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Chapitre 1 : Présentation du projet de recherche

4. Méthodologie

4.1 Aspects théoriques de la méthodologie

Initialement, deux éléments principaux ont permis de donner une base structurante à la démarche méthodologique. D’une part, le niveau de connaissances préalablement ténu du chercheur relativement au domaine maritime et, d’autre part, le fait que le sujet du présent ouvrage constitue un phénomène nouveau dans un milieu en évolution. Or, si le référentiel de départ (Mucchielli, 2005 : 8) du chercheur, à l’aube de la recherche, se révélait pratiquement nul, la récence de l’objet d’étude, à cette époque, rendait celui-ci passablement singulier et dépourvu, à bien des égards, de l’empreinte scientifique lui étant traditionnellement rattachée. Partant de cela, les préalables conceptuels et théoriques (Mucchielli, 2009 : 30) du chercheur ont pu être développés avec parcimonie, de façon à permettre une interaction avec les acteurs maritimes et d’établir des liens entre les données recueillies, mais également de manière à conserver les capacités d’objectivité du chercheur à un niveau optimal lors de l’analyse des données, et ce, conformément à la méthode utilisée. Toutefois, les références culturelles, historiques, sociales et structurelles du chercheur ne constituent pas moins une lorgnette particulière par laquelle le phénomène sera étudié. Dans cette optique, le paradigme constructiviste, tel que défini par Mucchielli (2005 et 2009), s’est naturellement imposé comme base constituante de la méthodologie employée, puisqu’il « […] réfute l’existence d’une réalité objective, affirmant plutôt que les réalités sont des constructions sociales de l’esprit, et qu’il existe autant de constructions qu’il y a d’individus »99 (Guba et Lincoln dans Mills et al. (2006) : 2).

Afin de rejoindre les principes institués au sein du paradigme retenu, une stratégie de recherche axée sur l’étude de cas, mais favorisant la méthode d’analyse par théorisation ancrée, a été mise de l’avant. À cet effet, le positionnement de Charmaz (2000 et 2006), ainsi que de Strauss et Corbin (dans Mills et al., 2006), relativement à l’appartenance de la théorie ancrée au paradigme constructiviste de même que l’accent mis par Paillé (1994) sur le processus de théorisation plutôt que sur la finalité de la théorie, mettent à l’avant-scène ces auteurs dans le présent ouvrage. « La notion de théorie est en fait plus ou moins bien adaptée aux types de causalité et de complexité caractéristiques des sciences humaines et sociales. L’expression théorisation est donc préférable car elle permet de désigner à la fois le processus ainsi que le résultat du travail théorique, tout en

indiquant que le résultat lui-même n’est pas une fin mais plutôt l’état dans lequel se trouve, à un moment donnée, une élaboration théorique donnée » (Paillé dans Muchielli, 2009 : 207). Ainsi, pour Paillé (1994 : 149 – 150), théoriser :

C’est dégager le sens d’un évènement, c’est lier dans un schéma explicatif divers éléments d’une situation, c’est renouveler la compréhension d’un phénomène en le mettant différemment en lumière. En fait, théoriser, ce n’est pas, à strictement parler, faire cela, c’est d’abord aller vers cela; la théorisation est, de façon essentielle, beaucoup plus un processus qu’un résultat. En ce sens, l’analyse par théorisation ancrée est une méthode extrêmement stimulante pour quiconque désire pousser l’étude de son objet de recherche au-delà d’une première analyse descriptive, même s’il n’a pas l’intention d’aller jusqu’à une théorisation avancée. On peut penser, par exemple, à une analyse où l’ensemble des catégories seraient bien définies, puis mises en relation dans un schéma qui aurait uniquement valeur de proposition.

Par ailleurs, certains chercheurs relèvent le caractère conjonctif et complémentaire des deux approches utilisées (Merriam dans Laws et McLeod, 2004 : 3 – 4; Glaser dans Fernandez, 2005 : 46 - 47). Elles possèdent, conséquemment, certaines caractéristiques communes, tel que des objectifs visant la compréhension et la sémantique des phénomènes étudiés, l’utilisation du travail de terrain, une orientation analytique inductive, l’utilisation du chercheur en tant qu’instrument de récolte des données et d’analyse, ainsi que des résultats descriptifs (Merriam dans Laws et McLeod, 2004 : 3), dont l’importance peut toutefois varier. Aussi, tout comme dans la théorisation ancrée, l’importance du processus relativement aux résultats justifie l’utilisation de l’étude de cas comme méthode de recherche (Laws et McLeod, 2004 : 7; Paillé dans Muchielli, 2009 : 206 – 208). Or, si celle-ci « […] aide à comprendre les processus entourant les évènement, les projets et progammes tout en permettant la découverte des caractéristiques contextuelles éclairant divers problèmes et objets d’étude »100 (Sanders dans Laws et McLeod, 2004 : 7), une analyse par théorie ancrée a « le potentiel de développer de l’information détaillée relativement à un phénomène particulier et d’être influencée par le contexte même de l’objet d’étude » (Laws et McLeod, 2004 : 9).

Dans le même ordre d’idée, Yin (dans Laws et McLeod, 2004 : 6 – 7) souligne deux faiblesses majeures entourant les études de cas, soit la présence de biais potentiels dû à l’absence de rigueur et le fait qu’il y ait peu de place à la généralisation scientifique avec ce type de stratégie. Inversement, l’analyse par théorisation ancrée suggère que « […] les entrevues ou les scéances d’observation, […soient] suivies immédiatement de périodes d’analyse donnant lieu à des hypothèses de travail qui font l’objet, de retour sur le terrain, à des (bis) entrevues et des observations mieux ciblées,

lesquelles permettent ou non d’étayer la théorisation en construction » (Paillé dans Muchielli, 2009 : 208). Le processus de génération et de validation quasi-simultané de la théorisation permet d’acquérir une meilleure compréhension d’un phénomène particulier tout en limitant les biais potentiel et favorisant l’établissement de théorie plus générale (Fernandez, 2005).

Au surplus, Fernandez (2005 : 47) rappelle l’importance de définir clairement l’apport de chacune des deux approches utilisées dans le processus méthodologique afin que ne survienne aucune ambiguïté en cours de route. À titre d’exemple, si l’étude de cas favorise grandement l’émission d’hypothèses préalablement à la cueillette des données, et ce, afin de diriger l’étude vers l’objectif énoncé (Yin, 2009 : 28), cela contrevient directement à l’un des principes de base de la théorie ancrée (Fernandez, 2005 : 47).

Ainsi donc, la conception de la recherche s’effectuera sur les bases de l’étude de cas (Yin, 2009 : 24 - 67), dans la mesure où un corpus général sera établi, où les caractéristiques du groupe d’acteur principal seront identifiées et où certains objectifs spécifiques seront définis. Parallèlement, le recueil des données et leur analyse répondront aux normes de la théorisation ancrée (Glaser et Strauss, 1967; Paillé, 1994), processus visant l’établissement de propositions (Paillé, 1994 : 150) ou, ultimement, de théories issues des données. Dans cette optique, l’échantillonnage théorique développé par Glaser et Strauss (1967) sera au cœur du processus méthodologique.

L’expression ne renvoie pas en tant que telle à une méthode de sélection de sujets pour une recherche, mais plutôt à une stratégie de développement et de consolidation d’une théorisation par choix judicieux de nouvelles observations à effectuer en cours de recherche. La référence à la notion d’échantillonnage demeure toutefois appropriée puisqu’il s’agit de sélectionner un certain nombre de groupes, de cas et d’évènements considérés comme prometteurs par rapport à l’étude d’une situation ou d’un phénomène et permettant de développer le travail théorique en cours. […] l’échantillonnage théorique s’effectue […] à partir des éléments principaux de la problématique. Par la suite, l’échantillonnage dépend entièrement des catégories générées en cours d’analyse. Dès que la catégorie commence à se répéter dans le corpus, il s’agit de relever les diverses manifestations du phénomène représenté par la catégorie. En même temps, il importe de poursuivre, sur le terrain, ce qu’on pourrait appeler le travail d’extension de la théorisation (Paillé, 1994), en observant, voire en provoquant des manifestations nouvelles du phénomène » (Paillé dans Muchielli, 2009 : 69 - 70).

L’échantillonnage théorique sera toutefois balisé de façon à circonscrire la recherche autour des opérateurs et gestionnaires commerciaux maritime de vrac, et ce, de manière à respecter l’essence même de la recherche, ce qui, bien qu’elle constitue une légère entorse aux principes de la théorisation ancrée, puisqu’elle limite en quelque sorte l’introduction d’intervenants provenant de divers horizons du milieu maritime, s’avère nécessaire en la circonstance. La diversité même des

opérateurs et gestionnaires commerciaux maritimes, de par la constitution de leur flotte (taille et spécialisation des navires), de leur provenance géographique, de leur expérience en zone englacée, etc. constitue un éventail de possibilité déjà passablement important; l’intégration potentielle d’acteurs maritimes émanant de l’ensemble de l’industrie (propriétaires, clients, services portuaires, etc.) amènerait une quantité de données effarante, ce qui s’avèrerait difficilement analysable. Par ailleurs, la validité de la recherche et de ses conclusions repose en grande partie sur le processus même de la théorisation ancrée. L’échantillonnage théorique, associé aux principes de saturation et de triangulation des données (Savoie-Zajc dans Mucheilli, 2009 : 226 – 227 et 285 -286; Johnson, 1997), serviront de critères de validité interne et externe (Savoie-Zajc dans Mucheilli, 2009 : 1; Paillé dans Mucheilli, 2009 : 70) en ce qu’ils permettent d’établir des correspondances entre les observations et la réalité empirique tout en permettant la comparaison ultérieure avec d’autres groupes que ceux étudiés (Paillé dans Muchielli, 2009 : 290).

Le critère de validation de la saturation repose sur le concept de la saturation théorique développé par Glaser et Strauss (1967). Dans ce concept, « […] le chercheur, en cours d’analyse, regroupe et structure ses données en catégories. Afin de rendre ces catégories le plus dense et riche de sens possible, il recueille d’autres données provenant de groupes divers, lui permettant de dégager des points de comparaison pour enrichir les catégories et en établir les frontières. La saturation, lorsqu’elle est atteinte, repose donc sur une diversité maximale des données, en regard du phénomène étudié. […] Selon l’approche méthodologique retenue on l’associera aux données, aux catégories d’analyse ou au savoir produit » (Savoie-Zajc dans Mucheilli, 2009 : 226).

D’autre part, la validation par triangulation des données, quant à elle, fait référence à l’utilisation de différentes sources pour l’acquisition des données, impliquant une collecte de données étendue dans le temps et qui s’effectue auprès de divers acteurs répartis géographiquement selon le phénomène étudié (Johnson, 1997 : 289). Cette stratégie permet, d’une part, de compenser le biais inhérent à différentes techniques de recueille de données, puis, d’autre part, de vérifier la justesse et la stabilité des résultats produits » (Savoie-Zajc dans Mucheilli, 2009 : 285).

Finalement, en conformité avec l’article 337 du Règlements des études de l’Université Laval, la recherche sera soumise à l’évaluation d’un comité composé de trois membres d’experts désignés par le doyen de la Faculté des études supérieures et postdoctorales, sur recommandation du directeur de programme; soit : Monsieur Claude Comtois, professeur titulaire à l’Université du Montréal et spécialiste de la géographie des transport, de même que du transport maritime et des systèmes portuaires; de Monsieur Frédéric Lasserre, professeur titulaire à l’Université Laval et spécialiste des enjeux géopolitique entourant l’Arctique canadien et les changements climatiques de même que les enjeux entourant les frontières et le droit de la mer; puis Monsieur Emmanuel Guy,

professeur titulaire à l’Université du Québec à Rimouski et directeur de la chaire de recherche en transport maritime.