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Chapitre 2 : Présentation et analyse des résultats

3. L’Arctique et les compagnies de vrac : propositions et théories

3.1 Une conception de l’Arctique variable

3.1.1 Transit ou desserte

La desserte et le transit s’inscrivent dans ce cadre, offrant deux possibilités distinctes en termes de navigation commerciale dans l’Arctique. L’ensemble des compagnies a d’ailleurs été amené à se prononcer sur cette question, à savoir comment elles considéraient le potentiel de navigation dans la région arctique, non pas uniquement en fonction de leurs besoins, mais dans une optique plus générale, pour l’ensemble de l’industrie (voir annexe 1).

Les résultats à cet égard démontrent une certaine dichotomie entre les différents types de compagnies (voir tableau 12). En effet, des neuf compagnies qui œuvrent actuellement dans l’Arctique cinq perçoivent la région comme une zone de desserte. Au demeurant, des quatre compagnies restantes, trois ne considère pas être sur le marché arctique bien qu’elles y effectuent des activités de desserte et, en ce sens, ont une idéologie qui se rapproche davantage des compagnies passives, celles-ci favorisant largement l’option du transit dans leur perception du développement de la région. La dernière entreprise concernée, bien qu’elle ait un niveau d’intérêt très élevé, considère l’Arctique à la fois comme une zone de desserte et de transit, ce qui s’explique par sa nature; il s’agit effectivement de la compagnie Sovcomflot qui est détenue à part entière par la Fédération de Russie (site de Sovcomflot, consulté le 28 mai 2013) et, par conséquent, qui répond à une stratégie dictée non seulement par le marché, mais également par les aspirations politiques du pouvoir central.

Tableau 12 : Perception par les compagnies maritimes de vrac de l’Arctique en tant que zone de desserte ou de transit en fonction de leur niveau d’intention

Type de

compagnie Niveau d'intérêt Desserte Transit Desserte et transit

Passive Absent 3 9 7 Faible 1 - 2 Observatrice active Moyen faible - - - Moyen fort 1 1 - Actrice Élevé 1 1 2 Très élevé 4 - 1

Concurremment, bien qu’aucun lien statistique n’ait été établi entre le niveau d’intention et les divers marchés, l’entreprise Louis Dreyfus apporte un éclaircissement à ce propos en soulevant la question des flux de marchandises, liant la question du transit aux « marchés globaux », ceux-ci étant, dans ce cas précis, définis en fonction des marchandises de vrac dominantes. Or, bien que l’avantage de la distance ait été établi pour certains trajets, les routes arctiques ne s’intègrent pas à la configuration actuelle des flux circulatoires entre les zones de production et de consommation des ressources énergétiques et minières principales produites hors Arctique (voir figures 12 à 16). Cet état de fait est exacerbé par deux éléments concomitants, d’abord par la croissance de la demande et de l’offre en ressources naturelles principalement attribuable aux pays en voie de développement (Organisation mondiale du commerce, 2012 : 77) situés, pour la plupart, dans les régions méridionales, et, ensuite, par la tendance mondiale qui favorise les échanges intrarégionaux plutôt qu’interrégionaux au sein des pays développés, au nord, alors que les pays en voie de développement, principalement au sud, transigent majoritairement vers les régions boréales (Organisation mondiale du commerce, 2010 : 6 et 58). À titre d’exemple, Poseidon Schiffahrt stipule que la croissance effective de l’industrie des produits chimiques, leur domaine d’expertise, est éminemment liée au Moyen-Orient, à la Chine et à l’Inde113, ce qui, en soit, constitue le reflet de la situation pour l’ensemble des ressources naturelles et des produits de vrac leurs étant associés.

113 La variation annuelle des exportations mondiales de produits chimiques a été, de 2005 à 2011, de 13%, alors que celle du Moyen-Orient, de la Chine et de l’Inde ont été de 25%, 21% et 18% respectivement (Organisation mondiale du commerce, 2012 : 62).

Figure 12 : Production et flux maritimes de charbon et de lignite en 2004

Source : Charlier et al. (2009)

Figure 13 : Production et flux maritimes de cuivre et de bauxite en 2005

Figure 14 : Production et flux maritimes de minerai de fer en 2005

Source : Charlier et al. (2009)

Figure 15 : Production et flux maritimes de gaz naturel en 2004

Figure 16 : Production et flux maritimes de pétrole en 2004

Source : Charlier et al. (2009)

Dans ce contexte, l’utilisation des voies arctiques comme zone de transit semble peu justifiée, ce qui concorde d’ailleurs avec la perception et le type d’activité effectué par les compagnies maritimes de vrac qui œuvrent actuellement dans la région (Acteurs). Par contre, la compagnie 3C contrevient à cette règle, l’objectif étant, à l’horizon 2015, d’acquérir des vraquiers permettant de faire transiter le minerai de fer norvégien par l’Arctique à destination de la Chine. Évidemment, si ce projet atteste d’une certaine mouvance conceptuelle face à l’Arctique, il demeure marginal et dans sa phase initiale, ce qui, par conséquent, n’influe pas réellement sur le constat général établit précédemment, mais s’inscrit dans une dynamique particulière qui sera abordée ultérieurement dans la catégorie Influence extérieure.

Complémentairement à leur commentaire initial, l’entreprise Louis Dreyfus soutien que « l’unique perspective d’utiliser des vraquiers sur des routes arctiques […] c’est d’aller charger dans les ports arctiques la production locale », mais ajoute du même souffle que les flux demeurent « ultra- minoritaires ». Si l’importance des réserves et de la production des ressources énergétiques ont déjà été relativisées114, il importe de souligner que la situation pour les ressources minérales est passablement similaire (voir tableau 13). Complémentairement à leur commentaire initial, l’entreprise Louis Dreyfus soutien que « l’unique perspective d’utiliser des vraquiers sur des routes arctiques […] c’est d’aller charger dans les ports arctiques la production locale », mais ajoute du

même souffle que les flux demeurent « ultra-minoritaires ». Si l’importance des réserves et de la production des ressources énergétiques ont déjà été relativisées115, il importe de souligner que la situation pour les ressources minérales est passablement similaire (voir tableau 13). C’est-à-dire que, hormis la présence relativement importante de

quelques minéraux (nickel, cobalt, palladium et platinum) attribuable au site de Norilsk, la part de l’Arctique dans la production mondiale est modérée, située principalement sur les marges arctiques et largement acheminée par voie terrestre. Ces constatations mettent en relief deux éléments récurrents pour les compagnies maritimes; d’abord par ce que plusieurs considèrent comme une absence de marché et, ensuite, par la non-justification de l’utilisation de navires à fort gabarit. Toutefois, avant de s’appesantir sur ces questions, il importe de définir davantage quels sont les facteurs de répulsion et d’attraction des compagnies maritimes face au marché arctique.

3.2 Les facteurs stratégiques d’attraction et de