncés des textes (rap- porté à la tactique) relevée par les paramètres discriminants lexicaux et sémio- tiques ; d’autre part, le genre est un moyen d’établir une liaison entre la linguis- tique et le social, en fonctionnant comme « modèle de production et d’interpré- tation » (Gonçalves, 2014).

Dans les travaux de Gonçalves (2014), l’auteur étudie les similitudes et dif- férences textuelles dans les genres numériques. Ces textes numériques qui pro- viennent des blogs et des sites web sur un même sujet — le tourisme — sont mis en comparaison à partir des traits discriminants, qui sont en mesure de décrire et analyser les caractéristiques singulières et récurrentes de différents genres tex- tuels. Les particularités relevées par Gonçalves dénotent que 1) sur le site web, au niveau de la tactique, la configuration globale fragmentée en différentes sec- tions du genre numérique est séquentielle et ramifiée ; par rapport au site web, la structure du blog, qui semble aussi fragmentée en bloc, possède en fait une

structure linéaire et antéchronologique (du plus récent au moins récent) ; 2) les analyses discursives des deux types de genres numériques permettent de mettre en lumière la temporalité (rapportée à la dialectique) et la présence ou l’absence des marqueurs de personne (rapportée à la dialogique). Ayant pour objectif la communication et l’interaction avec les lecteurs/utilisateurs, le site web convoque l’ordre du raconter, en témoignent l’emplacement important du cadre de naviga- tion, la structure concise de la page d’accueil, la présence de la 3ème personne du singulier, la conjonction entre la date de publication et la date de production des textes, etc. Le blog, quant à lui, est essentiellement de l’ordre de l’exposer (discours interactif). Cet aspect est mis en évidence par la disposition du cadre réservé aux commentaires et l’utilisation du présent de l’indicatif et de la 1ère personne. Le blog est également de l’ordre du raconter (discours narratif) où nous trouvons les indices suivants : a) verbes aux temps passés ; b) disjonction spatio-temporelle de la situation d’énonciation ; c) absence de la 1ère personne.

En tenant compte des caractéristiques des documents numériques, l’auteur a dans cette étude mis en avant cinq traits qui sont propres au genre numérique :

1. la non-linéarité : la flexibilité de l’organisation des textes numériques per- mise par l’insertion des liens hypertextes -> ramification ;

2. la volatilité : la possibilité de reformuler et de modifier ce qui est déjà sur le site Web ;

3. la plurisémiose : plusieurs variables sémiotiques (images, animations flash, schémas, vidéos, etc.) ;

4. l’utilisabilité : les textes numériques doivent être créés de manière à être efficaces et efficients, à satisfaire, à attirer les lecteurs ou les utilisateurs, voire à les fidéliser ;

5. l’interaction physique ou corporelle : au niveau de la construction du texte et de sa réception (cadre réservé aux commentaires des utilisateurs) ; 6. la multidimensionnalité : les sites web, notamment le blog, offrent des dispo-

sitifs plus ou moins sophistiqués et d’hypertextualité, par exemple le cadre de commentaire réservé aux lecteurs. Le blog constitue lui-même à la fois un réseau social et un espace d’expression personnelle.

Fløttum et al. (2014) reprennent certaines caractéristiques du genre numé- rique exposées par Gonçalves : la multimodalité, qui intègre le son, le texte, des images et des clips vidéos, etc. ; l’hypertextualité, qui permet la circulation entre

les pages et les sites web grâce aux hyperliens ; la non-linéarité, qui permet de naviguer entre des pages et des sites ; l’interactivité, qui permet la communication entre le producteur et les utilisateurs/lecteurs ; l’hétérogénéité des thèmes : sports, politique, technologie, économie,etc.et l’ancrage dans un contexte socio-culturel. Le blog est inventé dans les années 90, à une période caractérisée par la mise en question des frontières entre le domaine privé et le domaine public. Aujourd’hui, deux aspects du blog sont mis en avant : 1) la zone privée , personnelle, intime et interactive, actualisée par le dispositif « user-generated-content »8 ; 2) le rôle

politique et social dans la blogosphère contemporaine. Par ailleurs, l’auteur pré- sente deux caractéristiques spécifiques au blog qui ne sont pas mentionnées par Gonçalves : la rapidité de la mise à jour des textes et le caractère identitaire, qui sert d’indices de communautés discursives et marque les sphères d’emploi privilégiées d’un groupe avec son point de vue, ses normes et son style.

Pour contraster le genre numérique du blog et celui du site d’institutions, Bonhomme (2015) a analysé les pages d’accueil des sites politiques. Les résultats obtenus mettent en évidence les caractéristiques du genre des sites politiques par le biais de diverses variables sémiotiques, lexicales et modales rapportées à la tactique (variables systématiques), à la dialogique et à la dialectique (variables communicationnelles) :

– variables systématiques :

1. barre de navigation thématisée : position/votation/parti ;

2. moyens de contacts avec les citoyens : Abonnez-vous au flux RSS ; Rejoignez- nous ; Devenir membre ; Gérer mes données ;

3. l’actualité politique : la une, les nouvelles politiques, etc. ; 4. titres et images en hyperlien : animation des images centrales. – variables compositionnelles :

1. rubriques, titres et chapeaux ;

2. symboles visuels : logo (forte identité), dessins emblématiques de l’ac- tivité politique ;

3. portrait dirigeant ;

4. colorisation du background : couleur représentative des partis. – variables communicationnelles :

1. mots d’ordre9 ;

8. Ce qui fait du texte la création non seulement de l’auteur mais aussi du lecteur 9. Cf.https://www.fileane.com/docpartie5/quelques_slogans.htm.

2. slogans ;

3. titres idéologiques : par exemple : Pour une Europe Sociale ;

4. hyperliens externes vers Facebook ou Tweeter : orientation moderniste axée sur les médias à la mode ;

5. impératif : Participez !

6. questions : Veux-tu faire bouger les choses ? 7. infinitifs incitatifs : Faire un don !

Après avoir étudié le genre numérique du blog et celui des sites traditionnels, l’auteur a constaté que « le blog offre une grande diversité architecturale, thé- matique et procédurale », et les genres du web traditionnel sont des hybrides réaménagés à partir des genres anciens.

Dans cette partie, nous avons défini le palier macrosémantique et le genre textuel ; nous avons présenté des travaux de chercheurs qui exposent des méthodes pour l’analyse du genre textuel, et des travaux spécifiques sur les genres du web, en rapport avec notre sujet. Dans la partie suivante, nous allons aborder les paliers micro- et mésosémantique et présenter les notions de sème, d’isotopie et de thème.