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Chapitre 2 : Présentation et analyse des résultats

3. L’Arctique et les compagnies de vrac : propositions et théories

3.3 Perception et gestion des activités maritimes

3.3.1 Logistique Et stratégies

Bien que la catégorie Stratégies sera présentée dans son entièreté ultérieurement, une portion de celle-ci sera maintenant exposée pour faciliter la compréhension, puisque l’aspect logistique, terme qui sera légèrement galvaudé, se veut directement associé à la gestion du risque et se retrouve au cœur même des stratégies entrepreneuriales des compagnies maritimes de vrac.

En fait, il importe de revenir d’abord sur la question du risque, puisqu’il ressort des entretiens une dichotomie particulière à cet effet; c’est-à-dire que, dans l’ensemble des commentaires des

130 Extrait de l’entretien avec Pétro-Nav, filiale du Groupe Desgagnés.

131 Le terme risque réfère ici à la probabilité qu’un aléa, fonction de l’occurrence et de l’intensité d’un phénomène spécifique en un espace donné, ait, sur un tiers, une ou des conséquences dont la variabilité est elle-même fonction du niveau de vulnérabilité et de la capacité d’adaptation du sujet (Dauphiné dans Dupré, 2008 : 13 - 14).

compagnies passives et observatrices actives, le risque est exclusivement relié à la navigation en tant que telle, alors qu’inversement cet aspect est secondaire pour les compagnies œuvrant dans l’Arctique. Le risque réel dans leurs cas est principalement associé aux opérations entourant la manutention des marchandises aux ports : « Nous notre risque est entièrement lié au déchargement, la navigation c’est sûr que c’est un risque, mais pour nous le risque est plus élevé pour l’opération, les opérations de transbordement pour être plus précis »132. Sans réellement s’appesantir sur le sujet, ces compagnies relèvent certaines difficultés sporadiques telles que les grandes marées, l’obscurité nocturne et les conditions météorologiques qui, dans cet environnement, suggèrent simplement l’interruption des opérations, et ce, dans l’objectif d’assurer la sécurité des navires, de la marchandise et de l’équipage. Dans ce cadre, la dimension logistique lors des dessertes nordiques ne tend pas vers une optimisation du processus d’acheminement des marchandises, mais essentiellement vers l’amoindrissement des risques.

Cela permet, entre autres, d’établir un lien direct avec la question des infrastructures soulevée précédemment, puisque si ces dernières assurent une stabilité lors des opérations de chargement et de déchargement, certains remparts naturels, des anses ou des baies par exemple, offrent des environnements relativement exempts des aléas usuels reliés à ce type d’opération; ainsi dans les ports où « t’es plus protégé, […] tu peux réussir à faire ton opération de A à Z, d’une shot »133. Dans ce contexte, les infrastructures portuaires constituent sans contredit un avantage, mais certes pas une nécessité; renforçant ainsi, comme il y a été fait allusion, le contraste entre la perception des compagnies n’œuvrant pas sur le marché arctique et celles y étant actives.

Parallèlement, si, en conformité avec ce qui a été avancé précédemment, l’environnement glaciel constitue la barrière principale à l’accession au marché arctique pour une majorité de compagnies (voir chapitre 2, point 3.2.1 – L’environnement naturel et humanisé), il représente également un risque prépondérant en termes de navigation à leurs yeux. Hors, selon les compagnies actrices (3 mentions), la période d’activité dans la zone à l’étude est établie en fonction des conditions glacielles et surtout du temps de l’année, ce qui tend à amenuiser l’intensité du risque lié à la navigation en-soi, puisque le couvert de glace est beaucoup plus ténu, voir absent. Au demeurant, deux des trois compagnies ne se considérant pas sur le marché arctique, mais avec des niveaux d’intention élevés, ne possèdent pas de navire avec une classe de glace, mais naviguent dans la zone à l’étude (mer Blanche et baie d’Hudson) en période estivale. En ce sens, les marges arctiques,

132 Extrait de l’entretien avec Rigel Shipping Canada. 133 Ibidem.

représentant la portion la plus propice au développement du trafic maritime, posent très peu de problèmes en termes de navigation, certains jugeant « qu’en navigation même […] c’est pas plus difficile qu’ailleurs »134135.

Un clivage se dessine donc entre les divers transporteurs de l’industrie maritime de vrac, posant ainsi le premier jalon de ce qui constituera la théorie centrale de l’étude. C’est-à-dire que les compagnies œuvrant dans la zone arctique considèrent que lors des périodes usuelles de livraison136 l’environnement glaciel ne pose pas de réelles contraintes à la navigation, principalement sur les marges arctiques, ce qui tend à être renforcé par le fait que certaines compagnies naviguant dans ces eaux n’utilisent pas de navires avec une cote de glace, alors même qu’elles se considèrent à l’extérieur du marché arctique. Ce constat étant basé sur des expériences concrètes des compagnies concernées il peut sans nul doute tenir lieu de proposition. Hors, sur ces bases, il est permis d’établir que la perception relative aux risques potentiellement encourus, se révèle, pour les compagnies ne faisant pas affaire sur ce marché, passablement biaisée, et ce, dans la mesure où elle repose sur des prémisses déficientes.

En somme, pour ne pas qu’il y ait confusion à ce point-ci, il importe de préciser que l’analyse a permis, à ce stade, d’établir une distinction entre les divers groupes de compagnies maritimes de vrac sur la base des risques encourus, et ce, en fonction de leur perception face à celui-ci. Parallèlement, la gestion de ces risques s’effectue à deux niveaux différents, référant ainsi à deux catégories distinctes, celle de la Logistique et celle des Stratégies. Bien qu’elle sera exposée ultérieurement, cette dernière réfère aux questions relatives à l’employabilité des navires, à l’établissement des périodes de navigations les plus propices et à tout autre élément permettant de minimiser les risques sur une période donnée; cela pourrait ainsi être défini comme une gestion du risque à « long terme », sur l’année. Inversement, la catégorie Logistique réfère aux moyens mis en œuvre afin d’éviter les risques ponctuels, tels que l’évitement des icebergs ou des bancs de glace dérivants, l’interruption des opérations de chargements et déchargements, etc. Dans ce cadre, les prises de décisions s’effectuent en temps et lieu et relèvent directement de l’équipage,

134 Par le terme « ailleurs » l’intervenant fait principalement référence à la mer Baltique qui constitue une zone englacée périodiquement. Ainsi, la navigation sur les marges arctiques et en Baltique en période estivale est comparable selon cette compagnie.

135 Extrait de l’entretien avec Transpetrol maritime services.

136 L’accès aux ports est facilité entre la fin du mois de juin et le début du mois de novembre dû au retrait des glaces. Voir chapitre 1, point 3.2.1 (Développement des routes arctiques) et chapitre 2, point 3.4.3 (Stratégies) pour plus de détails.

principalement des capitaines de navires, plutôt que des gestionnaires. La main-d’œuvre qualifiée constitue donc l’un des points cruciaux relativement au transport maritime dans l’Arctique.