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Lemme de l’arc-en-ciel

Dans le document Colorations de graphes et applications (Page 156-160)

Arête-coloration des graphes cubiques par des éléments de groupes abéliens

Conjecture 13. Tout graphe cubique sans pont admet une 5-flot-coloration entière.

6.2. Lemme de l’arc-en-ciel

Pour tout T ⊆ V , un T -joint de G est un sous-graphe Gde G tel que les sommets de

degré impair dansG′ soient exactement les sommets deT . Un graphe G contient un T -joint si,

et seulement si, chaque composante connexe deG contient un nombre pair de sommets de T .

Un sous-graphe de parité deG est un T -joint de G avec T l’ensemble des sommets de degré

impair deG. En d’autre termes, un sous-graphe de parité de G est un sous-graphe couvrant G′

deG tel que la parité du degré de tout sommet soit la même dans G et dans G′.

À tout groupe abélien fini G est associée une configuration C(A) dont les points sont les

éléments non nuls deA, et dont les droites sont formées par les triplets (α, β, γ)∈ A3 tels que

α + β + γ = 0 dans A. Un graphe cubique admet une A-arête-coloration si, et seulement si, il

admet uneC(A)-arête-coloration.

Un homomorphismeϕ d’une configurationC1vers une configurationC2est une application

associant à chaque point de C1 un point de C2 tel que dès que (α, β, γ) est une droite de C1

(ϕ(α), ϕ(β), ϕ(γ)) est une droite deC2. SiC1est homomorphique àC2, c’est-à-dire qu’il existe

un homomorphisme deC1versC2, alors tout graphe cubique admettant uneC1-arête-coloration

admet uneC2-arête-coloration.

6.2. Lemme de l’arc-en-ciel

Le lemme de l’arc-en-ciel, que nous allons établir dans cette section, relie l’existence d’une

F6-arête-coloration à celle de certains1-facteurs et sous-graphes de parité pour les graphe cu-

biques.

Commençons par citer un lemme auxiliaire à propos de l’existence de1-facteurs évitant les

coupes composées de trois arêtes, c’est-à-dire ne contenant pas trois arêtes dont la suppression déconnecte le graphe.

Définition 29. Un arête-séparateur d’un graphe G est un ensemble d’arêtes de G dont la

suppression déconnecteG.

Le lemme suivant peut être vu comme une conséquence de la description du polytope des couplages parfaits des graphes cubiques (voir [KKN05]). Il est également possible de prouver ce résultat par récurrence sur l’ordre du graphe.

Lemme 35. Soit G un graphe cubique sans pont et soit e une arête de G. G contient un 1-

facteurM tel que

(i) e∈ M ; et

(ii) M ne contient pas d’arête-séparateur de taille 3, c’est-à-dire que la suppression de

trois arêtes quelconques appartenant àM ne déconnecte pas G.

Le lemme suivant sera utile afin de prouver le lemme de l’arc-en-ciel.

Lemme 36. SoitG un graphe ne contenant pas d’arête-séparateur (minimal par inclusion) de taille un ou trois. AlorsG admet un 4-flot partout non nul.

Démonstration. Par récurrence sur l’ordre de G = (V, E). Puisque tout graphe 4-connexe

admet un 4-flot partout non nul [Jae75, Jae79], G possède un arête-séparateur de taille 2,

disonsS :={e, f}. Soient V1etV2les ensembles de sommets des deux composantes connexes

deG[E\ {e, f}]. Pour i ∈ {1, 2}, notons Gi le graphe obtenu à partir deG en contractant Vi

en un seul sommet, puis en remplaçant le sommet de degré2 ainsi créé par une arête notée ei.

PuisqueG ne possède pas d’arête-séparateur minimal de taille 1 ou 3, il en est de même pour G1 et G2. Ainsi, d’après l’hypothèse d’induction, G1 et G2 admettent un 4-flot partout non

nul, donc un Z2× Z2-flot (partout non nul), notéfi. De plus, quitte à utiliser un automorphisme

approprié de Z2×Z2, supposons quef1(e1) = f2(e2). Un Z2×Z2-flotf de G s’obtient alors en

posant pour toute arêtea de Gi différente dee et f , f (a) := fi(a), et f (e) := f (f ) := f1(e1).

Le grapheG admet donc un 4-flot partout non nul. ¤

Nous sommes à présent en mesure de prouver le lemme de l’arc-en-ciel, ainsi nommé car sa première assertion est que tout graphe cubique sans pont possède un 2-facteur F avec la

propriété suivante : les arêtes n’appartenant pas à F peuvent être colorées par 3 couleurs de

sorte que, pour tout cycle C de F et pour toute couleur c, la parité du nombre d’arêtes de

couleurc incidentes à C soit celle de C.

Lemme 37 (lemme de l’arc-en-ciel). SoitG un graphe cubique sans pont. Les assertions sui- vantes sont vraies et équivalentes.

(i) G possède un 2-facteur F tel que les arêtes n’appartenant pas à F puissent être colorées avec les couleurs rouge, vert et bleu, de manière à ce que, pour chaque cycle C de F , et pour chaque couleur c, la parité du nombre d’arêtes colorées c incidentes àc soit celle de C.

(ii) G possède un 2-facteur F tel que les arêtes n’appartenant pas à F puissent être colorées avec les couleurs rouge, vert et bleu, de manière à ce que, pour chaque cycle C de F , et pour chaque couleur c, la parité du nombre d’arêtes colorées c incidentes àc soit celle de C. De plus, les arêtes colorées peuvent l’être de sorte que les arêtes rouges et les arêtes vertes induisent des sous-graphes de parité acycliques deG/F .

(iii) G possède un 2-facteur F tel que G/F ait un 4-flot partout non nul.

(iv) G possède un 1-facteur et deux sous-graphes de parité dont l’intersection est vide.

(v) G est F6-arête-colorable, c’est-à-dire qu’il admet une arête-coloration utilisant au

plus6 droites du plan de Fano.

L’assertion (v) a déjà été prouvée (théorème2 de [MŠ05]).

Démonstration. Commençons par établir l’une des assertions, puis prouvons ensuite que toute

les assertions sont équivalentes. Comme signalé, l’assertion (v) est déjà prouvée. Par soucis de complétude, nous donnons tout de même une preuve rapide de l’assertion (iii).

D’après le lemme 35,G = (V, E) admet un 1-facteur qui ne contient pas d’arête-séparateur

de taille3. Soit F le 2-facteur de G obtenu en complémentant ce 1-facteur dans E. Alors G/F

ne possède pas d’arête-séparateur minimal de taille un ou trois. Donc, d’après le lemme 36,

G/F admet un 4-flot partout non nul.

Montrons à présent que les cinq assertions du lemme sont équivalentes. L’assertion (iii) af- firme queG/F admet ce qui est appelé une 3-arête-coloration de parité dans [God88] c’est-à-

dire une coloration des arêtes telle que la parité du nombre d’arête de chaque couleur incidente à tout sommetv soit celle du degré de v. Or il est prouvé dans [God88] que l’existence d’une

telle coloration est équivalente à celle d’un4-flot partout non nul. Ceci prouve l’équivalence

des assertions (i) et (iii).

L’assertion (ii) entraîne l’assertion (i). Pour l’implication opposée, supposons que les arêtes de G/F soient 3-colorées comme dans l’assertion (i). Si le sous-graphe induit par les arêtes

rouges contient un cycle, toutes les arêtes du cycle sont recolorées en bleu. Comme tout sommet deG/F est incident à un nombre pair d’arêtes du cycle, cela ne change pas la validité de l’arête-

coloration. Il suffit de continuer ainsi jusqu’à ce que les arêtes rouges induisent une forêt. La même procédure pour les arêtes vertes fournit une arête-coloration comme dans l’assertion (ii).

6.2. Lemme de l’arc-en-ciel 143

Montrons que les assertions (iv) et (v) sont équivalentes. Supposons quec soit une F6-arête-

coloration deG (voir figure 6.4). Posons

M := {e ∈ E : c(e) = 0yz, (y, z) ∈ {0, 1}2},

P1 := {e ∈ E : c(e) = x0z, (x, z) ∈ {0, 1}2} et P2 := {e ∈ E : c(e) = xy0, (x, y) ∈ {0, 1}2}.

001

100

111

010

011

101

110

FIG. 6.4. La configurationF6.

Il n’est pas difficile de vérifier queM est un 1-facteur de G, et que P1 etP2 sont des sous-

graphes de parité de G. Clairement, M ∩ P1 ∩ P2 = ∅. Pour établir l’implication opposée,

supposons queG contienne un 1-facteur M et deux sous-graphes de parité P1 etP2 dont l’in-

tersection est vide. Associons à toute arête e ∈ E le point xyz avec x = 0 si, et seulement si, e ∈ M ; y = 0 si, et seulement si, e ∈ P1 et z = 0 si, et seulement si, e ∈ P2. La coloration

obtenue est uneF6-arête-coloration deG (voir figure 6.4).

Il reste à prouver l’équivalence de l’assertion (iv) avec les assertions (i) à (iii). Supposons que G contienne un 1-facteur M et deux sous-graphes de parité P1 et P2 tels que M ∩ P1 ∩

P2 = ∅. Soit F le 2-facteur constitué des arêtes n’appartenant pas à M. Colorons les arêtes

n’appartenant pas àF , c’est-à-dire les arêtes de M , de la façon suivante : les arêtes de P1 sont

colorées en rouge, celles deP2 en vert, et celles n’appartenant ni àP1 ni à P2 en bleu (cette

coloration est bien définie et colore bien toutes les arêtes deM puisque M∩ P1∩ P2 =∅). Soit

C un cycle de F . Comme Pi est un sous-graphe de parité deG, la parité du nombre d’arêtes de

Pi quittant un cycle deF est celle du cycle, pour i∈ {1, 2}. Donc les arêtes colorées rouges et

les arêtes vertes satisfont la condition de (i). Le nombre d’arêtes bleues incidentes à un cycle

C de F est égal au nombre d’arêtes colorées incidentes à C moins le nombre d’arêtes rouges

ou vertes incidentes àC. D’après l’observation précédente, ce dernier nombre est pair, donc les

arêtes bleues satisfont également la condition de (i). Terminons la démonstration en prouvant que (iii) implique (iv). Soit f un Z2 × Z2-flot partout non nul de G/F . Étendons f en un

Z2 × Z2-flot de G (non nécessairement non nul), de sorte que les arêtes dont le flot est nul

appartiennent toutes àF . Ceci est toujours possible : soit C := v1v2. . . vkun cycle deF . Pour

àC. Posons, pour tout entier i∈ {1, 2, . . . , k}, f (vivi+1) := i X j=1 fj.

Alors,∀i ∈ {2, 3, . . . , k}, le flot en vi vautf (vi−1vi) + fi+ f (vivi+1) = 2 i X j=1 fi = 0. De plus, le flot env1 vaut k X j=1 fi+ 2f1 = k X j=1

fi = 0 car f est un flot de G/F . Soit alors M le 1-facteur

complémentaire deF , et posons pour i∈ {1, 2}, Pi :={e ∈ E : πi(f (e)) = 0} en notant πi la

projection suivant laième coordonnée.P

1 etP2 sont clairement des sous-graphes de parité. De

plus, comme pour toute arête e ∈ E, f(e) 6= (0, 0), l’intersection des sous-graphes M, P1 et

P2 est vide. ¤

Il est prouvé dans [HŠ04] que tout graphe cubique sans pont4-arête-connexe est D9-arête-

colorable, oùD9est la configuration formée de six droites et neuf points illustrée figure 6.5. Le

lemme de l’arc-en-ciel permet d’étendre ce résultat à tous les graphes cubiques sans pont, en suivant la preuve de [HŠ04].

e

f

h

i

g

b

d

c

a

FIG. 6.5. La configurationD9.

Lemme 38. Tout graphe cubique sans pont estD9-arête-colorable.

Démonstration. SoientF un 2-facteur de G = (V, E) et c une arête-coloration de G/F comme

dans l’assertion (ii) du lemme de l’arc-en-ciel. Définissons deux applicationsϕi : E → Z3 de

la manière suivante : l’image par ϕ1 des arêtes vertes et bleues de G est zéro, et l’image des

autres arêtes est1 ou 2 de sorte que la somme des images des arêtes incidentes à tout sommet

soit nulle dans Z3. Ceci est toujours possible car les arêtes rouges induisent une forêt dans

G/F , et le nombre d’arêtes bleues ou vertes incidentes à tout cycle de F est pair. L’application ϕ2est définie de façon similaire, en assignant zéro aux arêtes rouges et bleues.

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