• Aucun résultat trouvé

IMPACT DE LA STIGMATISATION ET DE LA DISCRIMINATION Comme nous l’avons déjà mentionné, la stigmatisation et la discrimination auxquelles font Comme nous l’avons déjà mentionné, la stigmatisation et la discrimination auxquelles font

TROIS NIVEAUX DE STRUCTURES PSYCHOLOGIQUES CONSTITUANT LA STIGMATISATION PUBLIQUE ET L’AUTOSTIGMATISATION

3.3 IMPACT DE LA STIGMATISATION ET DE LA DISCRIMINATION Comme nous l’avons déjà mentionné, la stigmatisation et la discrimination auxquelles font Comme nous l’avons déjà mentionné, la stigmatisation et la discrimination auxquelles font

face bon nombre de personnes atteintes d’un trouble mental grave peuvent être une source de détresse aussi importante que la maladie elle-même. Comme l’a expliqué Mme Stuart :

118 Deuxième session, 14:29.

119 Deuxième session, 14:124.

120 Deuxième session, 17:15.

53 Aperçu des politiques et programmes

Dans le contexte de la santé mentale, les consommateurs décriront la stigmatisation comme étant pire qu’avoir une maladie mentale. Elle est perçue comme une seconde dimension de la souffrance, quasiment un second niveau de maladie auquel il faut faire face et qui est plus débilitant et invalidant que la maladie mentale dont ils souffrent. Vous pouvez parfaitement imaginer certaines des conséquences de la stigmatisation. On vous refuse un statut social ainsi que des droits sociaux. Vous faites l’objet d’une discrimination active. Nous devons cibler la discrimination.121

L’insistance avec laquelle elle a souligné la nécessité de faire face à la discrimination qui est le résultat concret de la stigmatisation est un thème qui est revenu souvent durant les travaux du Comité. Ainsi, M. Patrick Storey, président du Conseil consultatif du ministre sur la santé mentale, de la Colombie-Britannique, estime que :

…nous devons reconnaître la discrimination contre les personnes atteintes d’une maladie mentale et leur famille comme étant tout aussi inacceptable que les autres formes de discrimination. Nous devons consacrer la même énergie à son éradication que nous en consacrons à l’élimination des autres formes de discrimination.122

Dans la même veine, M. John Service, directeur exécutif de la Société canadienne de psychologie, a parlé au Comité d’un discours qu’il avait entendu, prononcé par « un certain Kennedy, jeune membre du Congrès pour le Rhode Island »123 :

Il avait conceptualisé la discrimination à l’endroit des personnes souffrant de maladie mentale aux États-Unis en l’associant à la discrimination dont étaient victimes les Noirs et les femmes dans les années 50 et 60. Il avait dit que c’était la même systémique et qu’il était possible de corriger cela de la même façon. Pour éliminer cette discrimination systémique, il suffit selon lui de faire ce qui produit déjà des résultats probants en matière de discrimination, par exemple investir abondamment pour adapter le système et faire de l’action positive.124

La discrimination peut affecter de nombreuses manières différentes les personnes atteintes de trouble mental. Celles-ci sont régulièrement exclues de la vie sociale et peuvent même être privées de certains droits civils que tout le monde tient pour acquis. On les prive souvent de certains droits fondamentaux reliés notamment au logement, à l’emploi, au revenu, à l’assurance, à l’enseignement supérieur, à la justice pénale et aux fonctions parentales.125 Les personnes atteintes de maladie mentale peuvent aussi être confrontées au rejet et à la

121 Deuxième session, 15:10.

122 Deuxième session, 15:6.

123 M. Service parle ici de Patrick Kennedy, le cadet des trois enfants du sénateur Edward M. Kennedy, qui représente au Congrès le Premier district du Rhode Island depuis 1994.

124 Troisième session, 5:38.

125 Rapport de la C.-B., op. cit.

Aperçu des politiques et programmes 54

discrimination de la part des professionnels de la santé, aussi bien du secteur de la santé mentale que du secteur de la santé physique, ainsi que de la part des décideurs publics et des médias.

Les professeurs Bruce Link et Jo Phelan, de l’Université Columbia, ont proposé un classement utile de ces différentes formes de discrimination en deux grandes catégories : discrimination directe et discrimination structurelle.126 Dans son témoignage, Mme Stuart a proposé une distinction similaire entre discrimination ouverte et « actes d’omission » :

Le fait que vous pouvez négliger de faire quelque chose simplement parce que vous pensez que ce n’est pas important est plus insidieux est. Vous pouvez avoir une attitude négative ou mettre quelque chose en veilleuse.

J’aime penser qu’il y a autant, voire plus de tort causé par ces actes omis, à chaque niveau de la politique ou à chaque palier de gouvernement.

Nous pouvons cibler la discrimination déclarée et il y a assurément d’énormes problèmes là, mais j’aimerais voir cela aller encore plus loin.

J’aimerais que l’on se penche également sur les actes d’omission. Si nous pouvions arriver au stigmate et aux attitudes qui sous-tendent ces deux choses, nous serions peut-être dans une meilleure position. Je reconnais que cela est difficile à faire. Parfois, il est plus facile de se pencher sur les actions.127

3.3.1 La discrimination directe

La discrimination directe désigne la manière habituelle de conceptualiser le lien entre les stéréotypes et la discrimination. Il s’agit d’un comportement discriminatoire direct de la part de la personne dont les opinions sont stéréotypées. Elle se manifeste de la manière la plus évidente lorsqu’une personne occupant un poste de pouvoir interdit l’accès à une opportunité128, par exemple quand un propriétaire refuse de louer un appartement à quelqu’un qui a été en hôpital psychiatrique, ou lorsqu’un employeur refuse d’accorder une entrevue d’emploi à quelqu’un qui n’a pas travaillé récemment à cause d’une maladie mentale.

Des études ont montré que cette forme de discrimination se manifeste assez régulièrement dans la vie des personnes stigmatisées. Par exemple, lors d’une enquête canadienne menée auprès de personnes atteintes de maladie mentale, la moitié d’entre elle ont affirmé que c’est sur le plan du logement qu’elles souffrent le plus de discrimination. D’autres études ont montré que le fait qu’une personne ait été patiente dans un établissement de soins psychiatriques réduit sensiblement ses chances de parvenir à louer un appartement.129

Les personnes souffrant de maladie mentale font encore souvent l’objet de discrimination dans le monde du travail, autant de la part des employeurs que des collègues. Des enquêtes ont révélé que les employeurs et les travailleurs pensent toujours qu’il est parfaitement

126 Link et Phelan, op. cit.

127 Deuxième session, 15:27.

128 Corrigan et Lundin, op. cit.

129 Rapport de la C.-B., op. cit.

55 Aperçu des politiques et programmes légitime de se méfier des personnes souffrant de maladie mentale et de les traiter de manière discriminatoire. En conséquence, les personnes souffrant de maladie mentale grave, comme la schizophrénie et les troubles correspondants, sont celles qui connaissent les taux de chômage et de sous-emploi les plus élevés, autour de 90 p. 100, parmi toutes les personnes handicapées.130

Un certain nombre d’enquêtes ont uniformément montré qu’une proportion allant du tiers à la moitié des personnes atteintes de maladie mentale disent s’être vu refuser un emploi pour lequel elles étaient qualifiées après avoir révélé leur maladie, ou avoir été congédiées ou avoir été obligées de démissionner à cause de leur maladie mentale. Chose étonnante, les chiffres ne sont pas de beaucoup inférieurs en ce qui concerne l’emploi des personnes atteintes de maladie mentale travaillant pour des établissements de santé mentale ou exerçant bénévolement des fonctions à l’intérieur ou à l’extérieur du secteur de la maladie mentale.131 Les familles des personnes atteintes de maladie mentale ne doivent pas seulement faire face à des facteurs de stress d’ordre financier, pratique et émotif mais aussi à une sorte de

« discrimination par association ». Elles sont confrontées à des relations tendues avec les autres membres de la famille ou avec les amis, et à des phénomènes de peur, de violence, d’anxiété, de conflit, de faible estime de soi et de culpabilité. La discrimination contre les membres de la famille émane souvent d’idées fausses quant au rôle de la famille dans les causes de la maladie mentale.132

3.3.1.1 Discrimination dans le système de soins de santé

De nombreux témoins ont souligné l’importance de s’attaquer à la discrimination dont font l’objet les personnes atteintes de trouble mental dans le système de soins de santé lui-même.

Bon nombre d’études, canadiennes et internationales, ont montré que les professionnels de la santé mentale et les professionnels de la santé en général peuvent être à l’origine d’attitudes et de comportements discriminatoires envers leurs propres clients. Les personnes atteintes de maladie mentale soulignent fréquemment que l’on ne tient pas compte de leur opinion, qu’on ne leur témoigne aucun respect, et que les travailleurs de la santé mentale ont tendance à se concentrer uniquement sur les questions cliniques reliées aux soins, à l’exclusion des questions sociales. Des études ont montré qu’une des plaintes les plus fréquentes des personnes atteintes de maladie mentale est le manque de respect de la part des médecins et des employés des salles d’urgence.133

Ce phénomène est assez troublant, comme l’a dit Mme Stuart :

Pourquoi les travailleurs de la santé font-ils tant de stigmatisation? Ils figurent parmi les personnes les plus informées sur la maladie mentale dans notre société. On les identifie invariablement comme les gens qui sont les pires contrevenants.134

130 Voir le chapitre 6.

131 Rapport de la C.-B., op. cit..

132 Ibid.

133 Ibid.

134 Deuxième session, 15:24.

Aperçu des politiques et programmes 56

D’autres témoins ont confirmé que ce problème est très répandu. Ainsi, a dit M. Storey devant le Comité :

Au cours des discussions que nous avons eues avec des personnes souffrant de maladie mentale, ce qui était remarquable c’est qu’elles avaient toutes à raconter des histoires de mauvais traitement dans les salles d’urgence, ainsi que dans les hôpitaux en général. Même lorsqu’elles émettaient des plaintes de nature physique, elles étaient traitées comme des malades mentales.135

Le Dr Jim Millar, directeur exécutif de la Santé mentale et des services fournis par les médecins au ministère de la Santé de la Nouvelle-Écosse, a également indiqué au Comité que les salles d’urgence des hôpitaux sont des lieux où se manifeste la discrimination :

On n’a qu’à se rendre dans une salle d’urgence pour constater la stigmatisation exercée par les fournisseurs de soins de santé. Les clients en santé mentale sont ceux qui attendent le plus longtemps, dont on viole la vie privée et dont les inquiétudes ne sont pas traitées de manière appropriée.136

Cette discrimination apparemment généralisée au sein du système de santé a de nombreuses conséquences négatives pour les personnes ayant besoin d’aide. Ainsi, Mme Pat Capponi a fait ressortir le manque de confiance qui en découle :

Nous avons appris que nous ne pouvons dépendre de ceux qui travaillent dans ce système pour nous aider. Nous ne pouvons pas nous attendre à ce qu’ils nous perçoivent comme des personnes à part entière, derrière nos diagnostics obscurs.137

3.3.2 Discrimination structurelle

La discrimination dont souffrent les personnes atteintes de maladie mentale et leurs familles ne se limite pas aux actes de discrimination ouverte d’une personne contre une autre. Elle peut aussi prendre la forme de ce que Link et Phelan appellent la discrimination structurelle.

Pour comprendre leur analyse, supposons que des budgets moins élevés soient consacrés à la recherche sur la schizophrénie qu’aux autres maladies, parce que c’est une maladie stigmatisée, et que l’on accorde moins d’argent à la prestation et à la gestion des soins. Cela veut dire que les personnes atteintes de schizophrénie seront moins susceptibles de bénéficier de découvertes scientifiques que si elles avaient été atteintes d’une maladie ne faisant pas l’objet de stigmatisation. Dans la mesure où c’est la stigmatisation de la schizophrénie qui aurait engendré une telle situation, une personne souffrant de ce trouble

135 Deuxième session, 15:6.

136 Troisième session, 7:18.

137 Troisième session, 7:51.

57 Aperçu des politiques et programmes ferait l’objet de discrimination structurelle, qu’elle soit ou non confrontée à un traitement discriminatoire de la part de quiconque.

Ce genre de discrimination structurelle fondée sur la stigmatisation peut se manifester de nombreuses manières. La stigmatisation peut influencer l’accès au traitement en créant des conditions de traitement tellement indésirables que l’on sera beaucoup moins porté à chercher un traitement que dans d’autres contextes. Par exemple, il existe à l’égard des personnes atteintes de trouble psychotique une crainte complètement disproportionnée par rapport au risque réel qu’elles posent. Dans la mesure où cette crainte accroît le recours à des gardes, au confinement ou à des fouilles, par exemple, la stigmatisation engendre un milieu de traitement extrêmement négatif qui pourrait facilement amener les personnes concernées à tout faire pour l’éviter.

La discrimination structurelle peut également se manifester dans les niveaux généraux de financement qui sont consacrés à la recherche et au traitement des maladies mentales (voir le chapitre 10). De plus, dans l’univers de la maladie mentale, de manière générale, les professionnels ont souvent le sentiment d’être traités comme des citoyens de seconde classe par leurs homologues, et les services, programmes et recherches reliés à la maladie mentale ont tendance à être traités de manière moins prioritaire que ceux qui concernent la santé physique.

3.4 RÉDUIRE L’IMPACT DE LA STIGMATISATION ET DE LA

Documents relatifs