Choisissabilité circulaire
Théorème 35. Tout graphe planaire est circulairement 8-choisissable.
Prouvons le résultat plus fort suivant.
Proposition 37. SoitG une quasi-triangulation, c’est-à-dire un graphe simple planaire consti- tué d’un cycle C et de sommets et arêtes à l’intérieur de C tels que chaque face bornée soit un triangle. Fixons deux entiersp ≥ q, et L une (p, q)-assignation telle que ∀v ∈ V, L(v) ⊆ {0, . . . , p − 1} avec |L(v)| ≥ 4q si v ∈ C et |L(v)| ≥ 8q sinon. Alors, toute (p, q)-L-pré- coloration de deux sommets adjacents deC s’étend en une (p, q)-L-coloration de G.
Démonstration. La preuve est par récurrence sur le nombren de sommets. Le résultat est vrai
siG est un triangle puisqu’il y a au moins 4q− 2 × (2q − 1) = 2 choix pour colorer le dernier
sommet. Supposons à présent le résultat vrai pour toute quasi-triangulation comportant au plus
n− 1 ≥ 3 sommets, et soit G une quasi-triangulation à n sommets. Notons u1u2. . . ukle cycle
extérieur deG, et u1etu2les deux sommets pré-colorés.
Premier cas : G possède une corde uiuj, i < j. L’hypothèse de récurrence permet d’étendre
la coloration à la quasi-triangulation G1 dont le cycle extérieur estu1u2. . . uiujuj+1. . . uku1
(voir figure 5.2). Ensuite, l’hypothèse d’induction permet d’étendre cette coloration à la quasi- triangulationG2 dont le cycle extérieur estuiui+1. . . ujui, les deux sommets pré-colorés étant
ui etuj.
Second cas : G ne possède pas de corde. Soient v1, . . . , vd les voisins de uk n’appartenant
✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✁ ✂✄✂✄✂✄✂✄✂✄✂ ✂✄✂✄✂✄✂✄✂✄✂ ✂✄✂✄✂✄✂✄✂✄✂ ✂✄✂✄✂✄✂✄✂✄✂ ✂✄✂✄✂✄✂✄✂✄✂ ✂✄✂✄✂✄✂✄✂✄✂ ✂✄✂✄✂✄✂✄✂✄✂ ☎✄☎✄☎✄☎✄☎ ☎✄☎✄☎✄☎✄☎ ☎✄☎✄☎✄☎✄☎ ☎✄☎✄☎✄☎✄☎ ☎✄☎✄☎✄☎✄☎ ☎✄☎✄☎✄☎✄☎ ☎✄☎✄☎✄☎✄☎ u1 u2 u3 ui−1 uj G1 G2 ui ui+1
FIG. 5.2. La coloration s’étend en appliquant l’hypothèse de récurrence àG1puis àG2.
pas à C. Quitte à renommer les sommets, supposons que uk−1v1v2. . . vdu1 soit un chemin
(car toute face bornée de G est un triangle). Notons x et y deux couleurs de L(uk)\ [c(u1)]q
telles que [x]q ∩ [y]q = ∅. Ces couleurs existent car |L(uk)| ≥ 4q = (2q − 1) + (2q + 1).
Considérons le graphe G′ obtenu à partir de G en supprimant le sommet u
k. Ce graphe est
une quasi-triangulation dont le cycle extérieur estu1u2. . . uk−1v1v2. . . vdu1. Posons, pour tout
sommetv de G′,L′(v) := L(v) si v /∈ {v
5.3. Graphes planaires et graphes de densité bornée 123
Il est alors possible d’appliquer l’hypothèse de récurrence à G′ et L′ (puisque ∀i, |L′(v i)| ≥
8q− (4q − 2) = 4q + 2 ≥ 4q). Il ne reste plus qu’à compléter la coloration de G en colorant le
sommetukavecx si c(uk−1) /∈ [x]qet avecy sinon. ¤
Proposition 38. Pour toutn≥ 2, il existe un graphe planaire Gntel quecch(Gn)≥ 6 −n1.
Démonstration. Posons t := 6− n1 avec n ≥ 2 fixé. Soient q = 3n et p un entier bien plus
grand quetq = 18n− 3. Tous les calculs et intervalles sont entendus modulo p. Considérons
le graphe planaireHm de la figure 5.3, avecm := 2q− 1. Le graphe Gn s’obtient à partir de
x0 x1 x2 · · · xm v u FIG. 5.3. Le grapheHm. (tq)2 copies deH
m en identifiant les sommetsu de chaque copie, et les sommets v de chaque
copie. Commençons par définirL(u) := [r, r + tq − 1] et L(v) := [s, s + tq − 1] avec r et s
tels que[r− q + 1, r + tq + q − 1] ∩ [s − q + 1, s + tq + q − 1] = ∅. Ensuite, pour chaque (a, b) ∈ L(u) × L(v), des listes sont attribuées aux sommets d’une copie Ha,b deHm de telle
manière que, si u est coloré a et v est coloré b, le sous-graphe Ha,b ne puisse être (p, q)-L-
coloré. Fixons donc une copie Ha,b de Hm. Nous considérons les listes suivantes : pour tout
i∈ {0, 1, . . . , m}, L(xi) := [a]q∪ [b]q∪ Ii∪ Ji avec
Ji := [ci, ci+ 2q− 2 − i]
Ii := [ci−1+ q− i, ci−1+ q− 1] = [ci−1]q∩ [ci−1+ 2q− 1 − i]q
(notons queI0 = Jm = ∅) et les constantes ci, pouri ∈ {0, 1, . . . , m}, choisies de telle sorte
que tous les intervalles soient à distance au moins2q (modulo p) les uns des autres (sauf Ji et
Ii+1, pouri∈ {0, 1, . . . , m−1}). Ainsi chaque liste vérifie |L(xi)| = 2(2q−1)+i+(2q−1−i) =
6q− 3 = 18n − 3 = tq.
Essayons à présent de(p, q)-L-colorer Gn. Sans perte de généralité, nous pouvons suppo-
ser que u est coloré a et v est coloré b. Considérons alors le sous-graphe Ha,b. Clairement,
l’ensemble de couleurs extensibles de x0 est un sous-ensemble de l’intervalle J0. Selon le
lemme 26(ii), l’ensemble de couleurs extensibles de x1 est un sous-ensemble de l’intervalle
J1. Par récurrence, en appliquant le lemme 26(ii), il vient que l’ensemble de couleurs exten-
sibles de xi est un sous-ensemble de l’intervalle Ji, pour tout i ∈ {1, 2, . . . , m}. Toutefois,
5.3.2. Bornes inférieures pour les graphes planaires de maille donnée
Il est naturel de se demander si le paramètret(P) peut être réduit pour la classe des graphes
planaires de grande maille (rappelons que la maille d’un grapheG est la taille d’un plus petit
cycle de G). Nous étudions le nombre de choix circulaire des graphes planaires de maille au
moinsk. Pour tout k≥ 3, posons
t(k) := inf{t ∈ R : ∀G planaire de maille au moins k, cch(G) ≤ t, }.
Commet(P) = t(3), 6 ≤ t(3) ≤ 8. Dans cette section et la prochaine, les bornes suivantes
sont établies. – t(k)≥ 2 + 4 k−2 pour toutk ≥ 3 ; – t(4)≤ 6 ; t(5) ≤ 4 + 45;t(6)≤ 4 ; t(8) ≤ 3 + 13;t(9)≤ 3 ; et – t(4ℓ + 2)≤ 2 + 2 ℓ pour toutℓ ≥ 1.
Commençons par exhiber quelques exemples permettant de borner inférieurementt(k).
Proposition 39. Pour toutk ≥ 3 et tout n ≥ 2, il existe un graphe planaire Gk,n de maillek
tel quecch(Gk,n)≥ 2 + k−24 − n1.
Démonstration. Supposons k ≥ 4 en vertu de la proposition 38. Posons t := 2 + 4
k−2 − 1 n,
n ≥ 2. Soient q = (k − 2)n et p un entier bien plus grand que tq = 2kn − (k − 2). Tous les
calculs et intervalles sont entendus modulop.
L’étude est séparée en deux cas selon la parité dek. Si k = 2ℓ + 1, le graphe planaire H′ m
est obtenu à partir du grapheHmde la figure 5.3 en subdivisant chacune des arêtes uxi etvxi
exactement(ℓ− 1) fois et m = 2 ; voir figure 5.4. Notons u1
i, . . . , uℓ−1i les sommets internes du
chemin de longueurℓ entre u et xi, etvi1, . . . , vil−1ceux du chemin entrev et xi. Sik = 2ℓ + 2,
l’arête xixi+1 est en outre subdivisée (une unique fois). Les calculs pour les deux cas étant
similaires, nous supposerons désormais quek = 2ℓ + 1.
x0 x1 x2 · · · xm v u · · · · ·· v1 m v2m vℓ−2 m vℓ−1m uℓ−1 m uℓ−2 m u2m u1m u 1 m u2 m uℓ−2 m uℓ−1 m vℓ−1 m vℓ−2m v2m v1m · · · ·· · ··· ·· · · · · ··· FIG. 5.4. Le grapheH′ mlorsquek = 2ℓ + 1.
5.3. Graphes planaires et graphes de densité bornée 125
De la même façon que pour la proposition 38, le grapheGk,nest construit à partir de(tq)2
copies deH′
m en identifiant le sommetu de chacune des copies, et en identifiant le sommet v
de chacune des copies. Le graphe obtenu est planaire de maille exactementk. Définissons les
listesL(u) := [r, r + tq− 1] et L(v) := [s, s + tq − 1] avec r et s choisis de sorte que les listes L(u) et L(v) soient à distance au moins 2q dans Zp. Pour chaque couple(a, b)∈ L(u) × L(v),
nous attribuons des listes aux sommets de la copieHa,bdeHm′ de telle sorte que, siu est coloré
a et v est coloré b, le sous-graphe Ha,bne puisse être(p, q)-L-coloré. Fixons une copie Ha,bde
H′ m.
Pour touti∈ {0, 1, . . . , m} et j ∈ {1, 2, . . . , ℓ−1}, L(uji) := Iu
i,j∪Ji,ju etL(v j
i) := Ii,jv ∪Ji,jv
où
Ji,j[u,v]:= [c[u,v]i,j , c[u,v]i,j + j(tq− 2q)] et
Ii,j[u,v]:= [c[u,v]i,j−1+ (j− 1)(tq − 2q) − q + 1, c[u,v]i,j−1+ q− 1] = [c[u,v]i,j−1]q∩ [c[u,v]i,j−1+ (j− 1)(tq − 2q)]q
aveccu
i,0 := a, cvi,0 := b et les constantes c [u,v]
i,j , pouri ∈ {0, 1, . . . , m} et j ∈ {0, 1, . . . , ℓ − 1}
choisies suffisamment éloignées dans Zp. Chaque liste vérifie |L(uji)| = |L(v j
i)| = (j(tq −
2q) + 1) + (2q− 1 − (j − 1)(tq − 2q)) = tq. Il reste à attribuer des listes aux sommets xi. Pour
touti∈ {0, 1, . . . , m}, L(xi) := Ii,lu ∪ Ii,lv ∪ Ii∪ Ji avecIi,lu etIi,lu définis ci-dessus et
Ji := [ci, ci+ tq− 2(2q − (ℓ − 1)(tq − 2q) − 1) − 1 − i(2(ℓ − 1)(tq − 2q) + 2)]
= [ci, ci+ (2ℓ− 1)(tq − 2q) − 2q + 1 − i(2(ℓ − 1)(tq − 2q) + 2)] et
Ii := [ci−1+ (2ℓ− 1)(tq − 2q) − 3q + 2 − (i − 1)(2(ℓ − 1)(tq − 2q) + 2), ci−1+ q− 1]
= [ci−1]q∩ [ci−1+ (2ℓ− 1)(tq − 2q) − 2q + 1 − i(2(ℓ − 1)(tq − 2q) + 2) + 1]q
et les constantesci, pouri∈ {0, 1, . . . , m}, choisies suffisamment éloignées les unes des autres
(et aussi desc[u,v]i,j ). La taille de ces listes est|L(xi)| = 2((ℓ − 1)(tq − 2q) + 1) + ((2ℓ − 1)(tq −
2q)− 2q + 2 − i(2(ℓ − 1)(tq − 2q) + 2)) + (q − (2ℓ − 1)(tq − 2q) + 3q − 2 + i(2(ℓ − 1)(tq − 2q) + 2)− (2(ℓ − 1)(tq − 2q) + 2)) = tq.
Essayons à présent de (p, q)-L-colorer ce graphe. De façon générique, supposons que u
soit pré-coloré avec la couleur a, et v avec la couleur b. Considérons le sous-graphe Ha,b.
Par récurrence, en appliquant le lemme 26(ii), il vient que l’ensemble de couleurs exten- sibles de [u, v]ji est un sous-ensemble de l’intervalle Ji,j[u,v] pour touti ∈ {0, 1, . . . , m} et tout j ∈ {1, 2, . . . , ℓ − 1}. Ainsi, l’ensemble de couleurs extensibles de xi est inclus dans Ii∪ Ji.
À nouveau, plusieurs applications successives du lemme 26(ii) montrent que l’ensemble de couleurs extensibles dexi est un sous-ensemble de l’intervalleJi pour touti ∈ {1, 2, . . . , m}.
Néanmoins,Jm =∅ et donc le graphe n’est pas (p, q)-L-colorable. ¤
5.3.3. Bornes supérieures pour les graphes de densité bornée
Ici nous étudions le lien entre le nombre de choix circulaire d’un graphe et sa densité. Rap- pelons que le degré moyen maximumMad(G) du graphe G est le maximum, sur tous les sous-
graphes deG, du degré moyen. Le résultat suivant est une conséquence directe du lemme 28.
Proposition 40. Pour tout entier naturel non nulk, le nombre de choix circulaire de tout graphe de degré moyen maximum strictement inférieur àk est au plus 2k.
Démonstration. Cela découle du fait que siMad(G) < k + 1, alors δ∗(G)≤ k. ¤
Cette proposition est la première indication d’un lien entre la choisissabilité circulaire et le degré moyen maximum. Notre but dans la suite est d’étudier cette relation. Nous établissons les deux théorèmes suivants.
Théorème 36. Soientk un entier naturel non nul et s ∈ {1, 2}. Le nombre de choix circulaire de tout graphe de degré moyen maximum strictement inférieur à k + 1 + k+1+sk+1 est au plus 2k + 4
s+2.
Théorème 37. Soitn un entier naturel non nul. Le nombre de choix circulaire de tout graphe