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CEUX ET CELLES QUI OFFRENT DES SERVICES DE SANTÉ MENTALE ET DE TOXICOMANIE MENTALE ET DE TOXICOMANIE

LES TROUBLES MENTAUX ONT UN EFFET SUR LA VIE DE TOUS LES CANADIENS

2.3 CEUX ET CELLES QUI OFFRENT DES SERVICES DE SANTÉ MENTALE ET DE TOXICOMANIE MENTALE ET DE TOXICOMANIE

2.3.1 L’accès aux fournisseurs de soins

En santé mentale, la plupart des nombreux acteurs qui ouvrent la porte du « système » sont les professionnels de la santé qui dispensent des traitements, mais d’autres, comme les enseignants et les travailleurs sociaux, favorisent aussi l’accès aux services et aux moyens de soutien qui s’imposent. Au Canada, l’accès à ces services et moyens de soutien est inégal

54 Diane Yackel (6:47).

55 Diane Yackel (6:46).

31 Aperçu des politiques et programmes d’une région à l’autre. Les pénuries d’effectif sont perceptibles partout, mais elles sont critiques dans certaines parties du pays.

Un mémoire soumis au Comité décrit les difficultés auxquelles sont confrontées les personnes souffrant de maladie mentale ou de toxicomanie à cause d’un accès limité aux fournisseurs de soins :

Au Yukon, par exemple, on ne trouve actuellement aucun psychiatre résident. Résultat : les gens sont contraints de courir de grandes distances pour recevoir les services nécessaires – difficulté (ironiquement baptisée de

« thérapie navette ») qui est doublement stressante pour celui ou celle qui est aux prises avec un problème de santé mentale.56

Les fournisseurs, quant à eux, ont indiqué au Comité qu’ils sont souvent en mesure d’attribuer ne serait-ce qu’une partie des problèmes auxquels se heurtent les personnes souffrant de maladie mentale ou de toxicomanie à leur état physique ou à leur situation socioéconomique. Une psychiatre, qui fait des visites à domicile, nous a parlé de la vie de certains de ses patients :

Nombreux sont mes patients qui ne disposent de moyens de transport et notre collectivité rurale est très étendue. Un grand nombre d'entre eux vivent, en famille nombreuse, dans des logements inadéquats. Le sol de certains logements est encore en terre battue, il n'y a pas de plomberie, ni de chauffage pour l'hiver à part un poêle à bois.57

Elle nous a également raconté qu’il lui avait fallu six mois pour établir une relation avec un vieil homme atteint de schizophrénie paranoïaque et avec qui elle ne s’était jusque là entretenue que derrière sa porte entrebâillée. Un jour enfin, il s’est senti suffisamment à l’aise pour l’inviter à l’intérieur.58

Ces récits nous montrent qu’il est nécessaire de relever les défis posés par la santé mentale dans les collectivités rurales et éloignées qui sont dépourvues de service.

2.3.2 Les enseignants et les autres fournisseurs de services en milieu scolaire

Le rôle des enseignants, des écoles et des autres en matière de détection précoce des troubles mentaux a fait l’objet d’une attention considérable lors des audiences du Comité. De nombreux témoins ont insisté sur le rôle important que jouent les écoles pour détecter assez tôt les problèmes de santé mentale et les maladies mentales avant que les troubles n’aient d’effets dommageables sur toute une vie. Plusieurs témoins ont établi des liens entre les problèmes constatés en lecture et en écriture et la détresse psychologique ou les troubles mentaux. Comme Tom Lips, de Santé Canada, l’a indiqué au sujet de l’alphabétisation, « il est possible que certains facteurs liés à la santé mentale contribuent à favoriser

56 Association canadienne pour la santé mentale, mémoire au Comité, juin 2003.

57 Dr Cornelia Wieman (9:53).

58 Ibid.

Aperçu des politiques et programmes 32

l'analphabétisme. De plus, le fait d'être analphabète a forcément des incidences sur la santé mentale ».59

D’un autre côté, les témoins ont reconnu que, même si l’école demeure le lieu où les enfants passent le plus clair de leur temps et acquièrent leur aptitude sociale fonctionnelle, il ressort que les ressources disponibles étant particulièrement sollicitées, il est actuellement difficile d’assurer des interventions adaptées. Les enseignants ont des classes plus importantes que jadis. Ce faisant, il leur est extrêmement difficile de repérer et de confronter les élèves qui présentent davantage de problèmes complexes. Les services dispensés par le personnel infirmier, les psychologues et les travailleurs sociaux en milieu scolaire ont été considérablement réduits. Il arrive que les approches thérapeutiques soient tellement fragmentées qu’elles prennent fin en plein milieu de l’année scolaire.

Les enfants souffrant de troubles déficitaires de l’attention (TDA), d’hyperactivité avec déficit de l’attention (HDA) et de troubles de l’apprentissage sont impulsifs, ont de la difficulté à se concentrer et à gérer leur comportement. Ils peuvent aussi avoir de la difficulté à lire, à distinguer les sons et à comprendre l’enseignant.

Le Comité a appris qu’à Toronto la liste d’attente pour un simple diagnostic dans le système public est de 18 mois – soit près de deux années scolaires. L’accès au secteur privé est possible en moins d’une semaine ou deux pour ceux qui peuvent débourser 2 000 $ pour les services d’un psychologue (la plupart des régimes d’assurance des employeurs ne remboursant en moyenne que 300 $ pour les soins psychologiques).60

Diane Sacks, présidente désignée de la Société canadienne de pédiatrie, nous a signalé qu’un grand nombre d’enfants atteints de TDA ou de HDA ainsi que de troubles d’apprentissage masquent leur problème jusqu’au premier cycle du secondaire et qu’ils :

… commencent alors à accumuler les échecs, justement à un moment où beaucoup d'entre eux ont aussi l'impression que leur corps les trahit. Ils ne sont pas assez forts, pas assez minces et certainement pas assez grands. Les pressions sont énormes. Les faibles aptitudes sociales associées à ce problème entraînent des rejets et des conflits avec les pairs.

Comment un adolescent «idiot», qui a de mauvaises notes et des aptitudes sociales déficientes — puisque c'est à cela que ressemblent les jeunes chez qui le THADA n'est pas traité —, peut-il se constituer un groupe de pairs, ce qui, comme nous l'avons déjà dit, est une des tâches essentielles de l'adolescence? Il en est incapable. Cela crée des problèmes d'estime de soi, qui sont directement liés aux problèmes de comportement et d'intimidation et aux démêlés avec la loi.61

Le fait que l’apparition de la plupart des troubles de santé mentale chez les adultes surviennent dans l’enfance nous rappelle, une fois de plus, qu’il conviendrait de consacrer davantage de ressources à la détection et à l’intervention précoces. Il faut reconnaître le rôle

59 Tom Lips, Santé Canada (11:25).

60 Diane Sacks (13:53).

61 Diane Sacks (13:51).

33 Aperçu des politiques et programmes prépondérant que les écoles sont appelées à jouer dans la prestation des services et des moyens de soutien en santé mentale.

2.3.3 Les fournisseurs de soins primaires

Le Comité a été frappé par le nombre de témoins venus parler de l’importance et de la gamme des services nécessaires. Certains ont souligné la nécessité d’offrir plus de formation aux médecins de santé primaire dans le diagnostic des troubles mentaux et le déclenchement d’interventions précoces. D’autres nous ont entretenus du rôle des infirmières et infirmiers, des travailleurs sociaux et des psychologues. Beaucoup ont insisté sur la nécessité de combiner soins physiques et soins mentaux dans le cadre d’un continuum de soins, en rappelant que, trop souvent, nous traitons l’esprit et le corps à part, un peu comme s’il s’agissait de deux entités distinctes.

Les représentants de la Société canadienne de psychologie nous ont relaté les problèmes psychologiques particuliers auxquels sont confrontées différentes personnes à différentes étapes :

• Un adolescent de 12 ans, diabétique, doit s’adapter à un schéma posologique particulier assorti d’injections, de prélèvements sanguins quotidiens et d’ajustements sur le plan alimentaire.

• Les membres de la famille d’un homme d’âge moyen doivent modifier leur comportement et leurs relations parce qu’il a eu une crise cardiaque qui a failli lui être fatale.

• Une famille s’occupe à domicile d’un parent atteint de démence;

• Une mère fait face à sa fin prochaine à cause d’un lymphome non hodgkinien et va laisser derrière elle deux jeunes enfants.62

À cet égard, la Dre Cornelia Wieman, psychiatre auprès des Six Nations Mental Health Services (Ohsweken, Ontario), a exprimé certaines réserves face à l’adoption d’une approche biologique étroite dans le cas des maladies mentales. Pour elle, le simple fait de prescrire un antidépresseur à un patient risque, par exemple, d’avoir des conséquences non désirables :

[…] le fils de l'une de mes patientes s'est suicidé l'année dernière alors qu'il était en garde à vue. La même année, on a découvert qu'elle avait un cancer du rein, on l'a opérée pour lui retirer le rein. Sa plus jeune fille, âgée de 14 ans a réagi au suicide de son frère en adoptant un comportement à risque très élevé, notamment l'abus d'alcool ou d'autres drogues, des relations sexuelles non protégées et des fugues de plusieurs jours. Cette femme est en congé de maladie, elle est donc en très mauvaise situation financière. En outre, elle héberge beaucoup de membres de sa famille. C'est une veuve qui bénéficie de très peu d'aides sociales.

62 Sam Mikail et John Service, Présentation à la Commission sur l’avenir des soins de santé au Canada, Société canadienne de psychologie, avril 2002.

Aperçu des politiques et programmes 34

Il serait irréaliste, à mon sens, de ne prescrire à cette patiente qu'un antidépresseur et de l'assurer qu'elle se rétablira avec le temps.

Cependant, en lui prescrivant un antidépresseur, mais aussi en lui offrant d'autres aides psychosociales, notamment du counselling, et après lui avoir donné un traitement assez intensif pendant un an dans notre clinique, elle s'est finalement rétablie et reprend un emploi à plein temps ce mois-ci.63

Elle nous a aussi signalé qu’en sa qualité de médecin payée à l’acte, elle n’est rémunérée que pour les consultations en personne et non pour le temps passé à discuter avec d’autres fournisseurs de services sur les cas de clients communs.

D’après les échanges que les membres du Comité ont eus avec ces témoins, tout semble indiquer que nous devons repenser la façon dont nous traitons la maladie mentale par rapport à la maladie physique. Nous devons parvenir à un certain équilibre entre une approche biomédicale étroite et l’intervention psychologique. Il faut adopter des mesures incitatives appropriées pour que les fournisseurs de soins consacrent le temps nécessaire à répondre aux besoins spécifiques et généralement chronophages des personnes souffrant de maladie mentale ou de toxicomanie.

2.3.4 La détresse des fournisseurs de soins

Les professionnels de la santé mentale sont, eux aussi, aux prises avec certaines anxiétés. Ils ne sont pas toujours en mesure de répondre aussi bien qu’ils le souhaiteraient aux besoins de leurs patients et de leurs familles. Il arrive que cette situation soit le résultat de ressources insuffisantes, mais parfois, les professionnels sont conscients qu’en posant un diagnostic de maladie mentale ils seront peut-être obligés de traiter le patient et sa famille d’une autre façon que s’il s’était agi d’une maladie physique.

Une pédiatre nous a parlé des gains réalisés dans les méthodes d’établissement de diagnostic pour un grand nombre de maladies d’enfance et de l’écart, sur le plan de la recherche, constaté dans les méthodes de prévention et de traitement. Elle nous a fait remarquer que la recherche pour des services appropriés peut revêtir une importance vitale quand :

[…] les services qui dispensent les traitements souffrent d’un grave sous-financement et que les familles doivent rechercher désespérément les quelques rares places disponibles. À cause de la fragmentation des services, les familles et leurs fournisseurs de soins primaires doivent envisager de nouvelles options presque année après année.64

D’autres fournisseurs nous ont rappelé que certaines attitudes et méthodes de traitement que l’on rencontrait il n’y a pas si longtemps chez des professionnels et qui sont maintenant jugées répréhensibles. Voici ce que le Dr Michel Maziade, chef du département de psychiatrie à la faculté de médecine de l’Université de Laval (Québec), nous a déclaré à cet égard :

63 Dre Cornelia Wieman (9:54).

64 Dre Diane Sacks, présidente désignée, Société canadienne de pédiatrie, mémoire au Cabinet, mai 2003, p. 1.

35 Aperçu des politiques et programmes

Dans les années 50 et jusqu'à la fin des années 60, on utilisait beaucoup la psychoanalyse et tout dépendait du milieu. C'était comme si le cerveau n'existait pas du tout. Si vous regardez les documents publiés à l'époque, tous ces désordres — la schizophrénie, l'autisme, la psychose maniaco-dépressive — étaient la faute de la mère. C'était toujours parce que la mère n'avait pas l'éducation voulue.

[…]

À l'époque, on accusait les gens. Je suis psychiatre spécialisé dans l'enfance et l'adolescence et je l'ai fait moi- même comme résident au début des années 70. Je transmettais le diagnostic de cette maladie terrible aux parents et au lieu de les soutenir, comme je l'aurais fait si l'enfant avait eu une maladie cardiaque, je les accusais parce que je leur recommandais de faire de la psychothérapie pour aider leur enfant, parce qu'il manquait quelque chose dans leur relation avec cet enfant. C'était terrible.65

2.4 SANTÉ MENTALE, MALADIE MENTALE ET TOXICOMANIE AU

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