Largeur arborescente linéaire
Théorème 60 (Kinnersley [Kin92]) La largeur arborescente linéaire d’un graphe est égale à
sa sommet-séparation.
Il n’est pas difficile de voir que pour tout grapheG, pw(G)≤ vs(G) : considérons un ordre L de G. Soit X = (X1, X2, . . . , Xn) avec ∀i ≥ 1, Xi := M (i)∪ {L−1(i)}. Ces ensembles
forment une décomposition linéaire deG, et par définition sa largeur est la sommet-séparation
de(G, L) : ainsi, pw(G)≤ vs(G). L’obtention de l’autre inégalité est un peu plus technique.
Remarquons que la définition de la sommet-séparation s’étend naturellement aux graphes orientés : l’ensembleMi devient l’ensemble−→Mi des sommets d’ordre strictement supérieur ài
possédant au moins un voisin interne d’ordre au plusi.
Proposition 42 (Turner [EST94]). Pour tout grapheG, pw(G)≤ s(G) ≤ pw(G) + 2.
Pour tout grapheG, la 2-expansion de G est le graphe obtenu en remplaçant chaque arête
deG par un chemin de longueur trois.
Théorème 61 (Ellis, Sudborough et Turner [EST94]). SoitG un graphe. Le nombre de cher-
cheurs deG est égal à la largeur arborescente linéaire de la 2-expansion de G.
Notons enfin que le paramètre node-search est, lui, égal à la largeur arborescente linéaire plus un d’après un théorème de Kirousis et Papadimitriou [KP86].
7.2. Relations avec d’autres problèmes
Proposition 43. Pour tout graphe orientéD, pw(D)≤ p(D) ≤ pw(D) + 1.
Démonstration. Considérons unep-stratégie pour D, et soit L l’ordre dans lequel les sommets
sont traités. D’un point de vue dynamique, si la stratégie est stoppée juste après le traitement du
i`emesommet, alors tout sommet non traité possédant un voisin traité doit être enTMU. Ceci étant
vrai pour touti∈ {1, 2, . . . , |V |}, la sommet-séparation de (D, L) est p, donc vs(D) ≤ p(D).
Soit L un ordre pour D, notons vs la sommet-séparation de (D, L). Considérons la stra-
7.2. Relations avec d’autres problèmes 161
vi := L−1({i}) (et donc, tout voisin externe et non traité de vi doit être placé en TMU avant
le traitement devi). Ainsi,d+(v1) sommets doivent être placés en TMUafin de pouvoir traiter
v1. Notons qued+(v1)≤ vs. Supposons à présent que i ≥ 1 sommets aient été traités : notons
Pi :={vj : j ∈ {1, 2, . . . , i}} et Mi l’ensemble des sommets enTMU. Plaçons tous les voisins
externes devi+1n’appartenant pas àMi∪ PienTMUafin de traitervi+1. Sivi+1∈ M/ i, alors
|Mi∪ (N+(vi+1)\ Pi)| ≤ vs,
puisque la sommet-séparation de(D, L) est vs. Nous utilisons ainsi au plus vsTMUsimultané- ment. Sivi+1∈ Mi, alors
|Mi\ {vi+1} ∪ (N+(vi+1)\ Pi)| ≤ vs,
donc nous utilisons au plusvs + 1TMUsimultanément. ¤
Comme la détermination de la sommet-séparation est un problème APX [DKL87], le ré- sultat précédent montre qu’il en est de même pour le nombre de traitements.
La proposition suivante décrit une construction forçant chacun des trois paramètres à aug- menter de un.
Proposition 44. SoientG1, G2etG3trois graphes connexes tels quevs(Gi) = vs, s(Gi) = s et
p(Gi) = p, i∈ {1, 2, 3}. Le graphe G est obtenu à partir d’une copie de chacun des graphes Gi,
en ajoutant un sommetv possédant exactement un voisin dans chaque graphe Gi, i∈ {1, 2, 3}.
Alors,vs(G) = vs + 1, s(G) = s + 1 et p(G) = p + 1.
Démonstration. Commençons par prouver la proposition pour la sommet-séparation.
[[ Soit Xi une décomposition en chemins de largeur vs du graphe Gi, i ∈ {1, 2, 3}. La
décomposition en cheminsX := X′
1∪ X2′ ∪ X3′ deG où Xi′est obtenue à partir deXien
ajoutant le sommetv dans chaque ensemble de Xiest de largeurvs + 1.
Considérons un ordre L de G. Soient u := L−1({1}) et w := L−1({|V (G)|}). Quitte à
renommer les graphesGi, nous pouvons supposer queu∈ V (G1)∪ {v} et w ∈ V (G1)∪
V (G3)∪ {v}. Il existe i ∈ {2, . . . , |V (G)| − 1} tel que G2 contiennevs sommets dont
l’ordre est strictement supérieur à i, et possédant chacun un voisin dont l’ordre est au
plusi. Comme le sous-graphe H induit par les sommets de V (G)\ V (G2) est connexe,
il existe dansH un chemin reliant u à w. Ce chemin contient nécessairement un sommet z /∈ V (G2) d’ordre strictement supérieur à i et possédant un voisin d’ordre au plus i (car
L(u) = 1 < i et L(w) =|V (G)| > i). Par conséquent, la sommet-séparation de L est au
moinsvs + 1. ]]
Occupons-nous à présent du nombre de traitements.
[[ Il est aisé de traiter G en utilisant p + 1 TMU : il suffit de placerv en TMU, d’utiliser unep-stratégie pour chaque graphe Gi, et enfin de traiterv. Le nombre deTMUutilisées
simultanément est au plusp + 1.
Montrons que p(G) ≥ p + 1. Pour cela, considérons une k-stratégie pour G. Quitte à
inverser certaines étapes, nous pouvons supposer qu’une fois qu’un sommet deGi est en
TMU, il y aura au moins un sommet deGienTMUtant que tout le grapheGin’aura pas été
traité. Pour touti∈ {1, 2, 3}, soit jila première étape lors de laquelle au moinsp sommets
du grapheGi sont enTMU. Quitte à renommer les graphesGi, supposons quej1 < j2 <
j3pour touti∈ {1, 2, 3}. Ainsi, à l’étape j2, tout le grapheG1a nécessairement été traité,
et aucun sommet du grapheG3 n’est enTMU. Ainsi, le sommet v est nécessairement en
TMU: il ne peut être traité car son voisin dansG3 n’est ni traité ni enTMU, et il ne peut
être dans son état initial car son voisin dansG1 a été traité. Ainsi, au moinsp + 1 TMU
(a) Un grapheG vérifiant vs(G) = 2 =
p(G)− 1 = s(G) − 1.
(b) Un grapheH vérifiant vs(H) = 3 =
p(H)− 1 = s(H) − 2.
FIG. 7.4. Graphes pour la preuve du théorème 62.
Pour le nombre de chercheurs, placer un chercher sur le sommetv et utiliser des stratégies
optimales pour chacun des graphesGimontre quevs(G)≤ vs + 1. Pour l’autre inégalité, il est
par exemple possible d’appliquer les arguments utilisés pour la largeur arborescente linéaire à la2-expansion de G. Il est possible aussi d’adapter les arguments directement pour le graphe G, en utilisant le résultat de Lapaugh [LaP93] stipulant qu’il existe une stratégie optimale telle
qu’aucune arête ne soit recontaminée. ¤
Théorème 62. Soientvs ≥ 3, s ∈ {vs, vs + 1, vs + 2} et p ∈ {vs, vs + 1}. Il existe un graphe Gvstel quevs(Gvs) = vs, s(Gvs) = s et p(Gvs) = p.
Démonstration. D’après la proposition 44, il suffit de trouver, pour chaque couple (s, p) ∈ {vs, vs + 1, vs + 2} × {vs, vs + 1}, un graphe connexe G tel que s(G) = s, p(G) = p et vs(G) = vs pour un entier vs∈ {1, 2, 3}.
– Pourvs = p = s = 1, le graphe complet à deux sommets convient ;
– pourvs = p = s− 1 = 1, l’étoile à trois branches convient ;
– pourvs = p = s− 2 = 3, le graphe biparti complet K3,3 convient ;
– pourvs = p− 1 = s = 1, le chemin de longueur trois convient ;
– pourvs = p− 1 = s − 1 = 2, le graphe de la figure 7.4(a) convient ; et
– pourvs = p− 1 = s − 2 = 3, le graphe de la figure 7.4(b) convient.
¤
Ainsi, tous les cas autorisés par les propositions 42 et 43 se produisent. Sivs = 2, le seul
cas ne pouvant se produire estp = vs = s− 2.
7.3. Nombre de traitements de certaines classes de graphes
Cette section établit le nombre de traitements de certaines classes de graphes non orientés, avec une stratégie correspondante.
En premier lieu, notons que les techniques développées pour calculer la sommet-séparation des arbres (voir [EST94, MHG+88, Yan85, Sko00]) peuvent être adaptées afin de calculer le
nombre de traitement d’un arbre. En particulier, il existe un algorithme linéaire en temps pour obtenir le nombre de traitement d’un arbre ainsi qu’une stratégie correspondante.
Théorème 63.
(i) Le nombre de traitement du graphe biparti completKm,nestmin(m, n) ;
(ii) pour toutd≥ 3, le nombre de traitements de l’arbre d-aire complet de hauteur h est h ;
7.3. Nombre de traitements de certaines classes de graphes 163
(iii) le nombre de traitement de l’arbre binaire complet de hauteur h est⌈h/2⌉, sauf si h = 2 auquel cas ce nombre est 2 ; et
(iv) le nombre de traitement de tout graphe planaire extérieur triangulé dont le dual faible
est une chenille (c’est-à-dire un chemin avec des arêtes pendantes) de degré maxi- mum3 est au plus 3.
Démonstration. Pour (i), il suffit de noter que le degré minimum de Km,n estmin(m, n) (ce
qui donne une borne inférieure), et que placer tous les sommets de l’une des parts de la biparti- tion enTMUpermet de traiter le graphe. (ii) se prouve par récurrence sur la hauteur de l’arbre : le théorème 44 permet de montrer queh est une borne inférieure, et une h-stratégie est obtenue
en plaçant la racine en TMU et en traitaint récursivement les trois sous-arbres de façon opti- male. Pour (iii), la sommet-séparation d’un tel arbre est⌈h/2⌉, et traiter les sommets selon un ordre optimal pour la sommet séparation donne le résultat (voir par exemple [Sch90, Sch91]). Enfin, une3-stratégie pour (iv) s’obtient en considérant un plus long chemin dans le dual, et en
plaçant les sommets des faces appartenant à ce plus long chemin en TMU(successivement, et
dans l’ordre du chemin). ¤
Théorème 64. Le nombre de traitements de la grille de taillem× n est min(m, n) + 1, sauf sin = m = 2 auquel cas ce nombre est 2.
Donnons quelques définitions avant de prouver ce résultat. Soit I2 (respectivement I2+)
l’ensemble des points du plan à coordonnées entières (respectivement positives). SiX est un
ensemble de points de I2, la frontière de X, notée Fr(X), est l’ensemble des points de I2
n’appartenant pas àX et à distance un d’un point de X.
Théorème 65 (Wang et Wang [WW77]). Étant donné un entier n, tout ensemble X de I2
(respectivement deI2+) tel que|Fr(X)| ≤ n contient au plus n82−n2+ 1 (respectivement n(n−1)2 ) points.
Selon la terminologie de [WW77], la sphère standard deI2+de taillen, constituée de tous
les points dont la somme des coordonnées est au plusn + 1, est le seul ensemble atteignant la
borne du théorème 65. Enfin, un côté de la grille est un chemin dont les sommets terminaux ont degré deux, et les sommets internes degré trois (chaque grille possède donc exactement quatre côtés).
Démonstration. La largeur arborescente linéaire de la grillem× n étant min(m, n), nous dé-
duisons, d’après la proposition 43, que son nombre de traitements est p ou p + 1, avec p := min(m, n). Supposons qu’il existe une p-stratégie, et stoppons-la dès que f (p) := p(p−1)2 som- mets ont été traités. SoitP l’ensemble des sommets traités, et soit M l’ensemble des sommets
enTMU. Montrons d’abord queP∪M est connexe. Supposons que P = P1∪P2∪. . .∪Pkavec
k ≥ 2, Fr(Pi) = Mi pouri ∈ {1, 2, . . . , k} et Mi∩ Mj =∅ si i 6= j. Alors,Pki=1|Pi| = f(p)
etPki=1|Mi| ≤ p. Remarquons que nous pouvons supposer que chaque ensemble Piintersecte
au plus deux côtés de la grille. Mais alors chaquePiest un ensemble deI2+. Par conséquent, en
notantpi la taille de la frontière de chaque ensemblePi,Pi=1k f (pi) = f (p) = f (Pki=1pi) si,
et seulement si,∀i 6= j, pipj = 0, ce qui est impossible. Donc, P ∪ M est connexe.
Séparons à présent l’étude en plusieurs cas, selon le nombre de côtés de la grille intersectés parP .
P n’intersecte aucun côté de la grille : P est un sous-ensemble de I2 de frontièreM ,
P intersecte exactement un côté de la grille : soit P′le symétrique deP dans I 2 res-
pectivement au côté intersecté. L’ensemble P ∪ P′ est un sous-ensemble de I 2 de
cardinal au moinsp(p− 1) dont la frontière est de cardinal au plus 2p, ce qui contre-
dit le théorème 65.
P intersecte exactement deux côtés : ces deux côtés sont nécessairement consécutifs
(c’est-à-dire qu’ils ont un sommet en commun). Par conséquent,P est la sphère stan-
dard deI2+, et il est impossible de traiter un sommet supplémentaire sans utiliser une
TMUde plus, une contradiction.
P intersecte exactement trois côtés : admettons qu’il s’agisse des côtés haut, bas et
gauche. Par connexité, il existe au moins un sommet de M sur chaque ligne de la
grille. D’après les valeurs de |M| et |P |, il n’existe alors aucune possibilité pour traiter un nouveau sommet sans utiliser une TMUsupplémentaire, une contradiction.
P intersecte les quatre côtés : soit P′le complémentaire deP ∪ M. Le cardinal de P′
est au moins p(p−1)2 et celui de sa frontière au plusp. En outre, chaque composante
connexe de P′ intersecte au plus deux côtés. Ainsi, une contradiction est obtenue
comme précédemment.
¤
Remarquons qu’une stratégie optimale pour la grille est obtenue en traitant les sommets dans l’ordre lexicographique de leurs coordonnées.