• Aucun résultat trouvé

II CADRE THEORIQUE

FORMATION II-3-1 Situation et milieu

II- 4-3 Approche instrumentale

Se situant dans une perspective vygotskienne des instruments, Rabardel avance l’idée que l’instrument n’est pas seulement un dispositif avec lequel on serait en interaction mais un

médiateur. La médiation est l’ensemble des procédures et des corps intermédiaires qui

s’interposent entre une production de signes et une production d’événements. Rabardel & Samurcey (2001) distinguent quatre types de médiations instrumentales : la médiation

épistémique orientée vers la connaissance de l’objet, la médiation pragmatique orientée vers

l’action, la médiation réflexive orientée vers le sujet, lui-même, et la médiation

interpersonnelle qui se réalise entre les sujets.

Beguin & Rabardel (2000) complètent cette perspective théorique de Vygotski par une précision sur la nature de l’instrument. Pour eux, « l’instrument est certes un médiateur entre

le sujet et l’objet, mais il est aussi constitutivement composé par le sujet et par l’artefact ».

L’approche instrumentale fait une différenciation entre l’objet matériel ou symbolique et l’objet inscrit dans un usage appelé instrument. Il distingue ainsi l’instrument de l’artefact. Pour Beguin et Rabardel (2000) les artefacts sont des propositions. C’est le sujet qui, au cours de l’usage, attribue à l’artefact un statut d’instrument (Beguin & Rabardel ibidem). Ils précisent que :

« L’instrument médiateur est composé de deux entités : une composante artefact (une fraction d’artefact ou un ensemble d’artefacts) et un ou des schèmes associés, résultant d’une construction propre au sujet autonome ou

d’une appropriation de schèmes sociaux déjà formés extérieurement à lui. Ces deux structures sont solidairement constitutives à l’objet de l’activité ».

La (figure 14) récapitule les interactions et les médiations entre sujet, instrument et objet :

figure 14 : L’instrument médiateur : une entité composite8 (Beguin & Rabardel 2000).

Rabardel explique enfin qu’il n’y a pas de permanence dans l’outil. Pour Contamines & al (2003), dans l’artefact, sont inscrits des modes opératoires, accessibles à travers des fonctions constituantes prévues par le ou les concepteurs. Lors d’une utilisation d’un artefact, ces

fonctions constituantes ne sont pas les seules présentes. Il y a aussi les fonctions constituées

(les fonctions qui ont été créées par l’usager durant l’utilisation de l’artefact) qui deviennent, ensuite, des fonctions constituantes pour lui. Rabardel (1995) appelle genèse instrumentale le processus qui, à travers l’usage, marque l’évolution progressive de l’utilisation de l’artefact (figure 15). L’instrument se construit ainsi, progressivement, pour l’usager à travers deux processus duaux : l’instrumentation (le processus qui fait émerger les fonctions constituantes) et l’instrumentalisation qui est liée au développement des fonctions constituées.

Faisant le lien entre ce processus d’instrumentation et le développement des schèmes d’utilisation d’un outil, Rabardel (2000) explique que :

« L’instrumentation est relative à l’émergence et à l’évolution des schèmes d’utilisation : leur constitution, leur fonctionnement, leur évolution ainsi que l’assimilation d’artefacts nouveaux à des schèmes déjà constitués, etc. ».

Quant à l’instrumentalisation, pour Beguin & Rabardel (2000) :

« Il est possible de distinguer plusieurs niveaux d’instrumentalisation par attribut de fonction à un artefact. A un premier niveau, l’instrumentalisation est locale, liée à une action singulière et aux circonstances de son déroulement. L’artefact est instrumentalisé momentanément. A un second niveau, la fonction

8 S-I (interaction entre sujet et instrument) ; I-O (interaction entre objet et instrument) ; S-Od (interaction direct entre sujet et objet) et S-Om (relation médiée entre sujet et objet).

S-Od Instrument = Schème + Artefact Sujet Objet S-I I-O S-Om

est acquise durablement comme propriété de l’artefact en relation avec une classe d’actions, d’objets de l’activité et de situations. L’instrumentalisation est durable, sinon permanente. Dans l’un ou l’autre cas, il n’y a pas de transformation matérielle de l’artefact, lui-même. Il s’est seulement enrichi de propriétés nouvelles, acquises momentanément ou durablement. Enfin, à un troisième niveau, les fonctions acquises peuvent être inscrites dans l’artefact même, par une modification de son fonctionnement ou de sa structure : l’artefact est matériellement modifié ».

Pour mieux appréhender ces deux processus, Contamines & al (2003) précisent qu’ils sont :

« […] en interaction. Le premier est dirigé vers le sujet, c’est le processus d’instrumentation et le second vers l’artefact, c’est le processus d’instrumentalisation. […] Au cours du processus d’instrumentation c’est l’utilisateur qui évolue et qui apprend. Ce sont les schèmes d’usages qui évoluent, se transforment, sont créés, s’incorporent aux schèmes déjà existants. On peut métaphoriquement considérer que ce processus est une force orientée vers le sujet. Au cours du processus d’instrumentalisation c’est l’artefact qui évolue. Ce sont l’émergence de nouvelles propriétés pour l’artefact (fonctions constituées) et l’institution de fonctions constituantes par le sujet. Ce processus prend appui sur les caractéristiques de l’artefact, sur la prescription d’utilisation fournie par le concepteur et la place de l’artefact dans l’action du sujet. On peut métaphoriquement considérer que ce processus est une force orientée vers l’artefact ».

figure 15 : Processus de genèse instrumentale (Contamines & al 2003).

Pour Rabardel (1999) « l’instrument constitue pour le sujet un ensemble de contraintes qui s’imposent à lui et qu’il doit gérer dans la singularité de chacune ses actions ». Des contraintes qui sont différentes suivant les types d’activité et selon les artefacts. Au niveau des dispositifs informatiques, par exemple, Trouche (1997, p. 127) a distingué trois types de contraintes qui pèsent sur l’utilisateur :

- « des contraintes internes (liés de façon intrinsèque au matériel : limitation de logiciel, limitation de la mémoire, nature de l’écran composé d’un nombre fini de pixels) ; - des contraintes de commandes (liées au choix du constructeur : certaines commandes

sont préprogrammées, d’autres non) ;

- des contraintes d’organisation (liées aussi au choix du constructeur : l’organisation du clavier, de l’écran instaurent une hiérarchie entre les différentes commandes disponibles) ». Fonctions constituantes Modes opératoires prévus Fonctions constituées Schèmes d’utilisation Inscription des fonctions constituées dans l’artefact Nouveaux modes opératoires Conception initiale Poursuite du cycle Nouvelle conception Genèse instrumentale

Il estime également que :

« Cette typologie permet d’analyser les contraintes d’un outil ; elle permet de contrer l’illusion d’une neutralité des artefacts en débusquant certains choix des concepteurs. Elle permet aussi d’anticiper et de mieux comprendre certains phénomènes didactiques » (Trouche 2003).