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B Diversité de réponses des populations à un stress

III. 2A Remplissage d’une plaque multi-puits

V.3. B Diversité de réponses des populations à un stress

Pour effectuer une sélection artificielle sur des populations, il y a lieu de pouvoir évaluer leur diversité. Cette évaluation ne peut pas passer uniquement par la mesure des courbes de croissance ou par d’autres méthodes passives et non destructrices. Par exemple, nous pouvons souhaiter évaluer la résistance à un stress d’une population, mais nous ne souhaitons pas la stresser pour le faire (pour éviter d’appliquer un goulot d’étranglement évolutif trop important par exemple, ou de simplement sélectionner la population de manière interne).

Dans ce cas, il convient de prélever un échantillon de la population et de soit tester l’échantillon, soit tester la population initiale en les consommant. Dans chaque cas, un échantillon sera finalement transféré à la génération suivante de culture. Nous avons donc le choix entre deux points de vue :

- A partir d’une population initiale, transférer deux échantillons, l’un dans une goutte de test et l’autre dans une goutte de culture. La population initiale est jetée (le tuyau est vidé et un nouveau train de gouttes de milieu vierge est formé), celle de culture croît dans son nouveau milieu et l’échantillon test nous informe en croissant (ou non) d’un caractère de la population, en relation avec la nature du milieu de la goutte. En fonction de cette information, nous choisissons de sélectionner favorablement ou non la population pour qu’elle soit transférée vers le nouveau train vierge.

- A partir d’une population initiale, transférer un échantillon dans une goutte de culture vierge d’un nouveau train. Un troisième train est constitué d’une solution stressante. Nous transférons un volume de cette solution vers la goutte contenant la population initiale pour la tester. Pendant ce temps, l’échantillon transféré initialement croît. Nous obtenons le résultat du test puis nous jetons cette goutte test et nous formons un nouveau train vierge. En fonction du résultat du test, nous choisissons de sélectionner favorablement ou non la population pour qu’elle soit transférée vers le nouveau train vierge.

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Phase 3 Phase 4 Phase 5

Phase 6 Phase 7 Phase 8 …

Figure V-10: Cultures de bactéries dans un milieu constant, nous stressons régulièrement un échantillon des cultures pour

ensuite sélectionner la culture d’origine en fonction de la réponse au stress, protocole fonctionnel phase par phase : (1) (2) Ces phases sont identiques à la figure V-8 et non représentés. (3) Train de A jeté, incubation dans B, génération automatisée d’un train dans C. (4) Génération automatisée d’un train de gouttes composé de milieu stressant dans A, transfert de B vers C. (5) Transfert de B dans A pour tester la réponse des cultures au stress, incubation dans C. (6) Incubation dans A, train de B jeté, incubation dans C. (7) Après analyse des réponses au stress dans A, le train de A est jeté, génération d’un train dans B, incubation dans C. (8) Génération automatisée d’un train de gouttes composé de milieu stressant dans A, transfert de C vers B en sélectionnant les cultures transférées en fonction des résultats du test de résistance précédent. A partir de maintenant, nous pouvons revenir à la phase 5, en échangeant B et C, puis continuer la séquence indéfiniment. La légende et les codes de la figure sont identiques à ceux de la figure V-8, à l’exception du module de génération du tuyau A qui est en jaune grisé, car le milieu est stressant dans son cas.

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V.5 Conclusion

Nous avons introduit et mis en application simplement dans ce chapitre, une réalisation technologique pouvant permettre de réaliser durablement des expériences à long terme d’évolution dirigée sur des populations de micro-organismes. En mettant en application nos connaissances sur la gestion des contaminations, l’évaluation de la diversité et la gestion des populations, nous devrions sous peu avoir un instrument adapté à ces objectifs ambitieux et à plus court terme, capable de répondre à nos besoins.

La technologie mise en œuvre ici, présente de plus un potentiel plus étendu qu’aux seules cultures microbiologiques. Le module de transfert, en faisant le lien entre millifluidique et microfluidique, ouvre la possibilité de créer des ponts entre les différentes technologies et les différentes échelles. Cette technologie offre en particulier un multiplexage massif des échantillons et pourrait permettre d’intégrer certaines techniques d’analyses miniaturisées.

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Conclusion générale

Cultiver un grand nombre de populations de bactéries en parallèle sur le long terme est l’un des enjeux technologiques nécessaire à l’évolution dirigée. Maintenir des cultures dans des conditions similaires à un chemostat en les propageant par transfert en série représentait déjà un objectif ambitieux que la technologie de la millifluidique digitale semblait pouvoir permettre. Détourner ce mode de culture pour conditionner la structure d’une métapopulation, y détecter l’apparition de diversités et être capable de la sélectionner à haut débit, relève du rêve de tout microbiologiste de l’évolution. Dans ces travaux de thèse, un nouveau dispositif pour la culture multi-parallélisée de communautés de bactéries a été développé, caractérisé puis finalement modifié pour tendre vers ces aspirations.

Notre technologie partage la plupart des caractéristiques des autres méthodes de cultures, celles de manipuler individuellement de grandes populations, de suivre leur croissance de manière quantitative, et de propager les cultures étudiées. Seule la millifluidique offre pourtant une parallélisation appréciable de cultures de grandes tailles et ce, de manière automatisable, à haut débit, et à coût raisonnable. En modifiant la technologie selon deux axes, la diversification des cultures et l’augmentation de leur taille, nous avons pu placer notre instrument dans les conditions requises pour sélectionner artificiellement des populations.

Les contaminations croisées des cultures pouvait devenir un problème maintenant que nous incubons des cultures hétérogènes. Nous les avons donc évaluées pour les différents modules de notre instrument. Les échanges entre gouttes se font en majorité de proche en proche, par transfert de volume et sont systématiques. Ces contaminations sont plutôt stochastiques lors de la préparation des cultures, mais constante lors de l’incubation.

La diversité peut apparaitre en un faible nombre de générations, c’est ce que nous avons montré en réalisant un protocole de fluctuation adapté à notre instrument. En contrôlant la fusion entre échantillons, nous avons pu mesurer la réponse d’une collection de populations à un stress antibiotique. Nous avons mis en évidence une très forte disparité de résistance des populations à proximité de la concentration minimale inhibitrice de la souche de E. coli utilisée face à la gentamicine . Cette méthode est complexe à mettre en œuvre, et elle pourrait affecter la réponse des bactéries au stress. Nous avons donc souhaité nous tourner vers d’autres solutions technologiques.

Nous avons conclu ces travaux de thèse en concevant un nouveau module technologique pouvant répondre aux différents enjeux de la culture des communautés et apportant une solution aux limitations expérimentales que nous avons rencontrées. Cette nouvelle technologie permet, en prélevant automatiquement des échantillons dans une population pour les introduire dans de nouveaux milieux, de réellement cultiver des populations, d’évaluer leur diversité, et de pouvoir les sélectionner artificiellement à

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haut débit. Si cette technologie est encore en développement, elle nous semble néanmoins très prometteuse pour diriger l’évolution sur mesure de populations de micro-organismes.

Nous sommes convaincus que nous tenons ici un instrument qui pourra faire évoluer des communautés et qu’il s’agit de la bonne approche pour concevoir des produits biologiques durables. L’évolution et la diversité sont des sujets qui nous tiennent à cœur et qui nous passionnent. Pouvoir jouer avec les sélections naturelles, aléatoires, et artificielles nous tente beaucoup. Nous avons profité de cette thèse pour approfondir leur compréhension. Même si cela n’est apparu qu’au cours du premier chapitre de ce tapuscrit, nous comptons profiter de ces acquis pour pouvoir continuer à pousser plus loin cette technologie. Celle-ci est en cours de dépôt de brevet et une petite équipe se monte autour de ce projet que nous avons contribué à lancer et dans lequel nous allons continuer à nous investir. Nous n’avons aucun doute sur l’avenir de notre instrument : pas un chercheur ne vient visiter notre laboratoire sans en repartir en proposant de nouvelles idées d’applications. L’avenir semble donc plein de promesses.

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