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La notion de jutsu

Dans le document Le syndrome perroquet. (Page 83-87)

DIMENSION SPIRITUELLE DES ARTS MARTIAUX JAPONAIS EN OCCIDENT

1.3.1 Une brève définition du concept d’art martial japonais

1.3.1.2 La notion de jutsu

La notion de jutsu signifie littéralement « technique »115. De l’analyse qu’en fit Draeger, nous avons retenu les éléments qui suivent.

Tout d’abord, il existe au Japon d’anciennes écoles martiales (bu-gei) issues de la période médiévale et qui continuent, encore aujourd’hui, de perpétuer la tradition en y incorporant une démarche spirituelle. On trouve également d’autres écoles (ryu), de

111 DURIX, Claude, op. cit., p. 14.

112 LOMBARDO, Patrick, « bugei » in Dictionnaire encyclopédique [...], op. cit., p. 46. 113 DRAEGER, Donn F. et SMITH, Robert W., op, cit., p. 81-85.

114 C’est le cas, par exemple, pour Draeger: ״ There are two major types of modem disciplines: bujutsu and budo ». Cf.: DRAEGER, Donn F. The Martial Arts [...], vol. ΙΠ, op. cit., p. 58.

Jutsu = technique

V

J

Figure 3

tendance jutsu, qui tentent de répondre à ce besoin naturel de tout citoyen pour son auto- protection. Mais en dehors de ces courants, il existe plusieurs écoles de bu-jutsu qui s’adressent principalement aux personnes dont la fonction est de maintenir la paix et l’ordre social. C’est ainsi que hit créé, par exemple, le taiho-jutsu pour la police japonaise116. Notons que toutes ces écoles intègrent de grandes valeurs morales117. En effet, il ne s’agit plus de tuer un ennemi, comme ce fut le cas dans l’éthique propre aux arts martiaux classiques (bu-gei). Au contraire, dans le Japon moderne, les techniques médiévales sont au service d’individus qui ont comme objectif de restreindre, de contrôler ou d’arrêter la violence d’un agresseur et non de lui prendre la vie.

En somme, la notion de jutsu peut se définir comme une vision très pragmatique de l’art martial dont le but est avant tout une recherche d’efficacité en combat. Cette recherche d’efficacité s’appuie sur une éthique humaniste qui rejoint les exigences modernes de la vie civile en général118 119.

1.3.1.3 La notion de do

La notion de do signifie littéralement « voie, chemin ». La calligraphie chinoise ancienne est composée de trois éléments: « Une

route, une tête d’homme et un pied.119 » Figure 4

116 DRAEGER, Donn F. The Martial Arts [...], vol. III, op. cit., p. 58-72. 117 Ibid.

118 Ibid.

119 CAUHEPPE, J. D. et A. KUANG. Les arts martiaux intériorisés ou l’aïkido de la sagesse, Paris : Éditions de la Maisnie, 1984, p. 21.

Plusieurs auteurs ont tenté d’expliciter le sens de cette notion; nous en avons retenus quelques-uns. Tout d’abord, regardons le sens que donnent J. D. Cauheppe et A. Kuang à la calligraphie chinoise:

«Le dessin des cheveux de la tête indique qu’il s’agit d’un maître et le pied représente le disciple. Ce caractère prend une signification très humaine. Concrètement, la route est la distance parcourue et construite par l’homme pour rejoindre d’autres hommes. Symboliquement, elle est aussi le chemin qui relie la terre au ciel. Intériorisée, elle devient l’homme lui même.120 ■״

De son coté, Jean Herbert, en citant Tasuku Harada, présente une perspective de la notion de do des plus profondes:

« Par michi, la Voie, on entend un concept mystérieux, informulé et néanmoins influent, qui s’accompagne d’un sens de terreur religieuse et de solennité. Le terme michi est probablement le plus expressif de tout le vocabulaire japonais en matière d’éthique et de religion. À l’origine, et comme dans la langue courante, il signifie sentier ou route. En religion et en éthique, il signifie voie, enseignement, doctrine ou, comme on le traduit parfois, principe. (L‘équivalent chinois en est tao) [...] En sa présence, on respire une atmosphère ennoblissante. Un homme de michi est un homme de caractère, un juste qui a des principes et des convictions et obéit à la nature de son humanité. Accuser quelqu’un de s’être écarté du michi est une insulte, car cela implique une perversité envers ce qui est le plus essentiel en l’homme. Michi est une composante reçue du Ciel, c’est l’idéal céleste qui doit être réalisé dans l’humanité. Michi est aussi le mode de vie qui nous est donné comme idéal et que l’on accepte de suivre. On dit que le confucianisme est le michi des savants et des sages, le bouddhisme, le michi du Bouddha, le shinto, le michi des Kami. La moralité est michi, l’harmonisation de la vie avec l’idéal, et l’on considère même que la raison constitue l’essence de michi. Mais quel que soit le sens dans lequel on l’emploie, michi exprime une conviction très profonde et sincère qui relie le sujet de façon solennellement impressionnante (awe-inspiring) à la hauteur et la profondeur du grand Tout. Il implique que l’essence de la vie humaine est reliée à une vie surhumaine.121 »

120 Ibid.

Bien qu’il rejoigne, dans son essence, le discours des autres auteurs, on ne peut mettre de côté l’analyse de Draeger sur la notion de do, car certains éléments méritent d’être présentés. Pour ce spécialiste, les arts martiaux modernes qui entrent dans la caté- gorie des budo consistent en une variété de systèmes ou d’écoles (ryu) utilisés par les Japonais pour différentes raisons: entraînement spirituel et culte religieux, forme d’éduca- tion physique, méthodes individuelles d’autodéfense, activité récréative et sport. Malgré ces différentes utilisations, les arts martiaux modernes se définissent d’abord et avant tout comme des « voies » de développement intégral de la personne. À ce sujet, Draeger souligne que les budo sont influencés par différents concepts issus de la culture tradition- nelle japonaise et plus précisément du shintoïsme, du taoïsme, du confucianisme et du bouddhisme. Ce sont ces rapports culturels qui donnent toute cette saveur à la notion de

do'=

En terminant, il est intéressant de regarder !’explication que donne Durix, qui procède par mode de comparaison en utilisant d’autres sources religieuses pour tenter de faire comprendre le sens profond de la notion de do:

«L’idéogramme Dô qui peut se lire aussi michi signifie le chemin, la route. [...] Mais Dô, c’est pour nous la Voie, le chemin spirituel et, dans ce sens, il entre dans d’innombrables compositions: Ju-dô, la Voie de la souplesse;

122 L’intégration du sport dans cette catégorie a vivement attiré notre attention. En effet, dans nos lectures, la vision sportive des arts martiaux japonais semble, en Occident, représenter l’antithèse de la notion de do. À titre d’exemple, voir Stéphane DESENCLOS, « Le sport spectacle va-t-il changer la pratique des arts martiaux? » in Karaté Bushido, n° 276, Paris : Société européenne de magazines, février 2000, p. 16- 21. Draeger mentionne que tous les budo ont pour but d’améliorer et d’intégrer les énergies mentales et physiques de l’homme pour que celui-ci puisse vivre en harmonie dans une société qui recherche, par un haut degré de tolérance, d’abord et avant tout, la paix internationale. Ce serait là, à notre avis, l’une des justifications qui donnerait aux disciplines sportives chez les Japonais la prétention d’appartenir à la tendance

Ken-dô, la Voie du sabre; Aïki-dô, la Voie de l’Union des esprit; Butsu-dô, la Voie du bouddhisme; Cha-dô, la Voie du Thé; Ka-dô, la Voie des Fleurs; Bushi-dô, la Voie du Guerrier; Zen-dô, la Voie du Zen et bien d’autres encore.

Pour traduire en chinois l’Évangile de Saint-Jean: «au commencement était le Verbe »on a trouvé que «Dô »rendait bien mieux le sens du logos grec que le verbum latin. Et c’est aussi avec ce même caractère qu’on écrivait depuis vingt-cinq siècles le Tao du taoïsme.

Ce qui est bien, c’est que ces « Dô », ces « Tao », ces «logos », ces « michi », convergent tous vers le même point de rencontre, quelle que soit la manière dont on les écrit, quelle que soit la manière dont on les

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prononce. »

En somme, la notion de do peut se définir de différentes manières. Pour la présente étude, nous retiendrons essentiellement celle qui vise le développement intégral de la personne et dont la finalité rejoint une dimension spirituelle. Cette dimension spirituelle doit être interprétée dans ce type de rapport qui unit l’art martial avec la tradition religieuse japonaise.

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