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SANS-ABRI ET DÉTENUS

conséquences de la maladie mentale et de

SANS-ABRI ET DÉTENUS

Bien que les troubles mentaux touchent les personnes de tous les sexes, de tous les âges et de toutes les cultures, dans tous les corps de métier, de tout niveau d’instruction et de revenu, il semble que leur prévalence est plus élevée dans certains segments de la population que dans d’autres. La présente section fournit des renseignements sur la prévalence des maladies mentales chez les peuples autochtones, les sans-abri et les détenus.

5.3.1 La population autochtone

Nous manquons beaucoup de renseignements sur l’éventail des problèmes de santé mentale (au sein de la population autochtone). À ce jour, aucune étude n’a vraiment utilisé des méthodes épidémiologiques psychiatriques récentes pour évaluer le taux des troubles mentaux dans les collectivités autochtones. Il y a, plutôt, des enquêtes sur la santé concernant la façon dont les gens comprennent leurs problèmes, leur expérience et ce qu’ils estiment être leurs problèmes essentiels. [Dr Laurence J. Kirmayer, département de psychiatrie, Université McGill, témoignages (9:41)]

Bien que les données sur la prévalence des troubles psychiatriques parmi les peuples autochtones soient particulièrement limitées, la documentation affirme en général que les collectivités autochtones connaissent des taux de maladies mentales, de toxicomanies et de comportements suicidaires nettement plus élevés que ceux de la population en général. Voici un résumé des principales études de cas et des constats pertinents en la matière.

• Dans son rapport daté de 2003 et intitulé Profils de la santé mentale d’un échantillon d’Autochtones de la Colombie-Britannique survivants du régime canadien des pensionnats, la Fondation autochtone de guérison fait état de maladies mentales chez 125 des 127 personnes étudiées. Les troubles mentaux les plus répandus étaient le syndrome de stress post-traumatique (64,2 p. 100), les troubles liés à la consommation de substances psychoactives (26,3 p. 100) et les épisodes dépressif majeur (21,1 p. 100). La moitié des personnes chez qui l’on avait diagnostiqué un syndrome de stress post-traumatique présentaient aussi une co-morbidité avec d’autres troubles mentaux, y compris les troubles liés à la consommation de substances psychoactives (34,8 p. 100), la dépression majeure (30,4 p. 100) et le trouble dysthymique (26,1 p. 100).242

• Le rapport 2002 de Statistique Canada qui porte sur la santé des Autochtones vivant hors réserve révèle que cette population est 1,5 fois plus susceptible que la population non autochtone de subir un épisode dépressif majeur. Ainsi, 13 p. 100

242 Fondation autochtone de guérison, Profils de la santé mentale d’un échantillon d’Autochtones de la Colombie-Britannique survivants du régime canadien des pensionnats, collection recherche, Ottawa, 2003.

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environ des Autochtones résidant hors réserve ont vécu un épisode dépressif majeur dans les 12 mois ayant précédé la tenue de l’enquête, contre 7 p. 100 pour la population non autochtone, ce qui donne à penser que ceux et celles qui résident dans les régions urbaines peuvent se sentir aliénés, isolés, marginalisés et coupés de leur culture.243

• Le projet Flower of the Two Soils (1993) a consisté à étudier le lien existant entre rendement scolaire, les variables psycho-sociales et la santé mentale chez les enfants autochtones (âgés de 11 à 18 ans) habitant dans divers endroits dans l’ensemble des États-Unis et du Canada. Au Canada, ce sont certains coins du Manitoba et de la Colombie-Britannique qui ont été retenus. Les diagnostics les plus fréquents chez les répondants autochtones étaient les troubles de comportement perturbateur de l’ordre (22 p. 100) et les troubles liés à la consommation de substances psychoactives (18,4 p. 100), les troubles anxieux (17,4 p. 100), les troubles affectifs, notamment la dépression (9,3 p. 100), et le syndrome de stress post-traumatique (5 p. 100). Près de la moitié des enfants présentant des troubles du comportement et des troubles affectifs ont aussi déclaré avoir des troubles liés à la consommation de substances psychoactives.

• Les auteurs du Rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones de 1996 ont constaté que le taux de suicide chez les Autochtones est à peu près trois fois plus élevé que celui de la population canadienne générale. Chez les jeunes autochtones, le suicide était de cinq à six fois plus fréquent que chez les jeunes non autochtones. La Commission a indiqué que le suicide était la principale cause de décès chez les hommes de 10 à 49 ans.244

• Une étude signée Chandler et Lalonde (1998) – réalisée auprès de 196 communautés autochtones en Colombie-Britannique sur une période de cinq ans – a révélé des écarts considérables d’une communauté à l’autre quant à la prévalence des comportements suicidaires. Celles qui disposaient d’une certaine mesure d’autonomie gouvernementale présentaient les taux de suicide les plus faibles. Les chercheurs ont constaté que les revendications foncières et le niveau d’instruction étaient respectivement le deuxième et le troisième facteurs en importance pour prédire les taux de suicide faibles dans les collectivités autochtones.245

Selon les spécialistes du domaine, si une grande partie des cas de maladie mentale, de toxicomanie et de comportement suicidaire dans les collectivités autochtones et non autochtones se ressemblent, il existe en plus dans les collectivités autochtones des facteurs culturels qui influent sur la prise de décision individuelle et sur les idées suicidaires. Parmi ces facteurs culturels, mentionnons les anciennes politiques gouvernementales, la création du système de réserves, le passage d’un mode de vie actif à un mode de vie sédentaire, les

243 Statistique Canada, « La santé des Autochtones vivant hors réserve », Le Quotidien, 27 août 2002.

244 Commission royale sur les peuples autochtones, Choisir la vie : Un rapport spécial sur le suicide chez les Autochtones, 1995.

245 J.J. Chandler et C. Lalonde, « Cultural Continuity as an Hedge Against Suicide in Canada’s Fisrt Nations », Transcultural Psychiatry, vol. 35, no 2, 1998, p. 191-219.

107 Aperçu des politiques et programmes répercussions des pensionnats, le racisme, la marginalisation et la projection d’une image de soi détériorée.246

5.3.2 Les sans-abri

Il est particulièrement difficile de mesurer la prévalence chez les sans-abri, ainsi que leurs caractéristiques personnelles et leur état de santé. Grâce à son projet Pathways to Homelessness, la ville de Toronto a cependant cherché à évaluer la prévalence des maladies mentales et de la toxicomanie dans ce groupe sur une période de 18 mois. Voici les principaux constats établis quant aux taux de prévalence sur une vie :

• Près de 66 p. 100 des sans-abri présentaient des diagnostics de maladie mentale pour la vie. Ce taux est deux à trois fois plus élevé que celui de la population en général.

• Près de 66 p. 100 des sans-abri présentaient des diagnostics de troubles liés à la consommation de substances psychoactives pour la vie (alcool, marijuana et cocaïne en particulier), taux qui sont quatre à cinq fois plus élevés que ceux de la population en général.

• Quelque 86 p. 100 des sans-abri présentaient, soit un diagnostic à vie de maladie mentale ou de consommation abusive de substances (ce qui est deux à trois fois plus que pour la population en général). Autrement dit, 14 p. 100 seulement des sans-abri ne présentaient aucun symptôme de maladie mentale ou de troubles liés à la consommation de substances psychoactives.

• Quelque 75 p. 100 des sans-abri dans chaque catégorie de diagnostic de maladie mentale présentaient aussi des troubles liés à la consommation abusive de substances.

• Le taux de prévalence sur une vie des maladies mentales graves (troubles psychotiques, y compris la schizo-phrénie) était de 5,7 p. 100 et celui des troubles de l’humeur de 38 p. 100.

• Quelque 22 p. 100 des sans-abri ont indiqué souffrir d’une maladie mentale (4 p. 100) ou de troubles liés à la consommation de substances psychoactives (18 p. 100), raisons pour lesquelles ils s’étaient retrouvés dans la rue.

• Dans l’année qui a précédé immédiatement leur basculement au statut de sans-abri, 6 p. 100 des personnes concernées avaient fréquenté un établissement psychiatrique, 20 p. 100 avaient été traités pour troubles liés à la consommation de substances

246 Laurence J. Kirmayer, Gregory M. Brass et Caroline L. Tait, « The Mental Health of Aboriginal Peoples: Transformations of Identity and Community », La Revue canadienne de psychiatrie, vol. 45, septembre 2000, p. 607-616.

(…) contrairement à ce que l’on est couramment porté à croire, seule une petite proportion de la population itinérante souffre de schizophrénie[…]

les troubles affectifs [de l’humeur] étant beaucoup plus fréquents.

[Bill Cameron, directeur général, Secrétariat national pour les sans-abri, mémoire au Comité, 29 avril 2004, p. 2.]

Aperçu des politiques et programmes 108

psychoactives, 25 p. 100 avaient reçu des services psychiatriques externes et 30 p. 100 avaient fréquenté les postes de police ou avaient été emprisonnés.247

Il demeure difficile d’établir un lien de cause à effet entre le statut de sans-abri et la maladie mentale ou la toxicomanie parce que les troubles mentaux peuvent conduire à l’itinérance, mais qu’ils peuvent aussi être provoqués par cette dernière à cause des répercussions traumatiques associées au fait de se retrouver dans la misère et de vivre dans la rue.

5.3.3 La population carcérale

Les recherches confirment que les personnes souffrant de troubles graves de santé mentale sont « trans-institutionnalisées » : les prisons canadiennes ont remplacé les ex-services ou hôpitaux psychiatriques.

[Association canadienne pour la santé mentale, mémoire au Comité, juin 2003, p. 21.]

La population carcérale est un autre groupe où les maladies mentales et les troubles liés à la consommation de substances psychoactives sont plus répandus que dans la population en général. Une étude réalisée par Boe et Vuong (2002) montre qu’entre 1997 et 2001 le pourcentage de primo-délinquants présentant un diagnostic de maladie mentale à leur admission dans un pénitencier fédéral est passé de 6 p. 100 à 8,5 p. 100, soit 40 p. 100 de plus. Durant la même période, le nombre

de primo-délinquants à qui l’on a prescrit des médicaments en vue de traiter des troubles mentaux à leur admission a augmenté de 80 p. 100, pour passer de 10 p. 100 à 18 p. 100.248

Les données recueillies par Moloughney (2004) suggèrent qu’au moment de leur admission, une forte proportion de détenus présentent plus fréquemment des troubles liés à la consommation de substances psychoactives que des problèmes d’abus d’alcool (voir le tableau 5.6). Son étude fait ressortir qu’on diagnostique des troubles mentaux chez 3 p. 100 des détenus en moyenne au

moment de leur arrivée, la proportion étant plus élevée chez les femmes (de 2,5 à 8,6 p. 100) que chez les hommes (de 1,4 à 3,3 p. 100). À l’occasion d’évaluations psychologiques, on a constaté qu’une moyenne de 7 p. 100 de tous les détenus exigeaient une attention immédiate.

247 Mental Health Policy Research Group, Mental Illness and Pathways into Homelessness: Proceedings and Recommendations, Toronto, 1998. Des constats semblables ont été dressés par Stephen W. Hwang,

« Homelessness and Health », dans Journal de l’Association médicale canadienne, vol. 164, no 2, p. 229-233, 23 janvier 2001.

248 Roger Boe et Ben Vuong, « Les tendances en matière de santé mentale parmi les détenus sous responsabilité fédérale », FORUM, recherche sur l’actualité correctionnelle, vol. 14, no 2, mai 2002.

Les données disponibles sur les délinquants souffrant de troubles mentaux font ressortir que, par rapport aux autres délinquants,

ils courent plus de risque d’être arrêtés à cause de leur comportement

ils sont plus susceptibles de tomber dans une alternance d’épisodes brefs et récurrents de rechute et de démêlées avec la justice

ils sont présents dans le système correctionnel fédéral et dans celui des provinces, aussi bien que dans les services de psychiatrie médico-légale des réseaux provinciaux de la santé.

[Service correctionnel du Canada, mémoire au Comité, avril 2004, p. 3.]

109 Aperçu des politiques et programmes Quelque 31 p. 100 des détenues et 15 p. 100 des détenus ont fait état de troubles émotionnels ou de problèmes de santé mentale au moment de leur incarcération et 14 p. 100 de l’ensemble de la population carcérale ont reçu un traitement psychiatrique ou psychologique avant leur incarcération. Des proportions élevées de détenus (21 p. 100 de femmes et 14 p. 100 d’hommes) ont tenté de se suicider dans les cinq années ayant précédé leur incarcération.

Nous ne disposons d’aucune donnée provenant d’études nationales récentes sur les taux de prévalence de certains troubles mentaux chez les détenus des institutions fédérales. Les dernières données disponibles remontent à 1988 dans le cas des hommes et à 1989 dans celui des femmes (voir le tableau 5.7). Ces dernières présentaient une prévalence légèrement plus élevée pour l’ensemble des troubles mentaux que les hommes, à l’exception des troubles de personnalité antisociale.

TABLEAU 5.6

PROPORTION DE DÉTENUS PRÉSENTANTS DES PROBLÈMES DE SANTÉ

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