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La tradition religieuse de la société féodale japonaise (1185-1868)

Dans le document Le syndrome perroquet. (Page 197-200)

SPIRITUELLE DES ARTS MARTIAUX JAPONAIS EN OCCIDENT

B. Introduction d’éléments culturels à Okinawa et au Japon (Cf.: Kenji Tokitsu, Histoire du karaté-do, p 19)

4.2 PANORAMA HISTORIQUE ET SOCIOPOLITIQUE DE LA TRADITION RELIGIEUSE JAPONAISE

4.2.2 La tradition religieuse de la société féodale japonaise (1185-1868)

4.2.2.1 Le développement religieux sous la dictature des shoguns

Durant la période féodale qui s’amorçait de plein fouet, le développement global de la tradition religieuse s’effectuera sous l’emprise et le caractère particulier de chacun des grands chefs de clans guerriers qui tiendront, à tour de rôle, les rênes du pouvoir. À notre avis, on ne peut comprendre le développement religieux de cette période sans saisir les objectifs politiques qui animaient ces chefs de guerres. De tous ces grands personnages, nous nous intéressons particulièrement à ceux qui ont eu comme objectifs de pacifier et d’unifier le pays. En effet, selon Sansom:

«Les plus éclairés des daimyô comprirent que c’était une folie que défaire la guerre dans le seul but d’agrandir leurs territoires. Mais l’esprit de rivalité était toujours vivant, [...] le besoin de suzerains unificateurs se faisait sentir de façon urgente pour maintenir l’ordre parmi eux.

L’édification d’un pouvoir central ne devait pas tarder à s’amorcer, et la mise en branle de ce processus, phase sans doute la plus délicate, fut accomplie par un petit chef de clan nommé Oda Nobunaga.352 »

L’oeuvre de Nobunaga se poursuivra avec Hideyoshi (1536-1598), puis le tout se réalisera avec l’accession au pouvoir du clan des Tokugawa qui dominèrent la scène politique du pays durant la période Edo (1590-1868).

Pour atteindre leurs objectifs de pacification et d’unification, ces dictateurs militaires durent déployer toutes les stratégies nécessaires pour parvenir à contrôler les grands seigneurs guerriers, la très grande résistance des puissances religieuses japonaises considérées comme subversives et l’influence grandissante que provoqua !’introduction du christianisme. Ainsi, par exemple, Nobunaga décida qu’il fallait éliminer les moines qui s’opposaient à son projet. Sansom rapporte le caractère extrémiste de la stratégie militaire de ce dictateur militaire:

«Au début d'octobre 1571, il envahit le Hieizan. Surpris, lés moines soldats furent soumis sans difficulté. Tous les grands bâtiments jurent incendiés. Le Komponchûdo, les pagodes, les divers sanctuaires et temples et leur précieux contenu, tout partit en fumée. Les soldats de Nobunaga tuèrent sans discriminations; moines, laïcs, femmes et enfants furent capturés et décapités.353 »

Plus tard, comme le relate Frédéric, «il réussit en 1574 à abattre la puissance des

ligues Ikkô Ikki, brûlant près de vingt mille religieux, après avoir massacré ceux du mont Hiei.354 »

Les actions de Nobunaga envers les sectes subversives avaient remis de l’ordre dans le bouddhisme. En effet, la «plupart des moines avaient abandonné leurs habits militaires

pour se consacrer à l’étude et aux oeuvres pieuses.355 » Aussi, lorsque Hideyoshi,

successeur de Nobunaga, prit le pouvoir, il garda une pression psychologique sur les moines en adoptant une stratégie différente de son prédécesseur. Sa méthode était simple

353 Id.,p. 650.

354 FRÉDÉRIC, Louis, Le Japon, op.cit., p. 851. 355 SANSOM, George, op. cit., p. 704.

et efficace: la menace de la force, la confiscation des armes et la saisie des biens des monastères obligèrent les moines à se soumettre. Par la suite, Hideyoshi regagna leur estime en leur rendant leurs biens356.

Durant son règne, Hideyoshi tenait à être impartial à l’égard des divers mouvements religieux, mais comme Nobunaga, il détestait et ne pouvait tolérer l’insolence de certains corps ecclésiastiques qui se détournaient de leur devoir religieux pour s’immiscer dans la politique, et le recours à la force. Ainsi, vers 1584, il attaqua le temple Negoro-ji, important centre de fabrication d’armes357, qu’il détruisit totalement358. Pour Hideyoshi, il fallait faire un exemple, car les moines « ont manqué à leurs études

religieuses. C’est une trahison et un mal que de fabriquer et d’accumuler comme ils l’ont fait des armes insensées, des mousquets et le reste...359 ». Par la suite, Hideyoshi s’attaqua

à ce qui restait de la turbulente secte Ikkô dans la province de Kii360. En 1597, ayant peur d’une conquête militaire par l’Occident et étant persuadé qu’elle aurait été préparée par les missionnaires chrétiens, en signe d’avertissement, il n’hésita pas à ordonner l’exécution de 26 prêtres à Nagasaki361.

356 Ibid.

357 ELISSEEFF, Danielle. Hideyoshi, bâtisseur du Japon moderne, Paris : Librairie Arthème Fayard, 1986, p. 134 et p. 261.

358 SANSOM, George, op. cit., p. 704. 359 ELISSEEFF, Danielle, op. cit., p. 134.

360 FRÉDÉRIC, Louis. Le Japon [...], op. cit., p. 1150. Id., p. 1151 et p. 707.

Après la mort de Hideyoshi, en 1598, les shoguns Tokugawa continuèrent la répression des courants religieux bouddhiques qui pouvaient représenter un danger pour la paix sociale et la stabilité du régime shogunal. Ils étendirent à tout le pays les mesures qui visaient à proscrire le christianisme. La répression antichrétienne prit des tournures dramatiques. L’insurrection de Shimabara en est un parfait exemple. Sous la conduite de Amasuka Shirô, de nombreux chrétiens et paysans se révoltèrent, car ils espéraient obtenir des autorités de rapporter les mesures antichrétiennes et de diminuer les impôts qui les frappaient. Après quelques conquêtes, ils furent acculés dans le château de Hara par les troupes shogunales fortes de 200 000 hommes. Et le 14 avril 1638, après une résistance désespérée, ils durent se rendre. Trente-sept mille d’entre eux (y compris des femmes et des enfants) furent passés au fil du sabre362.

Il est important de noter que, sous le régime des Tokugawa, ce n’est pas seulement le christianisme qui fut soupçonné et sujet à répression mais certaines sectes bouddhiques, dont une branche de la secte de Nichiren363. Ainsi pour Hérail,

«Le christianisme et ce courant intégriste de la secte de Nichiren ont pour trait commun de mettre la foi religieuse au-dessus de l’autorité politique. C’est justement ce principe que les dirigeants du nouveau régime ne peuvent admettre et c’est pourquoi, dans le décret de proscription du christianisme de 1613, le courant juju-juse est également mis en cause.364 »

362 Id., p. 994-995.

363 HERAIL, Francine et al., Histoire du Japon, Ecully : Éditions Horvath (Histoire des Nations), 1990, p. 337.

Ibid.

Dans le document Le syndrome perroquet. (Page 197-200)