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Nous avons identifié les différentes étapes de manipulation d’un train de gouttes, chacune d’entre elles peut être la cause de contaminations entre gouttes. Nous avons donc décidé d’évaluer ces contaminations pour chacune de ces étapes indépendamment. Ces différents types de manipulation des gouttes sont résumés sur la figure III-1 et nous les classons en trois catégories distinctes : les étapes liées à la fabrication d’un train de gouttes, l’incubation du train, et les étapes liées à l’extraction du train de gouttes. Dans le cadre de cette thèse, notre intérêt ne s’est porté que vers les deux premières catégories. En effet, les étapes d’extraction du train de gouttes (c’est-à-dire sa sortie ordonnée hors de l’instrument et son tri) sont similaires aux étapes de génération, à l’exception du tri des gouttes, étape critique dans le bon déroulement de l’extraction et dont le développement, l’automatisation et la caractérisation sont réalisés par la start-up Millidrop.

Figure III-1 : Schéma fonctionnel des trois catégories de manipulation du train de gouttes : la fabrication du train via

l’extrémité du tuyau manipulé par un bras robotisé qui génère une à une les gouttes, l’incubation du train de gouttes, puis l’extraction du train hors du tuyau via le bras robotisé. L’instrument est donc séparé en deux partie, une dédiée à la génération et au tri des gouttes, et la seconde à l’incubation. Ces deux parties sont reliées par au moins une jonction, c’est-à-dire une connectique millifluidique permettant de relier sans fuite les deux tuyaux.

Nous pouvons distinguer différents phénomènes de transport de molécules ou d’individus entre gouttes, nous les avons classés en trois familles reflétant leur contribution aux échanges au sein de la métapopulation (figures III-2, III-3 et III-4) :

Transfert de phase (figure III-2) : Les molécules, particules et individus présents dans un conteneur (goutte, séparateur) sont soumises au mouvement brownien et peuvent diffuser hors de la goutte dans le fluide de la phase continue. Ces particules peuvent alors être advectées par le fluide porteur

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puis diffusées dans un autre conteneur du système. Ce phénomène sera d’autant plus important qu’une particule sera susceptible de migrer hors d’un conteneur (vitesse des échanges fonction de l’affinité de la particule avec l’huile fluorée) et que sa solubilité dans la phase continue sera élevée. Ce comportement est décrit, à l’équilibre, par le coefficient de partage de l’espèce entre la phase aqueuse et la phase fluorée, c’est-à-dire le rapport de sa concentration dans la phase fluorée sur celle dans la phase aqueuse [54]. Le flux total de l’espèce entre les gouttes sera donc d’autant plus faible que le coefficient de partage le sera. A l’inverse, une espèce très soluble dans l’huile fluorée sera très rapidement transférée dans tout le système fluidique. Un tel comportement est notamment attendu pour les gaz, très solubles dans l’huile fluorée [55]. Du point de vue dynamique, ces transferts seront ensuite d’autant plus rapides que le coefficient de diffusion de l’espèce dans l’huile sera grand et que le train de gouttes bougera vite.

Figure III-2 : Représentation schématique des échanges entre gouttes par transfert de phase. Une espèce donnée (molécule,

particule, bactérie) hydrophile est solubilisée dans des gouttes de milieu. La concentration en cette espèce n’est pas la même partout dans le système. En particulier, elle présente une concentration et une affinité différente dans la phase continue. Des espèces vont être transférées d’une phase à l’autre jusqu’à équilibre. La phase continue est en contact avec toutes les gouttes, elle doit donc être en équilibre avec chacune d’entre-elles. Elle va ainsi tendre à échanger des espèces avec elles jusqu’à homogénéisation des gouttes, et donc transférer les espèces des gouttes les plus concentrées vers celles les moins concentrées. Toutes les espèces ne vont pas être transférées à la même vitesse.

La surface des conteneurs peut être soumise à des contraintes pouvant la déformer et, après rupture de l’interface, induire le détachement d’un volume de fluide issu du conteneur initial. Cette émulsification peut être provoquée par des contraintes causées par du cisaillement, une adhésion, un mouillage ou encore un effet de type Marangoni. Elle peut avoir lieu dans la phase continue, créant ainsi des gouttes libres, ou encore sur un corps statique permettant ainsi des échanges avec des volumes non libres.

Transport de gouttes libres (figure III-3): cette goutte, de par sa faible taille, ne sera pas nécessairement transportée avec le conteneur dont elle est issue et peut donc franchir les séparateurs et d’autres conteneurs. Ce volume est donc dit « libre » car il n’est immobile ni dans le référentiel du train de gouttes ni dans celui du tuyau. Dans le cas où cette goutte est issue d’une rupture de la phase aqueuse, nous parlerons de goutte dite « satellite ». Une goutte libre peut fusionner avec un conteneur s’il y a rupture du film de phase continue les séparant. Des transferts discrets peuvent donc apparaître entre deux réacteurs sans favoriser d’espèces ou de particules, à condition que leur volume unitaire soit plus petit que le volume de la goutte. La formation de satellite(s) est connue lors de la génération d’une goutte, au moment de la rupture de l’interface eau-huile, tant à l’échelle millifluidique [102][91] que microfluidique [86][8][87].

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Figure III-3 : Représentation schématique des échanges entre gouttes par transport de gouttes libres. Une espèce donnée

(molécule, particule, bactérie) hydrophile est solubilisée dans des gouttes de milieu. La surface arrière d’une goutte subit une contrainte de cisaillement qui la déforme. Une petite goutte peut se détacher et être librement transportée dans la phase continue. Cette gouttelette est un échantillon représentatif de la goutte dont elle issue, toutes les sortes d’espèces y sont donc transportées de la même manière. Elle pourra fusionner avec une autre goutte et ainsi y transporter avec la même probabilité toutes les espèces présentes dans la goutte dont elle est issue.

Echanges avec des volumes non libres (figure III-4): le film de lubrification isolant un conteneur peut se rompre, il y a alors contact entre le conteneur et un élément fixe du système fluidique, on parle dans ce cas de mouillage. Il peut s’agir d’un contact avec un élément solide du système (la surface du tuyau, une hétérogénéité sur sa surface), une partie de la surface du réacteur y adhèrera et celui-ci pourra y laisser un volume de liquide lorsque le réacteur s’en détachera. Ce volume de liquide piégé à la surface d’un élément peut être particulièrement exposé ou être fixé dans un volume mort de la phase continue. Dans les deux cas, le film de lubrification isolant ce volume piégé d’un conteneur ultérieur pourra se rompre, il y aura alors échanges entre eux le temps de leur contact. Ces échanges ne seront pas nécessairement identiques pour toutes les espèces, ils se feront en fonction de leur dynamique propre au moment du contact et du coefficient de diffusion de l’espèce dans la phase aqueuse. L’utilisation de tuyaux et connectiques en polymères fluorés où les gouttes sont confinées, avec peu de volumes morts, et d’une phase continue d’huile fluorée devrait limiter la formation de ces « volumes piégés » [40], mais tout défaut de surface pourrait faciliter l’initiation d’un de ces volumes [58]. Ces contaminations par mouillage ou adhérence étant systématiques, l’ajout de gouttes tampons entre bioréacteurs est généralement suffisant pour réduire significativement ces contaminations croisées [103][44].

Figure III-4 : Représentation schématique des échanges entre gouttes par échanges avec des volumes non libres. Une espèce

donnée (molécule, particule, bactérie) hydrophile est solubilisée dans des gouttes de milieu. Une goutte peut mouiller la paroi du tuyau et y laisser un volume de milieu piégé sur la paroi. Ce volume est un échantillon a priori représentatif de la goutte dont elle est issue. Elle pourra coalescer avec une autre goutte. Elle échangera ainsi avec elle des espèces. En se détachant, la seconde goutte pourra extirper de la paroi l’ensemble du volume piégé, mais elle peut aussi y laisser un volume, mélange des milieux des deux gouttes, qui constituera à nouveau un volume non libre qui pourra échanger des espèces avec d’autres gouttes.

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La distinction entre ces trois phénomènes de transport est donc assez importante, leur origine et leur contribution en fonction de l’élément transféré sont différentes. Nous noterons que même si ces phénomènes sont par nature continus ou discrets, le résultat des échanges entre conteneurs d’éléments de faibles concentrations (comme des individus) sera probablement discret car suivant une loi de Poisson.

Le but de notre étude est de caractériser les échanges entre réacteurs, nous ne nous intéresserons donc qu’aux molécules, particules et individus dissous ou en suspension en solution aqueuse. En particulier, nous n’étudierons pas les échanges de gaz entre réacteurs et séparateurs, ou entre séparateurs.