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III. 2A Remplissage d’une plaque multi-puits

V.2 Un instrument pour le transfert en série

Nous bénéficions désormais d’une méthode permettant de transférer un volume choisi et paramétrable de liquide entre des gouttes sélectionnées d’un train de gouttes et celles d’un autre train. Le dispositif millifluidique déployé dans le chapitre II doit ainsi être dupliqué pour former ce nouvel instrument, et les systèmes de génération et de tri de sortie des gouttes doivent être adaptés. Nous présenterons dans cette partie le fonctionnement de notre instrument pour réaliser des cultures en chemostat (donc sans sélection sur les populations) sur de longues durées. Le protocole correspondant peut se résumer en quelques étapes (instrument schématisé sur la figure V-6), toutes automatisées sauf si précisé :

1- Introduire manuellement des réactifs (biologiques ou chimiques) dans l’instrument sous la forme d’un premier train donneur,

2- Fabriquer un train de gouttes vierges (nouveau train receveur) dans le tuyau vide, 3- Transférer les échantillons voulus du train donneur vers le train receveur,

4- Incuber et mesurer le train receveur jusqu’à l’étape 3 (il deviendra alors le nouveau train donneur), 5- Terminer l’incubation et les mesures du train donneur,

6- Jeter automatiquement le train donneur ou le sortir manuellement sur plaque. Revenir à l’étape 2.

Figure V-6 : schéma fonctionnel de l’instrument. Les vannes manuelles sont en position ouverte (en vert), tandis que les

vannes automatisées et le module de transfert sont en position fermée (en rouge), ce qui correspond à l’étape n°1.

1 Introduction des réactifs

Il est nécessaire d’introduire au départ les échantillons biologiques que nous souhaitons cultiver en chemostat. Le système décrit dans le chapitre II par robot pipeteur est la méthode employée. Cette première étape ne demande pas de précaution particulière (à part des conditions stériles) et peut être réalisée rapidement (la précision du volume des gouttes formées n’est pas importante) et avec quelques contaminations entre gouttes si elles sont toutes identiques (sinon on ajoutera des gouttes tampon intermédiaires). Une fois le train de gouttes introduit dans un des tuyaux d’incubation, le bras robotisé est

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isolé de l’instrument par une vanne manuelle. Désormais, les systèmes biologiques cultivés dans l’instrument sont totalement isolés et ne peuvent plus être contaminés par une source extérieure.

2 Fabrication d’un nouveau train

Nous générons automatiquement les trains de gouttes à l’aide d’une jonction X comme décrit en II-2-B dans le cas des séparateurs d’air. Les variations de la pression au niveau de cette jonction sont plus faibles pour des tuyaux de rayon 1.1mm plutôt que de 375µm pendant la formation d’un train de gouttes. Il s’ensuit que le train de gouttes est pratiquement homogène bien que les séparateurs soient compressibles et que le débit d’air à la jonction puisse varier. Tous les éléments de la génération sont thermostatés dans l’instrument, à 37°C, température d’incubation, pour le moment.

Les trois phases entrent ainsi dans la jonction sous pression, la phase aqueuse est issue d’un gros réservoir de milieu de culture M9+G pressurisé et la phase continue d’un réservoir pressurisé. L’air arrivé sous pression d’un pressostat est filtré à 0.2µm (pour éviter l’entrée de contaminations) avant de pressuriser les réservoirs ou d’atteindre la jonction. Les réservoirs et l’arrivée d’air sont séparés de la jonction par des longs capillaires opposant ainsi une forte résistance à l’écoulement, de manière à ce que la différence de pression imposée entre le pressostat et la jonction soit beaucoup plus grande que les variations de pression au niveau de la jonction. Nous nous assurons ainsi que les débits d’air, de milieu et d’huile varient peu durant la génération. Dans ces conditions, nous fabriquons un train homogène de 1000 gouttes en 40 minutes.

(a)

(b)

Figure V-7 : (a) schéma de la génération d’un train de gouttes avec une jonction X et avec une adaptation de la pression pour

former des gouttes de taille homogène. (b) photographie d’un train généré selon cette méthode (pour une distance entre les jonctions de 15cm et une petite résistance placée entre le tuyau et l’huile à pression constante), les conditions ne sont pas optimales mais permettent de générer plusieurs milliers de gouttes de manière robuste.

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Pour améliorer ces performances, nous avons développé un système amélioré : nous fixons un point de pression constante en aval de la jonction X (figure V-7) afin que la pression au niveau de cette jonction ne soit pas affectée par la longueur du train (qui modifie la résistance hydrodynamique de l’émulsion en aval de ce point de pression fixée). Ce point de pression constante est une jonction T reliée à un réservoir pressurisé d’huile fluorée par un tuyau de résistance négligeable. Ainsi, un léger débit d’huile fluorée entrant dans le train a lieu au niveau de la jonction T et vient diluer le train. Ce léger débit va, lui, varier pour permettre à la pression de rester constante au niveau de la jonction X. Ainsi, si la proportion de phase continue va varier dans le train, les gouttes seront néanmoins homogènes, même pour de longs trains.

Cette jonction T doit être éloignée de la jonction X d’une distance beaucoup plus grande que la longueur d’un motif du train de gouttes (6mm ici) afin que la résistance hydrodynamique de la tranche de train comprise entre ces deux jonctions ne fluctue pas. Nous avons arbitrairement placé la jonction à 0.6m. Dans ces conditions, nous avons voulu pousser le système de génération à son maximum pour évaluer la variation de taille de goutte sur des grands trains. Une fois que le front du train généré dépasse la jonction T, nous pouvons considérer que les conditions de génération sont stables. Nous avons ainsi généré un train de gouttes, à une fréquence estimée à 1.3 goutte/s) dans un tuyau initialement rempli d’huile fluorée de 100m de long, correspondant à une capacité estimée à 15000 gouttes (le tuyau a été intégralement rempli), mais nous n’avons pas observé de fluctuation significative de taille entre les 100 dernières gouttes et les 100 générées après les 200 premières gouttes (nous voulons nous assurer que la génération est bien stabilisée), ce qui est très encourageant pour les développements futurs de notre instrument (figure V-8).

Figure V-8 : Un train d’environ 15000 gouttes a été généré à l’aide du dispoitif comprenant une génération de gouttes par X

et une jonction T (à 60cm) maintenant un flux de FC40 sous pression constante. Nous avons mesuré la longueur des 100 gouttes au début du train et à la fin du train (par analyse d’image) et nous comparons ces valeurs sur la figure. L’écart-type de la distribution des tailles semble ainsi légèrement augmenter mais nous n’observons pas de déviance significative de la taille des gouttes durant la génération.

3 Transfert

Le transfert de goutte se fait actuellement selon la méthode décrite en V-1, c’est-à-dire en stoppant les gouttes concernées par un transfert face à la jonction I. Nous pourrions améliorer la rapidité du système en effectuant ces transferts en dynamique sans arrêter les trains à condition de calibrer les pressions appliquées en conséquence. En particulier, un premier passage du train devant la caméra (qui filme le module de transfert et est utilisé pour positionner les gouttes) serait nécessaire pour évaluer ses propriétés et comportement et adapter en conséquence son mouvement dynamique pour effectuer un transfert rapide.

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4 et 5 Incubation et Mesure

Comme décrit dans le chapitre II, la mesure est effectuée par fluorescence pendant que le train de gouttes est incubé à 37°C en faisant des allers et retours autour du point de mesure. Ce dernier n’est, cependant, plus au centre du tuyau : le point de mesure et le module de transfert sont respectivement à 1/3 et à 2/3 de la longueur de chaque tuyau (figure V-5). En effet, il est inutile que le train de gouttes traverse le module de transfert, cause supplémentaire de contaminations, pendant son incubation.

Nous continuons à mesurer la croissance des populations après transfert car le transfert peut avoir lieu avant que la croissance n’atteigne le plateau de saturation, et nous pouvons souhaiter mesurer la courbe de croissance totale de la population. D’un point de vue plus général, nous pourrions utiliser ces réacteurs pour obtenir des informations sur les populations que nous venons de propager (test de résistance à une espèce chimique, évaluation de la biomasse finale par exemple).

6 Suppression du train précédent

Si nous souhaitons récupérer manuellement les gouttes du train, ce dernier peut être sorti de la machine par la méthode décrite dans le chapitre II en utilisant le bras robotisé. Nous récupérons ainsi nos réacteurs sur plaque multi-puits pour congélation ou analyses ultérieures. Dans le cas contraire, le train est jeté en routine dans un réservoir contenant un biocide. Le tuyau est purgé et rempli d’huile fluorée pour le vider de bulles d’air éventuelles.

Il est à noter que cette méthode a été mise en œuvre de manière à être intégralement automatisable, ce qui offre à l’expérimentateur la possibilité d’exploiter toute la complexité du dispositif en termes de combinatoire, de fréquence de transferts ou d’étapes expérimentales successives, de nombre de gouttes et de chambres fluidiques.

Nous venons donc de résumer les opérations élémentaires permettant de cultiver par transfert en série des populations de bactéries. Dans ces conditions, il serait possible de pouvoir propager un millier de populations environ toutes les heures, mais nous ne pourrions mesurer que peu de choses de la croissance des populations. C’est pourquoi nous cyclons actuellement toutes les 4h le processus de transfert pour une dilution de l’ordre de 100 (nous ne restons donc pas en phase exponentielle). Cette première preuve de concept de cette technologie pour une culture long terme est en cours.

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