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II CADRE THEORIQUE

FORMATION II-3-1 Situation et milieu

II- 2-1 Transposition didactique

Chevallard a montré, depuis 1980, que les objets à enseigner ne pouvaient pas s’analyser comme des simplifications d’objets plus complexes issus de la société savante. Ils sont le résultat d’une construction (la transposition didactique) qui, souvent, les en fait différer qualitativement. Elle est, en général, décrite sous la forme d’un processus :

Objet de savoir Objet à enseigner Objet d’enseignement. Deux points essentiels sont à souligner : la légitimation d’un contenu d’enseignement et l’écart du savoir enseigné par rapport au savoir de référence qui le légitime. Lorsqu’une formation fait appel à plusieurs institutions, cette transposition est encore plus complexe. Elle est d’autant plus complexe que la formation doit aider les enseignés, à partir des ressources de leur formation, à organiser les différentes étapes de ces transpositions. Nous savons que des difficultés surgiront au niveau de la reproduction de certaines situations d’enseignement. Pour prendre en charge toutes ces difficultés, liées à la transposition, nous proposons un autre regard sur les savoirs à transposer et les institutions qui ont en charge cette transposition. Nous estimons, ainsi, que les savoirs mathématiques ne doivent pas être enseignés dans les institutions de formation d’enseignants indépendamment de leurs histoires (leur chronogenèse) et de leur environnement didactique (les types de représentation possibles, la

place des outils utilisés, les conceptions éventuelles des élèves, etc.). L’enseignement de ces savoirs mathématiques doit, aussi, tenir compte de leur distance aux savoirs de référence et du public cible. Une proximité à un savoir légitimé par une société savante est, certes, nécessaire mais les objets de savoirs à enseigner doivent, surtout, aider les futurs enseignants à disposer de techniques leur permettant de gérer les organisations mathématiques (OM) et les organisations didactiques (OD). En conséquence, nous décrivons cette transposition sous la forme de la (figure 9).

figure 9 : Transposition de savoir pour la formation d’enseignants.

a) Objet de savoir mathématique

Les objets de savoirs mathématiques peuvent être distingués de deux façons :

- ceux qui sont décrits dans les institutions universitaires et qui se trouvent être des solutions, plus ou moins immédiates, à des besoins sociaux. Dans ce cas précis, les savoirs mathématiques doivent être perçus dans un sens plus large afin de prendre en compte les influences réciproques entre les mathématiques et les autres disciplines scientifiques (informatique, physique, biologie, etc.). Au Sénégal, comme dans plusieurs pays en voie de développement, avec l’augmentation des filières techniques et commerciales, l’enseignement de la mécanique, de l’optimisation et de la modélisation, doit être pris en charge par les institutions d’enseignement pour faciliter à l’enseignant une prise en compte réelle de ces besoins sociaux ;

- ceux qui sont produits dans les institutions universitaires et dont le seul objectif est le développement des mathématiques elles-mêmes. Selon le rapport de la CREM (2003), le siècle dernier a révélé une production quantitative et qualitative d’objets mathématiques qui ne manqueront pas d’influencer l’enseignement des mathématiques dans le secondaire. Il serait dangereux pour des raisons d’économies qu’aucune étude ne soit faite sur ces objets de savoir pour les enseigner aux futurs enseignants. Une telle étude sera d’autant plus délicate qu’elle constitue un lègue de l’humanité pour les générations à venir.

C'est fort de cela que l’enseignement des mathématiques est soumis à de profonds changements pouvant se traduire par l’irruption de nouveaux champs d’enseignement, pas ou peu représentés jusque-là dans l’enseignement secondaire, ou par de nouvelles lectures de domaines classiques. Un exemple de tel changement de point de vue est la forme de révolution apportée dans les mathématiques par le développement de l’informatique et des moyens de calcul. Contrairement à ce qui était encore le cas, il y a quelques décennies, on n’imagine plus, aujourd’hui, enseigner un théorème d’existence sans l’accompagner quand

Savoirs didactiques et techniques d’enseignement associées Savoirs mathématiques facilitant l’enseignement Objets à enseigner Objets de savoir mathématique Objet d’enseignement Objets de savoir didactique

c’est possible d’un algorithme permettant de le mettre en pratique. Un autre exemple est la percée de la culture de l’aléatoire dans l’enseignement qui nécessite un état d’esprit et une pensée spécifiques. Cela implique que tous les futurs enseignants doivent suivre, dans leurs cursus universitaires et, assez tôt, des enseignements de probabilités et statistiques. Un dernier exemple d’irruption de domaine nouveau dans l’enseignement est celui des mathématiques discrètes. Ainsi, les nouveaux programmes de terminale ES font appel à quelques éléments de théorie des graphes. Bien entendu, la formation des maîtres devra donner le recul nécessaire aux futurs enseignants sur ce sujet (CREM 2003).

b) Objet de savoir didactique

Nous pensons que, lorsqu’on travaille sur la formation des enseignants, les résultats des recherches en didactique des mathématiques doivent faire nécessairement partie des objets de savoir à enseigner. Cependant, il y a lieu de nous interroger comme Salin (1999, p. 335) :

« sur la transposition des contenus de didactique du champ de la recherche à celui de la formation et sur leur intégration aux « savoirs d’expérience » mis en œuvre dans une situation d’enseignement ».

A cette interrogation s’ajoute celle relative à la transposition des autres sciences, notamment l’histoire des mathématiques, et ses rapports avec les sciences expérimentales. Quelques éléments de réponse à de telles interrogations peuvent se dégager à travers des recherches sur les conditions d’apprentissage et d’enseignement de savoirs mathématiques. Il y a là, une nécessité, pour les didacticiens, de concevoir des objets écologiquement viables au collège et au lycée et cela indépendamment de l’environnement (effectif, élèves en difficulté, etc.). Il ne s’agit pas, non plus, de créer des organismes résistants et peut-être nuisibles à l’environnement scolaire comme l’ont été ce que nous appelons les OGM avant l’heure (les Ordonnancements Généraux des Mathématiques) : les mathématiques modernes. En effet, ces mathématiques modernes, à partir de quelques fondements axiomatiques, ont cru pouvoir donner un ordonnancement général des mathématiques et donc de leur enseignement. L’histoire récente de l’enseignement des mathématiques a montré les limites d’une telle entreprise. Il s’agit pour nous de s’interroger avec les futurs enseignants sur des organisations mathématiques globales, de concevoir des organisations didactiques, fussent-elles fictives, et d’étudier les conditions de reproductions de ces organisations didactiques.

c) Objet à enseigner

Aujourd’hui, qui peut penser que les objets à enseigner, pour les futurs professeurs de mathématiques, peuvent se résumer à une juxtaposition de connaissances éparses de mathématiques, de psychologie, de pédagogie, etc.? Grace à la didactique, un travail important de conception d’activité de construction d’objets de savoirs mathématiques à enseigner est entamé en rapport avec toute l’organisation qui doit faciliter le travail futur de l’enseignant dans sa classe. Réciproquement, l’apprentissage de la pratique de classe se fait désormais en rapport avec la construction de savoir mathématique. En conséquence, les objets à enseigner aux futurs enseignants ne peuvent ne pas prendre en compte :

- les savoirs mathématiques facilitant l’enseignement D’après la CREM (2003) :

« La nécessité pour un professeur de dominer sa discipline est l’une des idées les plus banales qui soient. Bien sûr, cette capacité a déjà pour but de lui

permettre d’avoir un recul suffisant par rapport aux contenus des programmes et de s’adapter aux évolutions […]. Mais cette condition nécessaire n’est pas suffisante, car les futurs professeurs doivent avoir aussi la capacité de transposer leurs connaissances et de les adapter à leurs élèves pour produire les justifications auxquelles nous faisions allusion ci-dessus ».

Pour effectuer cette transposition, les instituts de formation d’enseignants doivent travailler sur des objets de savoirs mathématiques qui facilitent le travail du futur enseignant. Ces types de savoirs mathématiques ne doivent pas être perçus comme une reprise d’un cours de mathématiques de l’université. Ils doivent être, un outil de génération de techniques mathématiques permettant aux enseignants de mieux prendre en charge les difficultés des élèves. Par exemple, l’ensemble A des suites de Cauchy de nombres rationnels muni de l’addition et de la multiplication définies comme suit : (xn) + (yn) = (xn+yn), (xn)

× (yn) = (xnyn) est un anneau commutatif et unitaire. L’ensemble A0 des suites de nombres rationnels convergeant vers 0 est un idéal maximal de A. L’anneau quotient A/A0 est un corps commutatif. L’anneau quotient A/A0 est un corps appelé corps des nombres réels. Cette construction du corps des réels est très belle, mais elle n’offre pas de technique aux enseignants de collège pour travailler sur les nombres réels. En effet, il faut comprendre que l’enseignant doit disposer de moyen lui permettant de contrôler le travail de l’élève. Il a donc besoin de savoirs théoriques qui génèrent des techniques et, donc, des outils qu’il peut adapter à sa classe. Comme l’a précisé Bloch (1999) :

« L’enseignant transporte dans le milieu de la situation (de l’élève) une partie de ses connaissances afin que l’élève puisse les rencontrer et les utiliser pour contrôler son action dans la situation ; en même temps, l’enseignant emploie lui ses connaissances (différentes de celles de l’enseigné) pour contrôler que l’élève utilise bien les connaissances adéquates au contrôle de l’action dans le milieu a-didactique aménagé grâce au savoir de l’enseignant ».

Cet enseignant-là, non seulement, a besoin d’outils théoriques, mais il a également besoin de techniques lui permettant d’organiser un débat dans sa classe. Il doit être capable de générer des techniques, de contrôler leur domaine de validité, de proposer des contre-exemples en cas de besoin.

- les savoirs didactiques sur des techniques d’enseignement Selon Brousseau (2000) :

« Le professeur s'attend à ce que la didactique lui fournisse au moins l'essentiel des techniques spécifiques des notions à enseigner, compatibles avec ses conceptions éducatives et pédagogiques générales :

- des techniques « locales » : des préparations de leçons, des problèmes et des exercices, du matériel d'enseignement, des manuels, des logiciels, des instruments de gestion tels qu'objectifs et moyens d'évaluation (communes à tous les élèves ou électives, c'est-à-dire réservées à des élèves présentant des difficultés particulières) ;

- des techniques plus « globales » : des curriculums pour tout un secteur des mathématiques, des méthodes clés en main, des programmes sur plusieurs années ».

Dans un cadre de formation de professeurs de mathématiques, la prise en charge de ces différentes techniques doit être mise au premier rang. Des références précises pour résoudre des problèmes spécifiques, pour compléter les outils de gestion de classe (le travail en groupe, le fait de mettre les élèves en activité dans un dispositif d’apprentissage, la gestion du matériel didactique, etc.) sont également des techniques que les enseignants peuvent attendre de la didactique. Notons, en ce qui concerne les savoirs didactiques permettant de disposer de techniques d’enseignement, ce que dit Chevallard (1999) :

« Le modèle des moments de l’étude a, pour le professeur, deux grands types d’emplois. Tout d’abord, il constitue une grille pour l’analyse des processus didactiques. Ensuite, il permet de poser clairement le problème de la

réalisation des différents moments de l’étude. Comment, par exemple, réaliser

concrètement la première rencontre avec telle organisation mathématique ? Avec tel type de tâches ? Comment conduire l’étude exploratoire d’un type de tâches donné ? Comment mener à bien l’institutionnalisation ? Comment réaliser le moment de l’évaluation ? Autant de questions qui se posent au professeur et auxquelles on répondra provisoirement par une formule générique : en créant des situations didactiques adéquates. Cette exigence, que l’on ne fera ici que repérer, est en fait d’autant plus complexe que le professeur est tout à la fois le metteur en scène et l’acteur de situations didactiques dont, le plus souvent il est en outre le concepteur ».

Ce modèle des moments, largement explicité dans (§II-1-2), constitue donc un ensemble de techniques pour l’enseignant. Mais, tout laisse penser que les enseignants et leurs formateurs ont eux, naturellement, des techniques locales et globales pour accomplir leur formation. Il est timide l’intégration des outils issus de la recherche en didactique des mathématiques dans les dispositifs mis en place par les formateurs pour la formation des enseignants. Cela peut s’expliquer par le fait que, pour Brousseau (2000) :

« Le volume et la complexité des résultats de recherches parcellaires, dispersées dans de nombreux champs disciplinaires disparates et concurrents, se sont accrus beaucoup plus vite que la durée de formation [...]. Pour comprendre et utiliser l'un de ces résultats dans une classe, il faut apporter des connaissances préalables sur tous les autres sujets, dont seuls certains enseignants en service disposent. Il faut admettre et respecter l'existence nécessaire d'une « didactique de débutant », garante d'un comportement professionnel minimal, qui puisse cohabiter dans la formation avec une formation théorique qui prépare un usage plus raffiné de savoirs de didactique plus avancés ».

En raison de l’importance de l’articulation entre connaissance et situation d’enseignement, l’explicitation de gestes d’enseignement, relatifs à certaines situations d’enseignement, peuvent être des techniques locales d’enseignement intéressant des formateurs.

d) Objet d’enseignement

Dans le cadre de la formation au métier d’enseignement, l’objet d’enseignement des professeurs de mathématiques ne doit pas s’éloigner de l’objet de savoir à l’objet à enseigner en classe, ce qui correspond à la partie du schéma ci-après :

Cette étape de la transposition constitue la première tâche de l’enseignant aux prises avec l’organisation de son enseignement « la préparation d’un cours ». La seconde tâche, inextricablement liée à la première, consiste à se projeter dans l’organisation effective d’une séance et à essayer de se poser les bonnes questions en rapport avec son enseignement. Pour certains enseignants, le manuel ou les ressources pédagogiques, sont des cours finis qu’ils peuvent utiliser tels quels pour faire leur enseignement. Le travail de l’enseignant formateur, pour éviter ce type de comportement, peut être une étude critique des textes proposés par des manuels. Ce travail de transposition est très complexe car il doit permettre à l’enseignant stagiaire de s’approprier les concepts à enseigner mais, aussi, lui fournir les outils didactiques lui permettant de les mettre en œuvre. Cela suppose que l’enseignant stagiaire soit préparé à faire un travail d’anticipation sur ce que seront les objets d’enseignement et leur adéquation par rapport à une organisation didactique fictive contenue dans un manuel. Cette partie sera reprise dans le chapitre (§ II-3-1) sur l’étude du milieu aux niveaux surdidactiques.