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TRAITEMENT DE LA TOXICOMANIE AU CANADA 356

SERVICE DE SANTÉ MENTALE ET TRAITEMENT DE LA TOXICOMANIE AU CANADA : PERSPECTIVE ET HISTORIQUE

7.3 TRAITEMENT DE LA TOXICOMANIE AU CANADA 356

L’évolution du traitement de la toxicomanie au Canada se caractérise par cinq phases distinctes. La première, qui s’est terminée à la fin des années 40, est dominée par des attitudes moralistes et un manque général d’attention au traitement. Des asiles privés offrent alors certains traitements de la toxicomanie et certains services de counselling sont mis en place dans des prisons. Toutefois, la plupart des personnes ayant des problèmes de toxicomanie (liés à l’alcool ou à d’autres drogues) n’ont qu’un accès limité aux services de traitement. Le point de vue dominant est que ces problèmes découlent d’un « manque de volonté » ou de « troubles de la personnalité ».

354 Don Wasylenki (2001), p. 107-109.

355 Quentin Rae-Grant (2001), p. xi.

356 Cette section se fonde sur des renseignements fournis dans les deux documents suivants : 1) Santé Canada, « Évolution du traitement de l’alcoolisme et des autres toxicomanies au Canada », dans Profil – Alcoolisme et toxicomanie – Traitement et réadaptation au Canada, Ottawa, 1999, p. 3-5 http://www.hc-sc.gc.ca/hecs-sesc/sca/pdf/profil.pdf; 2) Colleen Hood, Colin McGuire et Gillian Leigh, Explorer les liens entre la santé mentale et l’usage de substances – Document de travail, commandé par Santé Canada, 1996.

À mon sens, la, désinstitutionalisation est légitime dans la plupart des cas — pas la totalité — mais seulement si la collectivité est capable de fournir des services, si la société a été informée au moyen d’une politique appropriée d’éducation publique, s’il existe des logements abordables et sûrs, et s’il existe des possibilités d’emploi. Peut-on imaginer qu’un consommateur institutionnalisé et pour qui chaque seconde compte soit soudainement obligé de trouver un emploi dans une société où il sera stigmatisé et où il aura peu de chances de trouver un logement?

[Michael J. Grass (17:44)]

157 Aperçu des politiques et programmes La deuxième phase, qui a pris fin au milieu des années 60, se caractérise par un changement d’attitude face à l’alcoolisme et, dans une moindre mesure, à l’égard des problèmes liés aux autres drogues. L’un des facteurs déterminants de cette transformation est la place grandissante que se taille le mouvement des Alcooliques Anonymes (AA). Les AA répandent l’idée que l’alcoolisme, quoique incurable, peut être contré, à condition que le sevrage s’accompagne d’un traitement et que l’alcoolique suive un programme de guérison en 12 étapes. Avec l’aide de figures de proue de la collectivité, les membres des AA, à force de pressions, réussissent à obtenir du secteur public qu’il finance les programmes de traitement et de sensibilisation. Ils appuient leurs démarches sur l’opinion que l’alcoolisme n’est pas un symptôme ou une séquelle de faiblesse morale, mais plutôt une « maladie » qu’on peut prévenir et traiter.

Durant cette phase, la plupart des provinces créent des ministères, des commissions ou des fondations chargés d’offrir ou de coordonner les services de traitement de la toxicomanie. De nombreux nouveaux services sont établis. Au départ, ces organismes devaient se concentrer sur les problèmes liés à l’alcool, mais par la suite, à mesure que les problèmes liés aux autres drogues se sont intensifiés, leur mandat a été élargi pour englober ce genre de problèmes. Il convient de noter toutefois que le traitement administré aux utilisateurs de drogues illicites était offert dans une optique fortement punitive.

La troisième phase a commencé au milieu des années 60. Elle débute au

moment où la consommation de drogues augmente fortement et se caractérise par l’expansion rapide des services liés à la toxicomanie. La croissance la plus rapide a été enregistrée entre 1970 et 1976. Sur les quelque 340 organismes spécialisés actifs en 1976, les deux tiers avaient vu le jour après 1970; les dépenses pour les services de traitement sont passées de 14 millions de dollars à 70 millions de dollars pendant la même période. Parmi la gamme des services mis sur pied durant cette période, mentionnons les centres de désintoxication, les programmes de traitement ambulatoire, les établissements pour séjours courts et prolongés et les services de suivi. On offre alors des services destinés aux alcooliques à des personnes aux prises avec des problèmes liés à des drogues autres que l’alcool, mais on crée également certains services spécialisés de traitement des problèmes liés aux « drogues », y compris un certain nombre de communautés thérapeutiques. C’est durant cette période qu’on constate que les personnes qui suivent un traitement de lutte contre l’alcoolisme sont de plus en plus nombreuses à consommer aussi d’autres drogues.

La quatrième phase a commencé dans les années 80. Elle se caractérise par l’autonomie relative des fondations et commissions provinciales dans le cadre de leurs systèmes de santé

Contrairement au modèle moral qui « blâme la victime » pour l’installation de la toxicomanie, le nouveau point de vue est qu’il s’agit d’une maladie causée par des facteurs génétiques et biologiques. La personne atteinte n’est plus tenue personnellement responsable de ses

« mauvaises habitudes », étant donné que les facteurs déterminants de son comportement habituel sont des facteurs biogénétiques qu’elle ne maîtrise pas. Le modèle de la maladie est d’abord présenté par des universitaires spécialistes de l’alcoolisme. Ces dernières années, le concept de l’alcoolisme considéré comme maladie a été étendu à l’usage invétéré d’autres drogues.

[Ministry of Health Services, Colombie-Britannique, Every Door is the Right Door, mai 2004, annexe III, p. 72.]

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et de services sociaux respectifs. Dans bien des cas, les recherches sur la toxicomanie, la sensibilisation et le traitement évoluent en parallèle, mais sont loin de s’harmoniser avec les systèmes généraux de santé et de services sociaux communautaires. Malgré cela, le rôle de ces derniers dans le repérage et l’appui des services spécialisés de traitement de la toxicomanie devient de plus en plus apprécié.

Cette phase est en outre marquée par la diversification et la spécialisation des services de traitement et par la croissance du nombre de services spécialisés, notamment pour les femmes, les adolescents et les Autochtones. Cette tendance est appuyée par des recherches démontrant que les personnes réagissent différemment à différents types de traitement et par la conviction de plus en plus répandue que la thérapie devrait être adaptée aux besoins et aux problèmes particuliers des clients. S’il est vrai qu’on se contente généralement d’adopter diverses variantes du modèle de traitement médical à l’échelle du pays, des thérapies fondées sur des théories et des études cognitives, comportementales et sociales voient néanmoins le jour durant la même période. C’est ce qu’on a appelé le modèle cognitivo-comportemental.

La Stratégie canadienne antidrogue, fruit d’un partenariat multisectoriel, est lancée en 1987 et sert à stimuler un éventail d’activités pancanadiennes à l’appui, notamment, de services de traitement et de réadaptation novateurs.

La cinquième phase, qui a commencé au début des années 90 et se poursuit actuellement, a découlé de changements spectaculaires dans la structure des services de santé canadiens.

Dans une conjoncture générale favorable à la réforme des soins de santé, la plupart des services de traitement offerts par l’État ont été intégrés aux mécanismes communautaires de prestation de santé et de services sociaux. Dans cette phase, on est plus conscient de la nécessité d’étendre l’intégration des services de lutte contre l’alcoolisme et les autres toxicomanies, non seulement au système de soins de santé mentale, mais aussi à plus grande échelle, c’est-à-dire aux politiques de sécurité sociale et aux systèmes de soutien social. Cette intégration des services est le fruit de l’adoption d’un modèle de santé de la population par tous les gouvernements provinciaux et territoriaux. Le modèle global de la santé de la population insiste sur un ensemble complexes de déterminants de la santé – des facteurs sociaux, économiques, culturels et environnementaux, y compris des choix comportementaux – qui influent sur l’état psychologique et sur l’état biologique.

Durant cette phase, de nouveaux types de drogues plus puissantes sont apparus. Les jeunes enfants et les adolescents risquent de tomber dans la toxicomanie plus tôt que jamais. De plus, avec la récente prolifération au Canada des possibilités de s’adonner au jeu, un grand nombre de provinces et de territoires sont confrontés à une nouvelle dépendance, le jeu compulsif. En outre, à mesure que les entreprises s’intéressent de plus en plus à la toxicomanie, les entreprises et l’industrie dirigent de plus en plus de leurs employés vers les services canadiens de traitement de la toxicomanie.

159 Aperçu des politiques et programmes 7.4 OBSERVATIONS DU COMITÉ

La stigmatisation liée à la maladie mentale et à la toxicomanie au Canada a grandement entravé la prestation de services efficaces de santé mentale et de traitement de la toxicomanie. Le Comité est fermement convaincu que résoudre le problème de la stigmatisation et de la discrimination constitue une étape importante vers la planification et la prestation plus efficaces de services de santé mentale, de traitements et de moyens de soutien connexes.

Au cours des 50 dernières années, la recherche biomédicale et clinique, les découvertes scientifiques en neurosciences, en génétique et en biologie, et les progrès des sciences cognitives et comportementales ont permis de mieux comprendre les maladies mentales et les troubles liés à l’usage de substances. Ils ont permis le développement de médicaments, traitements et thérapies efficaces auxquels les scientifiques canadiens ont grandement contribué. De fait, le Canada a été à l’avant-garde de l’application des progrès en neurosciences aux troubles mentaux. De plus, les neurosciences ont constitué une importante force internationale de la recherche canadienne. Les percées récentes dans des domaines comme la neurogénétique et la schizophrénie ou la neuropharmacologie et la dépression, auront une grande incidence sur de nombreux aspects des troubles mentaux, y compris la prévention du suicide. Le Comité convient avec de nombreux témoins que, grâce à la recherche en santé, il y a lieu de croire que le XXIe siècle sera marqué par une amélioration importante des soins et des traitements offerts aux personnes atteintes de maladie mentale ou de toxicomanie et peut-être également de la prévention des maladies de ce genre.

La désinstitutionalisation des années 60 aux années 80 nous a enseigné quelques leçons importantes ayant des implications sur la façon d’offrir des services et des moyens de soutien aux personnes qui souffrent de troubles mentaux. Ainsi, il faut effectuer une importante réforme des systèmes afin d’assurer une prestation intégrée de toute la gamme des services et des moyens de soutien dont ont besoin les personnes atteintes de maladie mentale ou de toxicomanie. Cette réforme devra forcément passer par l’intégration des trois solitudes – les institutions, les services communautaires et les moyens de soutien communautaires – et par l’intégration des systèmes actuellement séparés – l’un pour la maladie mentale et l’autre pour la toxicomanie. Il faut commencer par considérer les personnes atteintes de maladie mentale ou de toxicomanie comme des êtres humains et non comme des diagnostics ou des étiquettes psychiatriques. Elles doivent participer, avec leurs familles, à la détermination de la voie vers le rétablissement. Il faut pour cela la collaboration des intervenants de tous les niveaux et des partenariats entre eux. Les gouvernements doivent jouer un rôle de leadership dans cette entreprise très importante.

La participation des personnes atteintes de maladie mentale et de toxicomanie ainsi que de leurs familles à la vie communautaire est essentielle à toutes les étapes de la réforme et du renouveau. Les personnes atteintes de maladie mentale ou de toxicomanie et leurs familles possèdent des connaissances importantes sur la façon dont le système fonctionne (et sur ce qui ne fonctionne pas). Le Comité convient avec de nombreux témoins qu’en tenant compte des points de vue des personnes atteintes de maladie mentale et de toxicomanie et de leurs

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familles dans la planification, l’élaboration des politiques, la conception et la prestation des services, on évitera de nombreux faux-pas.

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CHAPITRE 8:

POLITIQUE ET LÉGISLATION EN MATIÈRE DE SANTÉ

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