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6. Les méthodes d’analyse proposées par l’ingénierie

6.3. La méthode AMDEC

6.3.4. Transposition de l’AMDEC en radiothérapie

Suite à la survenue d’accidents majeurs, le ministère chargé de la santé, relayé par différentes autorités, a proposé des grands principes de mise en œuvre d'un programme de gestion des risques, notamment les méthodes pour analyser les risques a priori. Les autorités de régulation (ASN et HAS) ont mis à disposition des unités de radiothérapie des supports documentaires pour faciliter l’implémentation de l’étude des risques encourus par les patients. De 1998 à 2014, trois versions de la certification se sont succédées, chacune donnant lieu à un nouveau manuel (HAS). L’ASN a diffusé en janvier 2009 un « guide d’auto-évaluation des risques encourus par les patients en radiothérapie externe » qui mobilise la méthode AMDEC. L’objectif de cette analyse est de détecter les risques potentiels des différentes étapes de la prise en charge des malades, de la prescription de son traitement jusqu’à sa surveillance, dans le but de définir et mettre en œuvre les actions de réduction de risque nécessaires (Guide ASN, 2009). Cette méthode est majoritairement utilisée par les unités de radiothérapie (Rapport IRSN n°2014-01). Nous supposons que ces unités de radiothérapie ont privilégié la méthode AMDEC pour faciliter leur acculturation à l’analyse des risques a priori et parce que

79 celle-ci était proposée par l’évaluateur de l’application de ces démarches en gestion des risques lors d’inspections (ASN).

Dans les industries à risques, il existe une variété de représentations du système à étudier. Pour certaines, la décomposition du système en composants est très précise et se présente sur plusieurs colonnes permettant d’analyser le système, les sous-systèmes, les équipements et les composants (Mortureux, 2005). Pour d’autres, la présentation est plus succincte. Une colonne est dédiée au sous-système, au composant et à la fonction, à l’opération ou à la pièce ou au processus et à l’opération.

Le processus de soin étant profondément humain (actions et interactions de plusieurs métiers pour réaliser un soin) et singulier (solution optimale pour chaque patient), la méthode AMDEC – préalablement élaborée pour analyser les défaillances techniques – a été adaptée en radiothérapie pour analyser essentiellement des défaillances humaines ou erreurs

humaines. Ces transformations apparaissent dans le guide n°4 de l’ASN auto-évaluation des

risques encourus par les patients en radiothérapie externe, support de la réflexion conduite par cinq unités de radiothérapie.

Tableau 5 : Extrait de la cartographie présentée dans le guide ASN n°4 (sous-système circuit du patient)

La décomposition du système de soin s’est inspirée d’une AMDEC processus. Dans la première colonne, le système est décrit par les opérations qui se succèdent dans trois

sous-80 systèmes : le circuit du patient (cf. Tableau n°5), le matériel (cf. Tableau n°6) et l’organisation générale (cf. Tableau n°7).

Tableau 6 : Extrait de la cartographie présentée dans le guide ASN n°4 (sous-système matériel)

Tableau 7 : Extrait de la cartographie présentée dans le guide ASN n°4 (organisation générale)

Dans ce guide, la fonction est décrite directement par le mode de défaillance.

La deuxième étape qui demande d’identifier les modes de défaillances a également été adaptée. Classiquement, la méthode AMDEC est utilisée pour analyser les modes de

81 défaillances techniques. Dans le domaine de la radiothérapie, les modes de défaillances étudiés sont principalement les erreurs humaines sans doute parce que le comportement du système de soin dépend fortement de son utilisation par les soignants. Classiquement, les

erreurs médicales8 sont les premiers événements indésirables graves étudiés. L’orientation

marquée sur les erreurs médicales s’explique aussi parce que « la qualité et la sécurité des

soins dépendent principalement des pratiques concrètes de soin exercées par les personnels soignants » (De Bovis & al., 2013, p.2). Autrement dit, les risques sont définis en radiothérapie externe comme le produit d’erreurs humaines et la gestion des risques comme l’analyse et la prévention de ces erreurs humaines à différentes étapes du processus de soin. Dans la cartographie proposée par l’ASN, quelques modes de défaillances techniques sont recensés dans la partie « Matériel » entre la partie dédiée au circuit du patient et la partie dédiée à l’organisation générale.

En ce qui concerne l’analyse des causes et des effets des défaillances, l’analyse des causes est classiquement mentionnée dans une colonne après la colonne des défaillances et avant la colonne des conséquences (Mortureux, 2016). En radiothérapie, c’est l’inverse, les effets possibles des défaillances se situent dans une colonne entre celles des modes de défaillance et celles des causes (cf. Tableaux 5, 6 et 7). Cette configuration est susceptible de biaiser la réflexion sur les effets d’une défaillance dans le sens où elle ne prend pas en compte les connaissances développées sur le contexte des défaillances à partir de la réflexion sur les causes des défaillances.

Classiquement, la quatrième étape demande d’évaluer chaque mode de défaillance à partir de trois paramètres : sa fréquence, sa gravité et sa non-détection. Dans le guide de l’ASN, la criticité d’un mode de défaillance est souvent établie à partir d’une grille de criticité utilisant uniquement les paramètres de gravité et de fréquence.

Pour aider les centres de radiothérapie à effectuer ces calculs et pour qu’ils soient reproductibles, des tableaux sous la forme d’échelle de notation ont été proposés dans le guide ASN n°4 (ASN/DIS/2008-186). La grille d’appréciation du niveau de gravité a été établie sur la base des « Common Terminology Criteria for Adverse Events (CTCAE) » du National Cancer Institute (Etats Unis) et des « Toxicity Criteria » du Radiation Therapy Oncology

8 Définition : l’erreur médicale est un événement indésirable associé aux soins, qui perturbe ou retarde le processus de soin, ou impacte le patient dans sa santé.

82 Group. L’ASN fait remarquer que les grilles proposées dans son guide (cf. Figure n°4) s’en éloignent sur les points suivants :

 à la différence des CTCAE et des « Toxicity Criteria » définis pour chaque

localisation, la grille « niveau de gravité » est générique pour tous types d’organes ;

 4 niveaux (au lieu de 5 dans les CTCAE) ont été retenus pour éviter les effets de

« médiane ». Ces échelles permettent d’apprécier la gravité de la défaillance et sa fréquence d’apparition. L’indice de criticité peut alors être établi.

Figure 4 : Grilles de cotation de la gravité et de la fréquence des défaillances (Guide ASN)

Suite à la décomposition du processus de soin, l’évaluation du risque global à partir d’un regroupement des différentes composantes du risque n’est pas réalisée en radiothérapie. La cinquième étape décrit les mesures envisagées pour limiter le risque à un niveau acceptable. Dans le guide n°4 de l’ASN, seules les mesures préventives sont notées. Certains centres ont ajouté une colonne « mesure de détection ». Les mesures de mitigation n’apparaissent pas dans les tableaux AMDEC en radiothérapie (Rapport IRSN 2014-01).

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