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Traduction de l’expression « Backup story »

a. Références intertextuelles

2. Traduction de l’expression « Backup story »

Le deuxième exemple de méta-vocabulaire auquel nous allons nous intéresser dans ce mémoire apparait lui aussi à deux reprises dans le premier volume des aventures de Gwenpool, à la deuxième et la troisième case de la page 60 (une copie de cette page est jointe en annexe, voir Annexe 3 : « The Unbelievable gwenpool #1, page 60 »). Il s’agit de l’expression « back-up story », qui est ici réduite au seul terme de « backup » pour imiter une certaine oralité du discours. La première de ces deux occurrences est située dans le même phylactère que la première apparition du terme « issue », dont nous venons d’analyser la traduction. Après avoir affirmé qu’il ne s’agissait que du premier chapitre de ses aventures, Gwenpool doute soudainement de cette affirmation et se demande s’il ne s’agit pas en réalité d’une autre « back-up story », comme c’était le cas pour le chapitre précédent (Gwenpool Holiday Special #1).

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Dans son article « A brief glossary of comic book terminology », Griffin définit ainsi le terme « back-up story » : « When the main story runs short or if space otherwise needed to be filled, a back-up story is inserted. A back-up is a filler, typically a shorter story, often done by beginning artists and writers. Often they illustrate some aspect of the character of the main story. » (Griffin 1998 :5). Il s’agit donc encore une fois d’une référence à la production et à la publication des comics d’origine américaine, une plaisanterie qui est adressée directement au lecteur puisqu’elle n’est pas compréhensible pour les autres personnages de l’histoire. Dans la case suivante, cette caractéristique d’aparté est accentuée puisque le personnage de Gwenpool, sorti de la boutique, exprime de nouveau ses pensées à haute voix avec la phrase « Better not be a backup for those turd x-kids who wouldn’t pay me. » (phylactère 1 de la troisième case, page 60). En plus de faire référence une fois de plus à la production de la bande dessinée avec la répétition du terme

« backup », cette deuxième bulle mentionne également, avec l’appellation « X-kids » le groupe de super-héros mutants appelés les X-Men, qui est en grande majorité composé d’enfants dotés de super-pouvoirs.

Figure 25 : The Unbelievable Gwenpool #1, page 60, détail de la case 3 (version originale et traduite en français)

Ces deux occurrences ont été traduites de la même manière dans la version française, par l’expression « histoire bonus ». Bien qu’il ne s’agisse pas d’une expression spécifique à l’industrie de la bande dessinée, il nous semble que sa signification est assez

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évidente pour que le lecteur francophone puisse comprendre immédiatement à quoi la protagoniste fait référence. D’une part, l’emploi du nom « histoire » permet d’indiquer qu’il s’agit d’une histoire complète et non d’un épisode faisant partie d’une série, et d’autre part, l’adjectif « bonus » signale qu’il s’agit d’un épisode ajouté en plus de l’histoire principale, et qu’il n’aura donc probablement pas de conséquences importantes sur l’arc narratif en cours. L’association de ces deux termes permet donc bien de faire comprendre au lecteur francophone le sens de l’expression « back-up story » qui était dans la version originale. Comme pour la traduction du terme « issue » que nous venons d’observer, il ne s’agit pas d’une expression exactement équivalente, puisque « histoire bonus » n’est pas associé directement à la production de bandes dessinées ; cependant, sa signification nous semble assez proche de l’expression originale pour être considérée comme une traduction adéquate dans ce contexte précis.

En conclusion, la présence de ce vocabulaire propre à la production des comics aux Etats-Unis pose de réelles difficultés pour le traducteur francophone, puisqu’il renvoie à une manière de publier la bande dessinée qui n’a pas cours en Europe. Ces circonstances de publication différentes font que ces termes n’ont pas toujours d’équivalent établi dans la langue française, et il arrive même que dans certains cas le terme anglais ait été adopté en français et se soit imposé dans le langage courant. Par exemple, c’est le cas du mot

« crossover », qui est aujourd’hui très utilisé dans l’industrie de la bande dessinée mais aussi dans le cadre de séries télévisées et de productions cinématographiques. Un autre exemple plus spécifique aux comics de héros est le terme « villain » ou « super-villain », qui a été popularisé par les traductions de comics au point d’être de plus en plus utilisé dans la langue française pour décrire le anti-héros traditionnel de ce type de publication, et ce malgré sa ressemblance avec l’adjectif français « vilain », qui a un tout autre sens. Dans le cadre de ce mémoire, nous avons jugé plus intéressant de nous pencher sur deux termes (« issue » et « back-up story ») qui ne sont pas assez connus dans l’aire culturelle francophone pour être conservés tels quels dans la traduction : pour que l’œuvre reste accessible à tout lecteur, le traducteur était ici obligé de trouver un équivalent en français pour chacune de ces expressions. Interrogé à ce sujet, M. Benjamin Rivière nous a précisé que pour traduire ces termes spécifiques à l’industrie de la bande dessinée il était nécessaire de procéder au cas-par-cas, en veillant avant tout à ce que le

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résultat obtenu puisse « parler aux lecteurs » (voir Annexe 1 « Interview du traducteur Benjamin Rivière »).