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Contexte historique

Dans le document Le syndrome perroquet. (Page 158-164)

SPIRITUELLE DES ARTS MARTIAUX JAPONAIS EN OCCIDENT

B. Introduction d’éléments culturels à Okinawa et au Japon (Cf.: Kenji Tokitsu, Histoire du karaté-do, p 19)

3.2.2 Les disciplines martiales (budo) du Japon du début de l’ère Meiji (1868) jusqu’à aujourd’hu

3.2.2.1 Contexte historique

En 1639, le Japon s’était fermé aux relations avec les étrangers255. En 1854, la forte escadre du commodore Perry força le shogunat à signer un traité d’amitié avec les États- Unis, une initiative qui ouvrit le même privilège à d’autres pays du monde.

Cette ouverture sur le monde provoqua de profondes mutations dans tout le Japon. On prit vite conscience «qu’à l’écart depuis deux siècles de l’évolution occidentale, le pays

est devenu extrêmement vulnérable!256 ·״. C’est ainsi que les événements s’enchaînèrent vers

1867: le quinzième shogun de la dynastie des Tokugawa, Yoshinobu, démissionna; alors au pouvoir, l’empereur Mutsuhito comprit « que le salut du Japon est dans l’adoption des

modèles qui ont conduit l’Occident au succès. Les priorités du nouveau pouvoir concernent la transformation des structures féodales du Japon257 258. » Pour opérer cette transformation,

le modèle ne fut donc plus la Chine, mais l’Occident. Les mesures furent draconiennes; l’abolition de la classe des samouraïs et du port du sabre, la promulgation d’une nouvelle constitution de style occidental, la conscription obligatoire et universelle n’en sont que quelques exemples. L’empereur Mutsuhito donna le nom de « Meiji », «gouvernement

éclairé258 » à cette nouvelle période qui débutait pour son pays.

255 FRÉDÉRIC, Louis. Le Japon [...], 10c. cit.

256 RANDOM, Michel. Les arts martiaux ou l’esprit des budo, s. 1., Fernand Nathan, 1977, p. 56. 257 BRAUNSTEIN, Florence, op.cit., p. 157.

Durant la période Meiji, la civilisation occidentale eut une profonde influence sur l’esprit de la nation nipponne. Au même moment où la science et !,industrialisation se développaient à une vitesse remarquable, on assistait à un rejet presque catégorique des traditions qui avaient marqué la société japonaise pendant plusieurs siècles. Braunstein, en parlant du ju-jutsu, résume très bien l’état de perdition des arts martiaux japonais de cette époque:

<*■ 1868 fut une année terrible pour les arts martiaux, car le Japon, en

s’ouvrant à toutes les influences étrangères, rejetait ses propres traditions. Les arts du budo perdirent tout prestige dans leur propre pays, supplantés par la vague de modernisme et beaucoup d’écoles de ju-jutsu disparurent. Les derniers maîtres survécurent difficilement, totalement abandonnés.259 »

Cependant, le marasme qui accablait les arts martiaux fut de courte durée. Jigoro Kano, un jeune japonais dont l’esprit fut littéralement envahi par la révolution Meiji, fut également le premier à prendre conscience du potentiel que pouvait représenter les anciennes traditions martiales260. Initié aux arts martiaux, de famille noble, intellectuel de formation, Kano occupa au sein du gouvernement Meiji différentes hautes responsabilités: chef de mission en 1889-1891 pour le compte de la maison impériale lors d’un voyage en Europe, conseiller (1891) puis secrétaire du ministre de l’Éducation en 1893, premier Japonais membre du Comité international olympique, etc. Ce qui nous intéresse davantage toutefois, c’est qu’il occupait la présidence du Butokukai, le centre d’étude des arts martiaux (1899).

259 BRAUNSTEIN, Florence, op. cit., p. 174.

Id., p. 178.

Kano était donc un homme engagé à fond dans la modernisation du Japon261. Après avoir observé et étudié certains éléments des cultures européenne et américaine, il fit une profonde réflexion sur les conceptions occidentales du sport et de la guerre. Selon Braustein, il s’agissait d’une démarche importante pour l’époque: «Au début du XXe siècle,

la jeunesse japonaise, éduquée dans un système de valeurs quasi féodales, ignore tout de ce qu’est le sport, notion qui est “importée d’Amérique en même temps que le sens de la compétition individuelle”262 ». Le processus d’acculturation fit son oeuvre d’une manière

libre et volontaire. Le génie de Kano fut de récupérer des formes anciennes d’arts martiaux à mains nues et d’y intégrer des valeurs issues de sa propre culture et des cultures étrangères. Ce métissage culturel donna naissance à un nouvel art martial qu’il nomma le « judo »:

« Son rôle ne se borna pas seulement à réaliser une synthèse cohérente des vieilles techniques oubliées de ju-jutsu: il posa définitivement l’idée que les possibilités de l’art martial dépassaient largement le plan physique et que ce qu’il appelait alors “judo”, -le suffixe, “la Voie” remplaçait définitivement celui de jutsu, “la technique”, pouvait être un fantastique moyen de développement moral pour l’individu d’abord, pour la société tout entière ensuite. C’est cet idéal humaniste qui sauvera le vieil art martial de l’oubli.263 »

Ce qu’il faut retenir de l’histoire, c’est que l’initiative de Kano fit boule de neige et que son idée moderne des arts martiaux fut adoptée, par la suite, par bon nombre d’experts qui suivirent son exemple et créèrent de nouvelles synthèses. Comme Kano, ils

261 Id., p. 174-179. 262 Id., p. 174.

Ibid.

étaient fermement convaincus de la valeur culturelle des arts martiaux japonais264. Ils com- prirent aussi que pour en assurer la diffusion dans la société Meiji, il leur faudrait en éliminer les aspects dangereux et mettre au point un régime d’entraînement compatible avec le système japonais d’éducation, d’inspiration occidentale. En tenant compte de cette nouvelle vision, plusieurs arts martiaux se transformèrent et prirent le nom générique de budo. Il faut noter, cependant, que la nouvelle orientation proposée par Kano ne fut pas adoptée par l’ensemble des maîtres japonais. En effet, plusieurs traditions martiales demeurèrent fidèles au passé et ne subirent pas de changement:

<־«־ Désormais, comme le souligne si bien Random, les samouraïs se

partagèrent en deux camps: ceux qui voulaient rester fidèles à l’enseignement traditionnel de leur école, ou ryu, se réfugièrent pour la plupart dans les campagnes [...]. Les autres s’intégrèrent à la vie du Japon moderne [...]. Quelques-uns choisirent d’adapter des connaissances guerrières restées jusqu’alors secrètes pour un vaste public.265 »

C’est, à notre avis, l’un des aspects les plus originaux de la culture japonaise: cette apparente contradiction entre une expérimentation enthousiaste de nouvelles idées et un conservatisme qui se manifeste par une aversion à abandonner les anciennes formes culturelles une fois qu’elles ont été établies. Il en résulte fréquemment que les nouvelles idées s’installent à côté des anciennes, formant un mélange riche de continuité et de changement266.

264 Id., p. 193.

265 RANDOM, Michel. Japon, la stratégie [...], op. cit., p. 187.

266 Je reprends ici à mon compte un commentaire qui concernait l’évolution de l’art japonais dans l’ouvrage de L. SMITH, V. HARRIS et T. CLARK, Art japonais, chefs-d’oeuvres du British Museum, France : Oméga International, 1994, p. 178.

L’empereur Mutsuhito décéda en 1912 dans un Japon en pleine euphorie civilisatrice. Par la suite, une parenthèse historique fera sombrer dans l’oubli, pour un certain temps, cette conception moderne qu’avait donnée Kano aux arts martiaux japonais. En effet, un monde en mutation où chaque pays veut une place dans l’échiquier du pouvoir international n’épargna pas la prétention du Japon. L’impérialisme japonais précédant la première Guerre mondiale (1914-1918), la montée du militarisme et du nationalisme qui conduisirent le Japon dans le deuxième conflit mondial (1939-1945) allaient mettre en valeur dans tous les arts martiaux au Japon cet esprit guerrier, le bushido, qui avait profon- dément marqué l’âme du peuple japonais pendant plus de 700 ans267. Sous l’influence d’un bushido donnant à l’esprit et à l’âme un sens particulier au patriotisme, au courage et à l’abnégation, les soldats japonais marquèrent, durant toute la durée de ces deux grandes guerres, par leurs hauts faits d’armes, l’image du guerrier, mais également l’histoire des arts martiaux japonais.

Le 14 août 1945, l’empereur Hirohito annonça à la radio la capitulation du Japon et, le 2 septembre, les autorités japonaises signèrent l’acte de reddition devant le général Mac Arthur. Après la reddition, selon Frédéric, «Vempereur et le général vont alors colla-

borer pour réorganiser le Japon268 Toutefois, !’administration du Japon fut sous le com-

mandement suprême du général MacArthur qui exerça son pouvoir par !’intermédiaire des autorités japonaises régulières. Cette nouvelle administration fit une épuration massive en écartant des fonctions publiques tous ceux qui avaient participé au militarisme des années

267 PLÉE, Henry et Fujita SADCÔ. L’art sublime et ultime des points vitaux, Noisy-sur-École : Les Éditions de l’Éveil, Budo Éditions, 1998, p. 15-95.

1937-45. En 1947, elle proposa une nouvelle constitution d’inspiration américaine. La tutelle du Japon pris finie 8 septembre 1950. C’est à cette date que le pays du soleil levant redevint une nation autonome269.

En ce qui concerne les arts martiaux, la reprise ne fut pas immédiate. Habersetzer souligne que le général MacArthur interdit tous les arts martiaux, car ils avaient un lien avec le militarisme et le nationalisme japonais270. Mais après que le Japon fut organisé, pacifié et entièrement gouverné par les Japonais, les arts martiaux retrouvèrent lentement une place dans la société japonaise. Différentes tendances se sont développées. Aujour- d’hui, les Japonais ont le choix. Certains voudront participer à la transmission de l’héritage culturel en adhérant aux nombreux arts martiaux dont l’origine remonte à l’époque féodale.

«Aujourd’hui, il existe encore plus de mille écoles de bujutsu dont les élèves pratiquent avec beaucoup d’énergie et de motivation des techniques qui leur ont été transmises au cours des siècles.271 » D’autres rechercheront les avantages des synthèses adaptées pour

les corps spéciaux de la police, de l’armée ou pour l’autoprotection des personnes. Enfin, d’autres adhéreront au renouveau apporté par les maîtres de Meiji et de l’après-guerre.

Nous pouvons donc affirmer que les anciennes traditions martiales sont aujourd’hui pratiquées parallèlement à d’innombrables formes nouvelles parmi lesquelles l’aïkido, l’iaido, le judo, le kendo et le kyudo. Plusieurs de ces formes se sont répandues dans le monde, mais la plus illustre est actuellement le judo, devenu sport olympique en 1964.

270 HABERSETZER, Roland. Le nouveau guide [...], op.cit., p. 22. 271 REID, Howard et Michel CROUCHER, op. cit., p. 223.

3.2.2.2 Disciplines martiales (budo) les plus marquantes de l’époque

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