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III. 2A Remplissage d’une plaque multi-puits

IV.1. A Croissance à faible inoculum

Les méthodes de la mesure d’un MIC ou de réponse à une pression antibiotique sont généralement standardisées de la même manière [10], nous mettons en présence dans un volume fixé :

- Une population bactérienne de concentration connue - Un antibiotique de concentration connue

- Un milieu de croissance standardisé

Nous mesurons ensuite l’activité microbienne après un temps fixé. Pour cela, soit nous avons au préalable ajouté au milieu un marqueur d’activité biologique (comme la résazurine), soit nous mesurons la biomasse finale de la population (en mesurant la fluorescence ou la densité optique de la population). Dans ce dernier cas, nous avons la capacité de distinguer et classer le succès de résistance de chaque population. De plus, nous évitons les cas où une population est détruite de manière suffisamment lente par un antibiotique pour avoir une activité biologique positive.

Le protocole standard (figure IV-1) ainsi appliqué avec notre instrument millifluidique est de former un train de 1140 gouttes de 10µL inoculée à partir d’un mélange macroscopique déjà effectué contenant le milieu (M9 enrichi en glucose à 20mM), un inoculum connu de bactérie (ici E. coli Δflu) et une concentration connue d’antibiotique. Le train est incubé, nous mesurons le signal de fluorescence de chaque goutte au cours du temps, et en particulier la fluorescence finale de la population (généralement à 22h pour un inoculum d’environ 100 bactéries par gouttes). La distribution de ce signal de fluorescence nous informe ainsi sur la diversité de la réponse à un stress antibiotique. Des 1140 gouttes initialement générées, toutes ne sont pas analysables : certaines peuvent avoir coalescé, présenter un signal non conventionnel (contamination, artefact), et les gouttes présentes aux extrémités du train ne sont pas oxygénées dans les mêmes conditions. Nous sélectionnons systématiquement les 1000 gouttes les plus robustes pour analyse.

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Figure IV-1 : Signal de fluorescence de 1000 gouttes de 10µL incubées à 37°C contenant initialement 100 bactéries E. coli

Δflu, et distribution de leur signal moyen final (à 900min). Pour des gouttes de 10µL, nous rappelons qu’un signal de

fluorescence de 4V correspond à une population d’environ 107 bactéries. Nous observons dans ces conditions que la biomasse finale dans les différentes cultures est assez homogène, comme nous nous y attendons. Une des sources possible de variation de la biomasse est la compétition, entre les gouttes, pour l’oxygène disponible dans les séparateurs.

Nous avons mesuré cette diversité pour la souche E. coli Δflu confrontée à la gentamicine à laquelle elle n’est pas résistante. Son MIC, mesuré sur plaque 96 puits dans les conditions standard (inoculum de 100 bactéries par puits de 200µL), est compris entre 2 et 4 mg/L. Pour un inoculum de 100 individus par goutte et des concentrations autour du MIC, comprises entre 0.5 et 3.0 mg/L, nous avons mesuré le signal de fluorescence des gouttes incubées à 37°C (figure IV-2).

L’apparition de résistances à la gentamicine a généralement lieu dans le milieu vétérinaire [77] où il a longtemps été utilisé en combinant son action à celle des bétalactames. Depuis quelques années, la résistance E. coli à la gentamicine apparait de plus en plus dans le milieu hospitalier via l’évolution d’un gène de résistance de la même classe que cet antibiotique. Notre souche est résistante à l’ampicilline mais aussi à la kanamycine, un autre aminoside 4,6 disubstitué, il est donc possible que des mutations permettent à certains individus de résister à la gentamicine. De tels mécanismes sont ainsi bien décrits pour les bétalactames [78], ils manifestent l’existence de chemins adaptatifs privilégiés lors de l’adaptation à un antibiotique. Comme les mécanismes de résistance possibles sont égoïstes, un mutant résistant devrait croître, seul, dans des conditions très stressantes, et serait ainsi identifiable.

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Figure IV-2 : (a-f) Signal de fluorescence de 1000 gouttes incubées à 37°C contenant initialement 100 bactéries E. coli Δflu

en présence de Gentamicine à des concentrations de 0.5, 1.0, 1.5, 2.0, 2.5 et 3.0 mg/L, et distribution de leur signal moyen final (à 900min). Nous observons que le taux de croissance moyen et que le lag sont invariants, mais que la valeur de la biomasse finale décroît quand on augmente la concentration en gentamicine. L’écart-type de cette biomasse décroît lui aussi avec l’augmentation du stress, mais sa valeur rapportée sur la biomasse augmente, elle, de plus en plus. Nous comparons les distributions et les valeurs de la biomasse finale pour les différentes concentrations en gentamicine sur les deux dernières figures. (g) Distribution des signaux de fluorescence moyens finaux correspondant. (h) Influence de la concentration en Gentamicine sur le signal final. La diminution de la biomasse finale sous un stress sub-MIC est un résultat déjà observé [5][59], les bactéries consommeraient en effet plus de glucose pour résister au stress.

NB : Tout au long de ce chapitre, nous conserverons le même code couleur correspondant à chaque stress antibiotique ( bleu :

0 mg/L ; 0.5 mg/L : cyan ; 1.0 mg/L : vert ; 1.5 mg/L : jaune ; 2.0 mg/L : magenta ; 2.5 mg/L : rouge ; 3.0 mg/L : noir ; 3.5 mg/L : gris).

(c) (d)

(e) (f)

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Nous observons ainsi qu’à concentration en antibiotique donnée, les différentes populations se comportent de manière très similaire, la diversité de réponse semble donc très faible. Ceci pouvant être imputable à la taille des inoculas qui sont trop faibles pour que la métapopulation possède une diversité préexistante suffisante pour l’exprimer. A titre de comparaison, si nous recherchons l’existence d’un mutant dans la métapopulation présentant une résistance légèrement supérieure à l’antibiotique (ou du moins permettant d’affecter la biomasse finale), un mutant correspondant à une mutation donnée n’a qu’une probabilité de 10-9 d’apparaître alors que notre métapopulation n’est initialement composée que de 105 individus au départ. Il est donc peu probable d’observer la moindre modification de la distribution de la biomasse finale.