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Tours et détours d’une enquête menée au sein d’un milieu d’interconnaissance

CHAPITRE PREMIER

U NE « GÉOGRAPHIE DE L ’ EXIL » FORCÉMENT MULTISITUÉE Si la relation d’enquête se distingue de la plupart des échanges de l’existence

2. Tours et détours d’une enquête menée au sein d’un milieu d’interconnaissance

Dans un texte consacré aux « terrains sensibles » [Bouillon et al., 2005], Michel Agier [2005] évoque les dyades, construites tout au long de l’enquête par le chercheur avec celles et ceux qui, sur le terrain, font office de guides, d’interprètes, d’amis, voir parfois « de véritable[s] alter ego du chercheur dans le groupe ou le milieu étudié » [Ibid. : 182]. Il n’est cependant pas très fréquent que leur influence véritable sur les enjeux d’une recherche soit abordée de manière frontale. Christian Papinot va même jusqu’à affirmer que la relation d’enquête [Payet et al., 2010] comme relation sociale semble avoir « longtemps fait

l’objet de dénégation ou de contournement » [Papinot, 2014 : 13]. Des exceptions notables

existent cependant, à commencer par le célèbre ouvrage de Paul Rabiow [1988], Un

ethnologue au Maroc, dans lequel il décrypte dans le menu détail les gains et les obstacles

issus des relations qu’il a nouées sur le terrain avec ses différents informateurs. D’autres auteurs ont traité de la complexité plus particulière des relations d’amitié qui se développent parfois entre le chercheur et ses intermédiaires [El-Or, 1992 ; Crick, 1995 ; Hendry, 1995]. La sincérité dont fait preuve Sarah Mekdjian dans sa thèse [2009] à propos de la relation privilégiée qu’elle a développée avec Lucy, sa principale informatrice, constitue à mon sens un témoignage rare et d’autant plus précieux de l’importance de ces personnes de l’ombre sur la production scientifique en sciences-sociales. En ayant profondément influencé les caractéristiques de mon panel d’enquête et mon accès à ma population d’étude, j’estime que Fadia et Ibtissam méritent elles aussi d’occuper une place de choix dans ce manuscrit. Je tenterai donc d’opérer dans les pages qui viennent un retour réflexif sur la place de ces deux actrices lors de mes séjours jordaniens de 2014 et 2015. Cela m’amènera en particulier à montrer comment Fadia, en adoptant successivement les rôles d’informatrice, de traductrice, voir par moment d’assistante de recherche [Tubiana, 1999], a largement contribué à la collecte des données et à la constitution de mon panel, composé d’un ensemble d’individus étroitement liés les uns aux autres, par le biais d’une imbrication complexe de relations familiales, amicales, villageoises et commerciales.

- Complexité d’une relation d’enquête

Premier désagrément : négocier les termes d’une relation d’enquête

Si, pour reprendre l’exemple des travaux de Sarah Mekdjian, la relation qu’elle a nouée avec son informatrice Lucy s’est rapidement transformée en une relation d’amitié, ma collaboration avec Fadia était pour sa part principalement motivée par l’intérêt réciproque que nous pouvions avoir à travailler ensemble : scientifique pour moi et financier pour elle. Il ne faisait ainsi aucun doute que nos rapports allaient être avant tout de type contractuel, plutôt qu’amical. Avant qu’elle accepte de m’accompagner sur le terrain, nous avons fixé ensemble les détails pratiques de notre collaboration. J’entends les exposer ici avec sincérité, dans le but d’offrir un maximum de clarté sur les arcanes de mes enquêtes jordaniennes, en commençant par les aspects les plus prosaïques… Lors de notre première rencontre au café kepi en 2014, Fadia m’a demandé de la rémunérer 10 dinars jordaniens18 (JOD) de l’heure, soit l’équivalent de la somme qu’elle réclamait à ce

moment-là à ses étudiants pour une heure de cours d’arabe. A cette époque, son appartement, meublé de manière sommaire à base de mobilier de seconde main, témoignait de la modestie de ses conditions de vie et de celles de sa mère. Au cours de l’année 2015, le nombre de ses élèves a considérablement augmenté. Parallèlement, elle a profité de sa bonne réputation d’enseignante et des revenus élevés de la majorité de ses étudiants « occidentaux » pour revoir à la hausse le montant de ses prestations. La veille de mon retour en Jordanie en octobre 2015, elle m’a prévenu qu’elle croulait désormais sous le travail, ce qui lui permettait de « très bien gagner sa vie », mais risquait en retour d’affecter la disponibilité dont elle avait fait preuve envers moi l’année précédente. Lorsque nous nous sommes revus avant de reprendre ensemble les enquêtes de terrain, les meubles et bibelots achetés en nombre chez Ikea m’ont permis de constater l’augmentation des bénéfices générés par son activité d’enseignante. Malgré cela, Fadia ne m’a pas demandé de la rétribuer plus que l’année précédente. Au contraire, elle m’a plutôt fait comprendre que si elle acceptait de continuer à m’aider cette année encore, c’était surtout pour l’intérêt qu’elle portait à mon projet de recherche, qu’elle souhaitait que j’amène à son terme dans les meilleures conditions possibles. La seule exigence qu’elle a formulée a mon encontre a été de faire preuve d’un maximum de flexibilité au niveau de mes horaires de travail, afin de m’adapter à son propre emploi du temps. En 2015, nous avons donc mené l’essentiel des entretiens le weekend, le soir, ou entre deux leçons, généralement en début ou en fin

d’après-midi. Dans la mesure où Fadia a longtemps constitué mon seul lien avec les réfugiés de Deir Mqaren, je me suis parfois retrouvé dans une situation de dépendance vis-à-vis d’elle, en particulier à partir du moment où j’ai pris la décision d’axer précisément ma recherche sur cette population.

L’apport indéniable de Fadia sur la (bonne) conduite des entretiens

Dès les premiers entretiens que nous avons mené ensemble en 2014, Fadia a clairement saisi les enjeux et les objectifs de ma recherche, à tel point qu’elle m’est d’emblée apparue comme étant la personne idoine pour m’épauler dans mon enquête. D’un tempérament curieux et avide de nouvelles occupations, elle fit une parfaite informatrice, d’autant plus que le temps libre dont elle disposait à cette époque favorisa largement mon entreprise. Malgré son scepticisme initial à l’égard du degré de précision que j’espérais obtenir des réponses des enquêtés, elle a rapidement fait preuve d’une grande rigueur méthodologique dans la conduite des entretiens et la gestion des relances. Dans la mesure où quasiment aucune des personnes interrogées n’accepta que nos conversations soient enregistrées, l’intermédiaire de Fadia facilita largement ma prise de notes. Pendant qu’elle traduisait mes questions, il m’arrivait d’inscrire certains détails dans mon carnet, sans que le fil de l’entretien n’en soit véritablement affecté. Il lui arrivait à elle aussi de noter des informations relatives aux différentes étapes et aux lieux des itinéraires évoqués, ou bien encore aux liens entre les personnes mentionnées dans les récits des enquêtés.

• Notes prises par Fadia au cours d’un entretien Source : Fadia, Irbid, 2015. Ces notes retracent les différentes étapes d’un segment de route emprunté par une enquêtée. Elles mentionnent également les personnes avec lesquelles cette dernière est entrée en relation afin de rallier ces différentes localités.

Une relation aux informatrices constituant une clé de lecture supplémentaire à la compréhension du microcosme étudié

D’une manière générale, l’interprète permet d’éclairer les sous-entendus, les implicites, tout en inscrivant une parole singulière dans l’histoire particulière d’un individu ou d’un groupe [Denis, 2003]. Depuis son départ de Deir Mqaren en 2000, Fadia n’a jamais cessé de se rendre dans le village de son enfance, généralement accompagnée de sa mère qui, elle, y revenait de manière quasi-hebdomadaire depuis Damas jusqu’à son départ pour la Jordanie en avril 2012. La proximité qu’elles entretiennent avec certaines personnes du village, associée à leur connaissance de(s) l’histoire(s) de cette communauté villageoise a constitué pour moi un éclairage indispensable dans la compréhension des phénomènes que je me propose d’étudier sur la durée. Les nombreuses conversations que nous avons eu avec Fadia et Ibtissam, que ce soit dans les transports en commun, à l’arrière d’un taxi, dans les rues de la capitale, ou dans l’intimité de leur foyer, m’ont souvent permis de mieux appréhender les réponses des enquêtés, mais également de décrypter certains des propos, des comportements, ou des attitudes qu’ils ont pu avoir au cours des entretiens. Si leur présence a malgré tout pu instaurer un biais dans les réponses de certains de mes interlocuteurs, je suis persuadé qu’elles ont agi en retour comme une forme de caution, me servant de « titre de recommandation » [Beaud et Weber, 2010] auprès des personnes les plus réticentes à me rencontrer au début de l’enquête, ou encore auprès de celles qui ne se seraient pas confiées à un inconnu comme elles l’ont fait grâce à l’entremise de mes deux informatrices. En effet, plus l’affection réciproque était grande entre les enquêtés et Fadia, plus ceux-ci semblaient enclins à se livrer sur les aspects les plus intimes de leur vie privée. Cela fut notablement visible lors des entretiens que nous avons menés avec Nissrine et Rim. Sans aller jusqu’à prétendre qu’être un homme n’a aucunement impacté le contenu des données collectées auprès des femmes de Deir Mqaren, j’estime toutefois que le truchement de Fadia et Ibtissam a facilité mes recherches auprès de cercles féminins auxquels je n’aurais pas eu accès de manière individuelle. Récolter les témoignages de femmes par la médiation d’une de leur proche a ainsi largement facilité l’instauration d’un climat de confiance entre elles et moi, créant des conditions propices à la récolte de leurs récits de vie19. En m’ouvrant les portes de leur

quotidien, Fadia et Ibtissam m’ont également donné accès à celui de leurs proches. Elles 19 Il m’est arrivé de constater à plusieurs reprises durant les entretiens que j’ai mené auprès de femmes le biais que pouvait introduire la présence de leurs maris dans la pièce. En effet, ces derniers intervenaient régulièrement pour contredire ou remettre en cause les propos de leurs épouses, même lorsqu’ils portaient sur des événements auxquels ils n’avaient pas assisté. A l’inverse, les hommes avaient souvent tendance à solliciter leurs femmes afin d'obtenir des précisions sur les dates et les temporalités de

m’ont permis de prendre part à de nombreuses discussions à priori banales, de partager des repas conviviaux et d’assister à des moments de vie parfois insolites. Fadia et Ibtissam ont de cette façon agi comme « un pont » entre des personnes issues de mondes sociaux différents, réduisant de la sorte la distance sociale qui me séparait des enquêtés. Elles m’ont également fourni les clés de compréhension nécessaires pour saisir et comprendre l’origine de certains rapports de domination, de certaines relations de pouvoir, ou bien encore des liens qui unissent entre eux les habitants de Deir Mqaren. N’ayant pas eu la possibilité de séjourner dans ce village afin de m’imprégner des représentations et des comportements partagés par la population de Deir Mqaren, les conversations que j’ai eues, en particulier avec Ibtissam, sur la vie quotidienne et l’histoire de cette localité me furent d’une aide précieuse afin de combler ce manque, et de mieux négocier par la suite ma place au sein de ce « milieu d’interconnaissance » [Beaud et Weber, 2010].

- De la découverte du « malban » à la définition d’une population d’étude

Motivé par un désir de couvrir l’ensemble des situations possibles, j’ai cherché durant toute la première phase de mon enquête à interroger des Syriens aux origines sociales et géographiques variées. Cela m’a amené à interviewer pêle-mêle des chefs de tribus, d’anciens garagistes, ferronniers, combattants de l’ASL, etc. résidant désormais dans le camp de Zaatari; de riches chefs d’entreprises ayant relocalisé leur usine ou leur restaurant à Amman du fait du ralentissement de l’activité économique à Damas ; ou encore des étudiants, des artisans, des ouvriers, des journaliers, des épiciers, etc. installés et exerçant leurs activités dans différents quartiers de la capitale jordanienne. Lorsque j’ai commencé à réaliser mes premiers entretiens aux côtés de Fadia, j’ai continué à ne pas me limiter à interroger les seules personnes auxquelles elle pouvait me donner accès. Durant mon séjour de novembre 2014, nous avons mené autant d’entretiens avec ses proches qu’avec des personnes que j’ai rencontrées soit par l’intermédiaire de mon propre réseau, soit au hasard de mes déambulations dans la ville. Dans ce dernier cas, après une rapide prise de contact en arabe me permettant de constater que mes interlocuteurs avaient un profil intéressant pour ma recherche, je suis retourné les voir avec Fadia afin de réaliser des entretiens formels plus approfondis.

Vers le recentrage de ma population d’enquête

Le recentrage de ma population d’enquête autour du seul milieu d’interconnaissance des habitants de Deir Mqaren s’est toutefois opéré de manière assez rapide. Lors du deuxième entretien que j’ai réalisé au domicile de Fadia et Ibtissam, Yassin, un cuisinier de formation, reconverti dans la vente ambulante depuis son départ de Syrie, mentionna le mot « malban » pour désigner la marchandise qu’il vendait à l’époque. Comprenant qu’il s’agissait d’une sucrerie, mais sans savoir laquelle en particulier, j’ai demandé à Fadia qu’elle me donne plus de précisions. Sa réponse fut de pointer du doigt un carton posé au sol dans un coin du salon, rempli de confiseries ressemblant peu ou prou à des loukoums... Surpris par la quantité de friandises qu’il contenait, je lui ai demandé quelle était l’origine de ce colis. « C’est Karam, un Jordanien que

les gens du village connaissent depuis très longtemps qui nous l’a donné. C’est devenu le principal fournisseur des gars du village depuis que la guerre a éclaté en Syrie et il nous donne toujours des sucreries lorsqu’il passe nous rendre visite à la maison ». Me voyant quelque peu décontenancé par sa

réponse, Fadia se mit à rire aux éclats, rapidement suivie par Yassin, Aïcha sa fiancée, et Ibtissam, qui, jusque là, écoutait d’une oreille distraite notre conversation, tout en vacant à ses propres occupations. Yassin rajouta à la tournure « lyrique » que pris subitement notre échange en affirmant plein d’aplomb que « les mokasarat20 et les malbans sont inscrits dans l’ADN des hommes de Deir Mqaren » ; ce à quoi Fadia répondit en affirmant que : « quasiment tous les gars du village travaillent dans la vente ambulante de sucreries et de mokasarat. La plupart d'entre eux se rendent d’ailleurs depuis très longtemps en Jordanie et au Liban pour vendre ces produits. (…) [Avant le début du conflit], ils achetaient leurs marchandises dans des usines de Damas, et les revendaient ensuite plus cher à l'étranger, ce qui permettait à certains d’entre eux de gagner beaucoup d’argent ! Mais comme ils ne peuvent plus rentrer en Syrie du fait de la guerre, c’est Karam qui leur fournit désormais l’essentiel de leur marchandise ». Cette anecdote éveilla instantanément ma

curiosité pour cette activité marchande et ses acteurs. Suivre les trajectoires individuelles et collectives des vendeurs du village et de leurs proches m’a semblé constituer une étude de cas particulièrement stimulante et adaptée à mon intention d’évaluer l’influence des réseaux (en tout genre) sur les parcours migratoires des réfugiés syriens de Jordanie. Le principal piège dans lequel que je craignais de tomber en consacrant ma recherche aux exilés syriens était de focaliser mon attention sur des aspects trop contemporains de l’exil et l’immédiateté d’un phénomène migratoire aux contours particulièrement labiles. L’ancrage spatio-temporel des pratiques de mobilités transfrontalières des marchands de

Deir Mqaren m’offrait au contraire la perspective d’appréhender les migrations syriennes sur la longue durée.

Le relevé généalogique comme outil de mesure d’un processus de diasporisation

A compter du jour où j’ai privilégié l’étude des mobilités de la population originaire de Deir Mqaren, je m’en suis en partie remis à Fadia pour choisir les personnes à interviewer. Ce choix m’a amené, après une dizaine d’entretiens seulement, à observer une certaine redondance dans les profils des individus interrogés. Ceci s’explique principalement par le fait que Fadia m’ait logiquement orienté vers les personnes du village dont elle se sentait le plus proche, avec lesquelles elle était unie par des liens de parenté ou d’amitié, et chez qui nous pouvions nous rendre tous les deux, sans forcément être accompagnés d’Ibtissam21. L’élaboration d’un outil destiné à l’origine à mieux

appréhender l’ampleur et la spatialité de la dispersion de la population de Deir Mqaren s’est révélée d’une aide précieuse pour m’aider à composer mon corpus d’enquête. L’avant veille de mon départ d’Amman au début du mois de décembre 2014, Ibtissam me proposa de rester dîner avec elle, Fadia, et son fiancé Nawfel, invitation que j’acceptai avec plaisir. Après le repas, tandis que Nawfel s’appliquait à préparer un narguilé, Ibtissam se leva pour aller faire chauffer du thé et posa ensuite une panière remplie de noix au milieu de la table. Le décor était planté pour une longue et captivante soirée, rythmée par les nombreux récits d’Ibtissam portant sur le village de Deir Mqaren et ses habitants. Après plus d’une heure de conversation, cette dernière en vient à évoquer une anecdote sur une personne partie durant la première moitié du XXème siècle aux États-Unis, où elle fit selon

elle fortune, avant de revenir passer quelques semaines de vacances auprès des siens. « Je ne

me rappelle plus de son prénom, mais en tout cas, je pense qu’il est parmi les premiers [de la famille] S. à être parti en Amérique. Quelques-autres membres de sa famille l’ont suivi par la suite, mais aucun d’entre eux n’est jamais revenu au village. (…) Je sais qu’ils travaillent dans le commerce, mais je ne sais pas ce qu’ils vendent exactement, ni dans quelle ville ils se trouvent. (…) En tout cas, quand il est revenu à Deir Mqaren, je n’étais encore qu’une enfant, mais je me rappelle très bien qu’il a été accueilli par des hordes de voisins qui se pressaient pour venir le saluer. Il a même fini par se fâcher contre un groupe d’enfants pour les faire partir, tellement ils étaient pressants et nombreux à se bousculer devant la porte de la maison où il logeait pour tenter de l’apercevoir ! » En réponse à cette anecdote, j’ai demandé

à Ibtissam si elle pouvait me citer toutes les personnes originaires de Deir Mqaren qu’elle 21 Au mois de novembre 2014, Fadia et moi menions certains jours plus de 5 entretiens d’une durée de trente minutes à deux heures, princialement à Amman et Irbid. Ce rythme de travail n’était donc pas facile à suivre pour Ibtissam, qui ne se déplace plus très vite. Par ailleurs, dans la mesure du possible, j’ai toujours cherché à limiter le nombre de personnes présentes dans la pièce où se déroulaient les entretiens afin de limiter au maximum les biais introduits dans les réponses des enquêtés par la présence de leurs proches.

savait vivre aujourd’hui hors de Syrie, et si possible, de mentionner leur lieu de résidence actuel. Légitimement vite lassé par cet exercice, Nawfel nous quitta dès son narguilé terminé, tandis que cette tâche nous occupa pendant près de trois heures supplémentaires et donna lieu à de nombreuses autres anecdotes sur le village et ses habitants. Au total, Ibtissam mentionna ce soir là 99 personnes, essentiellement des hommes. Je reparti de chez mes hôtes la tête bien lourde, mais avec le sentiment que je tenais là une piste intéressante qu’il me faudrait creuser lors de mon retour en Jordanie l’année suivante.

Lorsque je suis revenu à Amman en octobre 2015, j’ai décidé de poursuivre plus rigoureusement l’exercice improvisé l’année précédente, en cherchant cette fois-ci à systématiser ma collecte de données. L’objectif de ce travail était simple : il s’agissait de mieux appréhender l’ampleur et les caractéristiques de l’exode au départ de Deir Mqaren à partir de la localisation actuelle des gens originaires de ce village. Dans le but d’améliorer