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Habersetzer: !,exemple type d’une vision traditionnelle des arts martiaux japonais en Occident

Dans le document Le syndrome perroquet. (Page 121-126)

SPIRITUELLE DES ARTS MARTIAUX JAPONAIS EN OCCIDENT

2.3 L’OBJECTIF DE LA RECHERCHE: ÉTUDE SUR LE RAPPORT ENTRE LES ARTS MARTIAUX ET LA TRADITION RELIGIEUSE JAPONAISE

2.3.5 Habersetzer: !,exemple type d’une vision traditionnelle des arts martiaux japonais en Occident

En explorant les publications disponibles181, nous allons tenter de démontrer que l’auteur peut raisonnablement faire figure d’exemple type pour cette recherche. En effet, dans le cheminement des arts martiaux japonais, on retrouve toujours, jusqu’à un certain niveau de maîtrise, une relation de maître à élève et un discours général qui, par la force des convictions qu’il présente, permet de classer un auteur dans la catégorie des traditionalistes. Nous présentons quelques exemples de ces deux composantes.

2.3.5.1 La relation maître-élève

Dans une progression échelonnée sur plus de quarante ans, Habersetzer rencontra

180 Id., p. 7-8. Les variations orthographiques et l’emploi non conventionnel des majuscules dans cette liste sont le fait de l’auteur/l’éditeur concerné.

181 II est impossible d’obtenir toutes les publications de Habersetzer. Dans une correspondance avec l’auteur à cet effet, celui-ci soulignait: «J’aipublié, depuis 1968, me soixantaine d’ouvrages sur les arts martiaux et une partie seulement d’entre eux restent encore disponibles. ·״ (Lettre datée du 1er février 1999.) Cependant, plusieurs ouvrages contiennent beaucoup d’informations redondantes. De plus, nous avons consulté et répertorié dans la bibliographie un nombre suffisant d’ouvrages pour permettre, à notre avis, de très bien situer l’auteur et de pouvoir dégager la thèse qu’il soutient. Heureusement pour nous, Habersetzer publiait, en l’an 2000, sa version encyclopédique des arts martiaux de l’Extrême-Orient, une véritable synthèse de sa pensée et de son érudition. Ainsi, le fait de ne pas posséder l’ensemble de son oeuvre ne pose, à priori, aucun problème.

plusieurs maîtres et experts de karaté182. Cependant, parmi ceux-ci, quatre maîtres ont entretenu des liens particuliers avec Habersetzer. Le premier est sans doute le maître Henri Plée, ce « père du karaté français » avec lequel Habersetzer débuta le karaté. Par la suite, on retrouve le maître Hiroo Mochizuki. En 1968, dans l’un de ses premiers ouvrages, Habersetzer rend à ce premier Japonais venu en France pour y enseigner le karaté, un hommage particulier:

« Nous ne saurions présenter ce petit livre sans évoquer ce que fut pour

nous l’aide de notre Maître, Hiroo Mochizuki. Le Maître Mochizuki, n’a jamais ménagé ni sa peine ni sa patience pour nous enseigner les techniques de karaté de l’école wado-ryu. Aucune de nos nombreuses questions n ’est restée sans réponse. [...]

Il fut non seulement notre professeur dans la technique jusque là mal connue, mais il fut surtout un guide avisé sur le chemin de la découverte d’un véritable art.183 »

Enfin, dans son dernier ouvrage, Habersetzer nous présente ses derniers maîtres:

« Ainsi, ce qui constitua la trame de mes pistes de recherche furent les nombreux entretiens que j’ai pu avoir depuis un quart de siècle maintenant avec deux hommes exceptionnels, qui m’ont par ailleurs laissé libre accès à leurs archives: Ougura Tsuneyoshi Sensei, du Gembukai de Kofu (Japon), qui fut mon dernier maître en Karatédo, et Ohtsüka Tadahïko Sensei, du Gojukensha de Tokyo (Japon), qui est une autre de mes références techniques et historiques, ainsi qu ’un ami précieux. Qu ’ils soient tous deux, une fois encore, sincèrement remerciés au seuil de cet ouvrage qui leur doit beaucoup.184

182 HABERSETZER, Roland et Gabrielle, op.cit., p. 15.

183 HABERSETZER, Roland. Le karaté, technique wado-ryu, (lre éd.) Paris : Flammarion, 1968, 1974, p. 6.

2.3.5.2 Définition de la notion de tradition

Voilà pour les principaux maîtres. Maintenant, regardons quelques éléments généraux de son discours traditionnel, en commençant par le sens qu’Habersetzer lui-même donne à cette expression:

« Un véritable pratiquant d’art martial japonais (budo) n’a pas seulement acquis un savoir technique qui l’a rendu efficace dans un domaine particulier. Il se distingue aussi, et d’abord, par un comportement. Celui-ci plonge ses racines dans l’ancien code d’honneur des samouraïs (chevaliers) du Japon féodal, le Bushido. Un adepte de Karaté-do, s’il veut donner un sens à ce qu ’il apprend et à ce qu ’il fait, pratique et vit selon certaines règles posées par les maîtres d’autrefois, considérées comme la base de la compréhension même de l’art martial. Ces règles constituent le corps d’une tradition qui reste l’âme du Karaté-do, le tien entre le Karatéka actuel et celui d’antan, le fil de la compréhension de l’essence de la technique. Si la tradition meurt, il n’y a plus de Voie (do) dans le Karaté.

Le karatéka respecte donc le passé, le souvenir des maîtres, les directions de leur enseignement, leur exemple.185 »

2.3.5.3 La finalité des arts martiaux traditionnels

La notion de do représente, pour Habersetzer, l’alpha et l’oméga. Il l’utilise régulièrement pour décrire la finalité des arts martiaux japonais. Dans son livre sur l’iaido, il en précise le sens:

<׳<־ Le suffixe “do ” (la Voie, la quête), identique au terme chinois “tao ”,

rappelle dans une pratique guerrière réaliste une préoccupation spirituelle, comme cela est le cas de tous les arts martiaux japonais “arts du budo ”, visant à une finalité dépassant le simple but utilitaire de la technique186. »

185 HABERSETZER, Roland. Découvrir... le karaté, op. cit, p. 20.

186 HABERSETZER, Roland, LOBO, J. et S. SANTORO. Découvrir... le iai-do, Paris : Éditions Amphora (Budo Scope 9), 1991, p. 10.

Dans un autre ouvrage, la définition débouchera vers une conception ascétique:

«Do [...] exprime le cheminement spirituel suivi par l’adepte d’une discipline (Gaiko*J religieuse, artistique ou martiale, cette discipline n’étant qu’un moyen extérieur de progresser vers l’union du corps et de l’esprit pour la découverte de l’harmonie (Ai*, Wa*) du «soi »avec les forces de la nature et avec tous les êtres. Ce qui amène à une sorte d’éveil intérieur (Satori*) et une renaissance pour celui qui a ainsi découvert sa « vraie nature » et dont le comportement, dans les moindres actes de la vie quotidienne, sera différent, naturel, entier, efficace, parfaitement assumé. Vs7

Dans l’ouvrage qu’il consacre, cette fois-ci, au judo, Habersetzer présente d’abord cet art martial tel qu’il est pratiqué à l’heure actuelle par des « millions de judoka dans le

mondem. » Il écrit à ce sujet:

«À côté d’un nombre impressionnant d’arts martiaux japonais “budo”, désormais répertoriés et connus hors frontières nipponnes, la “voie de la souplesse” occupe une place à part. Aujourd’hui, le Judo est avant tout un sport, pratiqué par les deux sexes et à tout âge, aux manifestations répercutées par les médias, championnats nationaux et internationaux, championnats du monde, Jeux Olympiques187 188 189. »

Par contre, un peu plus loin, il lui suffira de quelques lignes pour réaffirmer le sens fondamental qu’a donné au judo la tradition japonaise:

« Ils [les budo] sont une vivante tradition, l’héritage de maîtres anciens,

fondateurs de ces méthodes, dans lequel pointe, pour peu que l’on en gratte un peu la surface, un message philosophique qui peut aider à mieux vivre aujourd’hui. C’est ce que doit rappeler le suffixe do (la Voie) de Judo [...].

187 HABERSETZER, Roland et Gabrielle, op.cit., p. 123.

188 HABERSETZER, Roland. Découvrir... le Judo, Paris : Éditions Amphora (Budo Scope 2), 1988, p.10.

Ibid.

Tel est le véritable esprit du Judo, voie éducative amenant à la compréhen- sion profonde des êtres et des choses, donc à la paix intérieure et à la sagesse. Tel est le premier message de son fondateur, Jigoro Kano, qu’il est bon de rappeler [...]190. »

Habersetzer fera à plusieurs reprises le même genre de critique sévère lorsque le karaté sombrera dans le sport. Mais, sans en nier les vertus cette fois-ci, il intégrera la dimension sportive à la notion de do, en la considérant comme une étape menant à cette finalité des arts martiaux japonais:

« Un art martial correctement enseigné et bien appris doit déboucher sur la maîtrise et la connaissance de soi. Ceci prend du temps, beaucoup de temps. Avant ce stade ultime, on peut être tenté par le seul côté “self- défense ” du karaté, ou n ’y voir qu ’une aventure physique, ou se plaire au niveau du seul “sport de combat”. Car le karaté-do est aussi tout cela. Mais, à travers toutes ces facettes, il n’y a qu’un seul chemin vers le stade ultime191 192. »

Nous croyons que ces quelques exemples permettent de constater la valeur d’Habersetzer comme exemple type d’une vision traditionnelle des arts martiaux. Sa posi- tion ne change pas, et tout particulièrement en ce qui concerne le karatédo. Comme il l’écrit lui même en 1994: « J’ai traversé les 35 dernières années de l’histoire du Karatédo

sans que ma pratique ne soit jamais, ni sur le fond ni sur la forme, ébranlée par une modem », principe qu’il réaffirmera, en d’autres termes, dans son ouvrage encyclopédique

190 Ibid.

191 HABERSETZER, Roland. Karaté-do, tome 3: Techniques supérieures et stratégie du combat pour ceintures noires, Paris : Éditions Amphora (Encyclopédie des arts martiaux), 1987, p. 11.

192 HABERSETZER, Roland. Karaté-do Kata, tome 3: Koshiki no Kata, les formes anciennes, Paris : Éditions Amphora (Encyclopédie des Arts Martiaux), p. 10.

le plus récent et qui constitue somme toute, à notre avis, la synthèse de ses recherches, de ses connaissances, mais par-dessus tout, de ses convictions les plus profondes193.

2.3.6 Exploration du discours d’Habersetzer sur la dimension spirituelle des arts

Dans le document Le syndrome perroquet. (Page 121-126)