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Deuxième stratégie : traduction d’une inscription

b. Gestion des éléments linguistiques présents au sein du dessin

2. Deuxième stratégie : traduction d’une inscription

Ce troisième cas d’éléments textuels insérés au sein du dessin, que nous allons à présent analyser, apparaît à deux reprises dans le premier chapitre de l’histoire (The Unbelievable Gwenpool #0), aux pages 2 et 11 de l’œuvre originale. Il s’agit d’une inscription, « Howard A. Duck / Private Eye », que l’on peut voir sur la porte d’entrée du bureau de Howard, lieu dans lequel se déroule la première scène de l’histoire et une partie importante des évènements du chapitre 1.

Au premier abord, cette inscription ne semble être qu’une plaisanterie anecdotique : la personne chargée d’inscrire le nom d’Howard sur la plaque, n’ayant pas compris que « Howard the Duck » est la désignation habituelle utilisée pour identifier ce personnage, a inscrit sur la porte « Howard A. Duck » comme un nom propre, insérant un

« A. » majuscule comme s’il s’agissait de la première lettre d’un deuxième prénom.

Cependant, cette inscription n’est pas une simple blague mais permet en réalité de véhiculer plusieurs informations importantes pour le lecteur : c’est avant tout une

Figure 6 : The Unbelievable Gwenpool

#0, détail de la case 3, page 2 (version originale)

Figure 5 : The Unbelievable Gwenpool #0, détail de la page 11 (version originale)

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indication qui permet de rappeler l’identité et l’occupation actuelle du personnage de Howard le canard. En effet, comme nous l’avons expliqué dans la présentation des personnages (voir partie II. A. e. « Personnages secondaires importants »), Howard le canard est un personnage récurrent de l’univers Marvel, dont la création remonte aux années 1970, et qui a eu de multiples métiers et occupations au cours de son historique de publication. Il s’agit donc ici de clarifier la situation pour les lecteurs qui n’ont pas eu la possibilité de lire la série consacrée à Howard, car c’est dans le premier tome de cette série10 que Howard devient détective privé et s’installe dans ce bureau.

Ce lieu du bureau d’Howard n’a donc pas été inventé pour The Unbelievable Gwenpool, mais est apparu d’abord dans la série Howard le canard de Chip Zdarsky et Joe Quinones, qui a été publiée à partir de 2015. C’est dans le premier tome de cette série que Howard réagit à cette faute de frappe sur la porte, et cette inscription revient plusieurs fois dans l’œuvre, le bureau d’Howard étant un lieu récurrent. Une version traduite en français du premier tome de cette série a été publiée en 2016 par Panini comics, dans laquelle l’inscription « Howard A. Duck / Private Eye » a été traduite par « Howard Lecanard / Détective Privé » (traduction par Mathieu Auverdin du studio MAKMA).

10 Howard the Duck #1-5, de Chip Zdarsky et Joe Quinones (2015), traduction française par Mathieu Auverdin (studio MAKMA) publié par Panini Comics, 2016.

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En ce qui concerne les deux occurrences de cette inscription présentes dans The Unbelievable Gwenpool, nous pouvons constater que, si le terme « Private Eye » a été traduit dans les deux cas, il n’en va pas de même pour le nom qui est inscrit au-dessus : celui-ci a été laissé tel quel (« Howard A. Duck ») pour la première occurrence, et a été traduit par « Howard Lecanard » pour la deuxième. Dans l’interview du traducteur qui est jointe à ce mémoire en annexe (voir Annexe 1), Benjamin Rivière nous a expliqué qu’il avait consulté son collègue Mathieu Auverdin pour une autre question de traduction touchant au personnage de Howard, on peut donc supposer que la similarité de cette deuxième traduction (« Howard Lecanard ») avec celle de M. Auverdin n’est pas anodine et a été choisie par souci de cohérence entre les deux séries. Étant donné ces circonstances particulières, nous pouvons supposer que la non-traduction du nom d’Howard dans la première occurrence de la page 2 est due à un oubli et non à un choix conscient du traducteur, car nous ne comprenons pas ce qui aurait pu motiver deux traductions différentes de cette inscription au sein du même chapitre. En effet, cette première traduction de l’inscription ne permet pas au lecteur de comprendre la plaisanterie qui porte sur le nom d’Howard, alors que pour la seconde traduction la fusion des deux mots

« le » et « canard » rend la blague évidente pour un lectorat francophone. Il est donc d’autant plus dommage que la traduction la plus adéquate n’apparaisse que pour la

Figure 8 : The Unbelievable Gwenpool #0, détail de la case 3, page 2 (traduction de Benjamin Rivière)

Figure 7 : The Unbelievable Gwenpool #0, détail de la page 11 (traduction de Benjamin Rivière)

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deuxième occurrence, alors que l’inscription est plus petite et située dans une partie du dessin qui fait office de décor, sur laquelle le lecteur ne va pas s’attarder. Quoi qu’il en soit, il faut cependant noter que la mention « Private eye » est traduite par « Détective privé » pour les deux occurrences : ainsi, si le lecteur ne comprend pas forcément le jeu de mot portant sur le nom d’Howard, l’information la plus importante véhiculée par cette inscription (l’occupation de celui-ci) est bien transmise dans la version française, et ce dès la deuxième page.

De ces trois extraits que nous venons d’analyser, nous pouvons conclure que le procédé de repetitio semble avoir été privilégié par Benjamin Rivière pour la traduction des inscriptions présentes au sein du dessin. La traduction des éléments textuels présents sur la porte du bureau d’Howard semble être une exception, motivée par un souci de cohérence avec l’historique de publication des aventures d’Howard le canard ; il est cependant dommage que cette traduction ne soit pas utilisée de manière systématique au sein de l’œuvre, mais il s’agit peut-être là d’une erreur ou d’un oubli de la part du traducteur ou du/de la graphiste. De notre analyse il ressort que si une conservation de l’inscription en anglais est parfois une solution adéquate (comme c’était le cas pour le premier passage analysé), dans d’autre cas c’est un choix de traduction qui entraîne une perte d’information pour le lecteur du texte-cible. Le traducteur, lorsqu’il a la possibilité d’intervenir sur des parties du dessin pour en traduire les éléments textuels, comme cela semble être le cas dans cette série, doit avant tout évaluer la nécessité de traduire ou non l’un de ces éléments en fonction de son importance pour la compréhension de l’intrigue ou de la psychologie des personnages.