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II CADRE THEORIQUE

FORMATION II-3-1 Situation et milieu

II- 4-2 Notion de schème Pour Vergnaud (2005) :

« L’un des problèmes importants de la recherche en didactique est celui des rapports entre les connaissances sous-jacentes à l’action en situation et les connaissances explicitées dans les manuels, dans la bouche du professeur et des élèves […] Piaget dit que la connaissance est adaptation […] Brousseau lui-même a pris à son compte cette idée d’adaptation, justement pour en faire un levier didactique. Qu’est-ce qui s’adapte et à quoi ? […] Et ma réponse est : ce qui s’adapte ce sont les schèmes, c'est-à-dire des formes d’organisation de l’activité et qui s’adaptent à des situations ».

(nos soulignements)

Rappelons que, pour Piaget (1967, p. 16), un schème d’action est :

« Ce qui, dans une action, est transposable, généralisable ou différentiable, d’une situation à la suivante, autrement dit ce qu’il y a de commun aux diverses répétitions ou aux applications de la même action ».

Vergnaud (2005) complète cette définition. Il relie la notion de schème au répertoire de situations auquel le schème s’applique. Pour lui un schème est une organisation invariante de l’activité pour une classe définie de situations. Il souligne que c’est l’organisation de l’activité qui est invariante et non l’activité. Le schème comporte nécessairement quatre composantes :

- un ou plusieurs buts, se déclinant en sous buts et anticipations ; - des règles d’action, de prise d’information et de contrôle ;

- des invariants opératoires (concepts-en-acte et théorèmes-en-acte) permettant à la fois la prise et le traitement d’information pertinente ;

- des possibilités d’inférence.

Ces quatre composantes permettent de rendre compte de plusieurs propriétés du schème : l’intentionnalité (buts et sous buts), le caractère génératif (des règles qui engendrent l’activité au fur et à mesure), la connaissance du réel (les invariants opératoires), l’adaptabilité à la variété de cas de figure et de calcul en situation (les possibilités d’inférence).

Pour Rabardel (1999), les schèmes d’utilisation d’un outil doivent être considérés dans leurs dimensions privées et sociales et ils jouent un rôle particulièrement important en matière d’éducation. Deux raisons peuvent justifier cette affirmation :

- la première raison est que ce sont les schèmes d’utilisation qui permettent à l’usager d’adapter ses gestes à toute une classe de situation. Cela est valable pour des élèves mais, aussi, pour les enseignants surtout ceux qui sont en cours de formation, car pour Vergnaud (1996) :

« L’enseignant aussi fonctionne avec un répertoire de schèmes, qui concernent de nombreux registres de son activité : sociale, affective, langagière et technique. Ses représentations sont essentielles dans la manière dont ses pratiques sont structurées. La formation continue a pour but de l’aider à former et à transformer les schèmes qui structurent sa pratique professionnelle et les représentations sur lesquelles elle repose ».

Les schèmes d’utilisation d’un outil dans le cadre scolaire se construisent de façon individuelle dans le sens où les élèves, comme le professeur, adaptent l’utilisation qu’ils font de l’outil à des contextes différents liés à des objectifs propres. Mais, ces schèmes sont aussi des schèmes sociaux en ce sens que leur construction se fait à partir d’interactions entre apprenants. Pour mieux étudier les schèmes que construisent les élèves et comprendre les procédures qu’ils utilisent, il est important que l’enseignant accepte de manipuler comme les élèves et avec eux tout en ayant une posture réflexive (§II-3-2) de son action. Pour les élèves « les schèmes sont à la fois individuels et sociaux » (Guin & al 2005) ;

- la seconde raison est relative au fait que c’est le schème qui lie le geste à la pensée et, par conséquent, offre des outils à l’enseignant pour le suivi de l’activité de l’élève dans la classe. Pour Trouche (2003, p. 17) :

« Le schème étant ce qui relie le geste à la pensée, ce n’est que sa partie émergée qui est accessible à l’observateur. Un schème est une construction de l’observateur à partir des différentes traces de l’activité du sujet (les anticipations, les inférences en situation, etc.) ».

La pensée n’est accessible pour un observateur extérieur qu’à travers ses manifestations : les gestes. Ceux-ci sont visibles par l’enseignant, ils lui permettent d’identifier des erreurs de l’apprenant et d’émettre des hypothèses sur les comportements mentaux qui en seraient à l’origine. Pour Vergnaud (2005) :

« L’analyse des gestes est la meilleure illustration de la fécondité et du caractère irremplaçable du concept de schème. La pensée est geste ».

Pour un enseignant, l’étude du développement des schèmes, chez des apprenants, nécessite des moyens pour analyser leur niveau de performance, les classes de situations auxquelles ils s’adressent et leur adéquation ou non aux concepts qu’ils devraient faire émerger. Réciproquement, l’étude des schèmes des apprenants permet à l’enseignant

d’analyser des effets (§II-2-6) de son enseignement. Flückiger (2004) estime que :

« Le couple « schème-situation » est la clef de voûte de la psychologie cognitive et de la théorie de l’activité parce que, d’une part, toute connaissance est adaptation or, ce sont les schèmes qui s’adaptent, et à des classes de situation. D’autre part, parce que c’est au travers des situations didactiques que les schèmes déjà construits peuvent être déstabilisés en vue de les enrichir ».

Ceci explique la place importante de l’étude des situations au niveau des apprentissages. Au-delà de la restructuration des contingences et, donc, des adaptations, les situations offrent des bases solides pour la formation des schèmes mais dans un travail prospectif de leur évolution. Ainsi, les schèmes construits, lorsque l’élève est en situation, doivent s’articuler avec ceux déjà existants mais ils doivent, également, constituer un terreau fertile pour ceux qui seront en construction. Ces schèmes doivent être ceux sur lesquels d’autres schèmes peuvent s’appuyer et qui ne feront pas obstacle aux apprentissages visés. En effet, pour Vergnaud (2005) :

« S’adressant à une classe de situations, le schème est un universel, ce qui ne préjuge pas de l’évolution, au cours du développement, des caractéristiques de la classe, de sa dilatation ou de sa restriction, moyennant l’évolution des caractéristiques du schème. C’est à ce point que je situe l’un des problèmes de base du développement : sur quels schèmes plus anciens un schème nouveau s’appuie-t-il ? En quoi ces schèmes font-ils éventuellement obstacle ? Cette question concerne les connaissances conceptuelles puisqu’il n’y a pas de schème sans conceptualisation, fût-elle implicite ».

Utilisant la corrélation entre geste et schème et les travaux de Defouad (2000), concernant les schèmes d’utilisation de la calculatrice, nous présentons, en guise d’exemple (figure 13), l’émergence d’un schème que nous notons E de détermination d’un extremum d’une fonction f. Pour cela, nous insisterons, surtout, sur le fait que cette émergence n’est pas une juxtaposition de gestes mais une évolution des interactions entre des gestes qui sont relatifs à ce schème. Cette émergence est, également, le fruit d’une évolution des gestes élémentaires relatifs à ce schème mais dans le processus de la conception d’autres schèmes. Posons d, r et g respectivement un schème de dérivée d’une fonction f par rapport à une variable x, un schème de résolution d’une équation de la forme f’(x) = 0 et un schème de « graphage » de la fonction f. Le schème E ne doit pas être considéré comme une somme des schèmes d, r et g mais comme le résultat d’une interaction dialectique au cours du développement de chaque schème. En effet, le fait de déterminer un extremum signifie une autre compréhension de la notion de dérivée, des solutions d’une équation et du graphage. Une maîtrise séparée de chacune de ces notions facilite certainement le travail sur l’extremum, mais ne garantit pas sa réussite.

figure 13 : L’émergence du schème de détermination d’un extremum.

Pour conclure cette partie, retenons avec Vergnaud (2005) que c’est le concept d’invariant

opératoire qui permet de faire le lien entre la forme opératoire et la forme prédicative de la

connaissance. Les invariants opératoires sont, en effet, la composante épistémique du schème, celle qui soutient, en dernier ressort, l’organisation de l’activité et, notamment, la prise d’information pertinente et son traitement, c'est-à-dire sa transformation en but et sous buts et en règles d’action. L’explicitation du concept d’invariant opératoire repose sur la distinction entre théorème-en-acte (des énoncés susceptibles de vérité et de fausseté) et concept-en-acte

}

geste

geste 1 geste 2 geste 3

d(f(x),x) solve(f’(x) = 0, x) graph f

schème d schème r schème g } schèmes

Schème d

Schème v

Schème t

Développement des Schèmes Schème l Schème d

Schème t Schème v

Schème l

Soit par exemple un schème d (dérivée), il peut être lié à un schème « tangente » (t), à un schème « limite » (l) et à un schème« variable » (v).

Chacun des schèmes d, r et g se développe pour donner le schème E. Schème E Schème d Schème g Schème r Schème g Schème d Schème r

qui ne peuvent être que pertinents ou non pertinents pour prélever l’information. Un exemple de théorème-en-acte (Conne 1992) :

« […] à la source, c'est donc un savoir mathématique qui prend son sens dans un contexte mathématique abstrait (structures algébriques). Un nouvel usage lui est conféré quand ce savoir mathématique permet au psychologue de considérer comme significatif un comportement d'enfant, par exemple, dans un contexte de comptage, la commutation des facteurs d'une addition lorsque le premier facteur est plus petit que le second (2+7 est commuté en 7+2 pour être compté : 7, 8, 9 selon une procédure de comptage continué). Si le comportement est suffisamment stable, on conclura à partir de cette correspondance entre la commutativité mathématique et cette sorte de commutativité observée dans le traitement de l'enfant, qu'il y a bien théorème en acte [que l'on peut exprimer par 2+7 = 7+2 […] » .

Rappelons, enfin, que pour Rabardel (1995b) :

« Les schèmes […] ont une dimension privée au sens où ils sont les schèmes d’un sujet singulier. Mais ils ont également une dimension sociale essentielle. Elle tient à ce que leur émergence résulte pour une part, d’un processus collectif auxquels contribuent les utilisateurs mais aussi les concepteurs des artefacts. Elle tient à ce qu’ils font l’objet de processus de transmission sociaux (des notices jusqu’aux formations). C’est pourquoi les schèmes d’utilisation doivent être, non seulement, considérés dans leurs dimensions privées mais, également, en tant que schèmes sociaux d’utilisation (SSU), cette dimension étant particulièrement importante dans une perspective éducative ».