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CHAPITRE PREMIER

L A SPATIALISATION DES RÉCITS MIGRATOIRES

1. Collecter des récits migratoires

Si le récit de vie se situe au croisement de nombreuses disciplines des sciences- humaines [Burrick, 2010], il puise néanmoins ses origines dans les travaux menés dans l’entre-deux-guerres par des sociologues de l’École de Chicago. Dès le début des années 1920, ces derniers ont eu recours à différents types de matériaux biographiques (récits de vie, autobiographies, mémoires, états civils) pour mener leurs recherches auprès de groupes sociaux demeurés jusqu’alors relativement absents du paysage sociologique traditionnel. Parmi eux, William Thomas et Florian Znaniecki se sont intéressés aux réseaux tissés par les migrants polonais entre les États-Unis et leur pays d’origine, ainsi qu’à leurs conditions de vie avant leur départ de Pologne et depuis leur arrivée sur le continent américain. La monographie monumentale issue de leurs investigations [Thomas et Znaniecki, 1958] constitue l’un des premiers exemples d’étude consacrée à une population de migrants internationaux à partir d’un matériau narratif. En France, l’approche biographique émergera dans les années 1970, grâce notamment aux travaux de Daniel Bertaux [1976, 1980]. Dans le champ des études sur les migrations forcées, il a fallu attendre le début des années 1980 pour voir des socio-anthropologues avoir recours à des méthodes d’enquête similaires afin de mettre en lumière des parcours d’exil parfois profondément divergents [voir par exemple Freeman, 1989 ; Veith, 1994 ; Freeman et Nguyễn, 2003 ; Marshood, 2010 ; Morrice, 2011]. Comme le souligne Marita Eastmond [2007], en donnant la parole aux acteurs, le récit de vie permet de replacer l’expérience vécue par les individus au centre de l’analyse, pour sortir des généralisations véhiculées à travers la notion de « refugee experience28» [Stein et Tomasi, 1981]. Pour Beate Collet et

Blandine Veith [2013], il s’agit de « comprendre les projets [que les migrants] construisent pour

accéder à des conditions de vie plus conformes à leurs aspirations en termes de droits et de rapports sociaux, économiques et politiques. Si chaque chercheur, selon ses orientations théoriques, privilégie telle ou telle facette des processus, c’est toute la complexité des logiques individuelles et sociales que l’approche biographique vise à éclairer. (…) L’objectif est ainsi de sortir des analyses qui transforment les migrants en victimes, en mettant en lumière les ressorts de l’action, les stratégies et les projets, qu’ils échouent ou

28 « Too frequently viewed as isolated, deviant and nonrecurring, the refugee experience and refugee behavior may be scientifically perceived as

qu’ils aboutissent, en soulignant aussi la diversité des migrations, des mobiles, des générations historiques. Il ne s’agit certes pas de sous-estimer le poids des déterminismes et des contraintes qui pèsent sur les individus, mais de les appréhender autrement en écoutant aussi ce que ces derniers racontent de leurs expériences et du sens qu’ils leur accordent » [Ibid. : 37-38 et 46-47]. Comprendre les projets des

migrants, éclairer la complexité de leurs logiques individuelles, mettre en lumière les ressorts de leurs actions, la diversité de leurs parcours. Cette citation de Beate Collet et Blandine Veith semble résumer à elle seul l’intérêt d’adopter une approche biographique pour étudier des parcours migratoires de réfugiés. Cependant, il est important de garder à l’esprit que cette méthode, basée sur l’histoire intime des individus, comporte une forte dimension subjective, susceptible d’aboutir à des récits dissimulant des décalages profonds entre la vie telle qu’elle est vécue (life as lived), la manière dont elle a été expérimentée par les individus (life as experienced), avant d’être racontée au chercheur (life as told), qui la traduira dans un dernier temps sous forme de texte (life as text) [Eastmond, 2007 : 249]. Ces quatre étapes de production d’un récit de vie constituent donc autant de biais possibles entre la réalité d’un parcours de vie et la façon dont un chercheur en rendra compte.

Dans l’introduction de son livre Hearts of Sorrow [1989], James M. Freeman abonde dans ce sens, en affirmant que « the life stories in this book are, strictly speaking, not

autobiographies, but narratives that are the product of my collaborative activities with the narrators and the research-interpreters. The words are those of the narrators; they are, however, a response to questions asked by me. (…) But I alone edited these accounts, arranged them according to themes, and provided explanatory notes and interpretations » [Ibid. : 23]. Pour Bruner, les travaux issus du courant de

l’approche biographique restent donc avant tout « our stories about their stories » [Bruner, 1986 : 10]. En effet, même en faisant preuve de la plus grande rigueur scientifique, un chercheur ne pourra jamais rendre compte de manière intrinsèque de l’expérience vécue par un tiers. Les récits qu’il collectera risqueront toujours d’être emprunts d’une certaine forme d’autocensure, aussi faible soit-elle. Ils comporteront inévitablement des approximations, à fortiori lorsqu’ils portent sur des situations d’exil souvent « génératrices de

traumatismes susceptibles de perturber les souvenirs, de favoriser le refoulement de[s] épreuve[s vécues par les réfugiés] » [Liagre, 2008 : 456]. Plusieurs auteures ont également attiré l’attention sur les

difficultés rencontrées par certains réfugiés pour évoquer leurs souvenirs les plus douloureux. Elles invitent en retour leurs pairs à être particulièrement attentifs aux silences [Ghorashi, 2008], aux non-dits et au langage corporel [Lammers, 2003 ;

Eastmond, 2007] des enquêtés. A de multiples reprises, j’ai constaté que le timbre de voix, la posture, le regard ou encore les expressions faciales émotionnelles des exilés interrogés exprimaient de manière beaucoup plus sensible et explicite que des mots « la violence du

régime de mobilité opérant aux frontières » [Heller et Pezzani, 2015 : 95], ainsi que la pénibilité

des voyages entrepris pour tenter de contourner les obstacles qui en résultent. Si je m’efforcerai d’en rendre compte tout au long de cette thèse sous la forme d’écrits et de représentations (carto)graphiques, les émotions exprimées de manière silencieuse par mes interlocuteurs resteront difficiles à partager avec le lecteur. J’ajouterais par ailleurs que les témoignages des enquêtés portent incontestablement les stigmates de ma qualité de géographe. J’entends par là que les questions que je leur ai adressées visaient à leur faire générer un discours orienté autour des dimensions spatiales de leurs parcours de vie. En conséquence, cette démarche introduit un biais supplémentaire, résultant du décalage existant entre la perception globale qu’ils se font de leur propre vécu, et l’approche que j’ai choisi d’adopter pour en rendre compte. Dans les pages qui suivent, j’entends donc exposer au lecteur les méthodes d’entretien - souvent basées sur des « bricolages méthodologiques » élaborés durant les différentes phases d’enquête de terrain - mobilisées afin de collecter des récits permettant de rendre compte de l’imbrication parfois complexe entre des réseaux de personnes et des réseaux de lieux, tels qu’ils se construisent tout au long des parcours migratoires des réfugiés.

- Question de l’interprétariat

La durée des entretiens formels a considérablement varié en fonction de la volonté de mes interlocuteurs de partager leur histoire de vie. Les échanges les plus longs ont duré jusqu’à quatre heures environ, certains ayant été réalisés en deux fois, tandis que les plus courts se sont déroulés en une demi-heure seulement. Comme je l’ai évoqué précédemment, les récits de vie ont été collectés grâce à l’intermédiaire de Fadia qui, en plus de faciliter mon accès aux enquêtés a aussi joué le rôle d’interprète. Comme le résume si justement Gilles Sautter [1995], « la langue est une percée dans la pensée de la société de

ceux qu’on analyse » [Ibid. : 194]. Conscient de l’importance de maîtriser correctement la

langue de mes interlocuteurs, j’ai suivi des cours d’arabe dialectal syrien depuis le premier mois de mon inscription en thèse en octobre 2013, jusqu’à la fin de mon dernier terrain en Jordanie en décembre 2015. Malgré tout, mon niveau de langue reste limité. Par conséquent, je n’ai réussi à mener des entretiens entièrement en arabe et de manière

totalement autonome que lors de mon terrain de juillet 2016 à Dortmund. Au cours de ce séjour, il m’est arrivé de perdre des bribes d’explications sur des sujets pour lesquels je ne dispose pas de vocabulaire dans cette langue, mais cette lacune a largement été comblée par la richesse des informations tirées de l’observation participante [Mekdjian, 2009]. Néanmoins, dès les premiers entretiens initiés en octobre 2013, je me suis efforcé de m’adresser le plus souvent possible aux enquêtés dans leur langue maternelle. Après quelques semaines d’immersion, j’ai acquis suffisamment de mots de vocabulaire liés à l’exil pour leur poser moi-même quelques questions sur la succession des étapes de leurs parcours migratoires. Par la suite, mis à part avec une minorité d’enquêtés ayant un accent très prononcé, j’étais en mesure de comprendre les propos de mes interlocuteurs, Fadia intervenant surtout pour traduire mes questions et éclairer certaines subtilités de leur discours que je n’arrivais pas à saisir moi-même. Malgré tout, ma maîtrise insuffisante de l’arabe a constitué une limite évidente à la communication, sans parler de la perte de certaines nuances lors des traductions effectuées par Fadia ou durant mon séjour à Dortmund.

- D’un entretien semi-directif classique à une narration plus orientée

Collecter des récits de vie

Dans la mesure du possible, j’ai cherché à ce que le déroulement des entretiens suive la chronologie des parcours de vie des enquêtés. Dans un premier temps, il s’agissait de les amener à se présenter, puis à évoquer leur vie quotidienne avant le début du conflit dans le cadre d’un entretien semi-directif laissant parfois place à certaines digressions. Dans le cas des colporteurs, cette introduction les a systématiquement amené à décrire en détail l’activité professionnelle qu’ils exerçaient, en insistant sur la fréquence de leurs mobilités commerciales vers la Jordanie, l’organisation de leurs circuits de vente, les bénéfices qu’ils tiraient de ce métier, ou encore la vie en collectivité au sein des appartements dans lesquels ils séjournaient temporairement dans les villes qui constituaient les principaux point d’ancrage de leur réseau marchand. Plus rarement, il est arrivé qu’ils fassent un retour chronologique pour parler de l’activité professionnelle de leurs parents. Dans ces cas là, je leur demandais de faire appel à leurs souvenirs les plus lointains afin qu’ils me fournissent des informations sur leurs pratiques tels qu’eux s’en souviennent, ou tels que leurs proches le leur contaient. Rares toutefois sont ceux qui ont été en mesure d’entrer dans le détail, mais, parmi les enquêtés les plus âgés, certains ont

réussi à décrire des pratiques agricoles et marchandes, à retracer des circuits de vente remontant aux premières années du XXe siècle. Quand bien même les différents récits

collectés sur cette époque « préfrontalière » [Givre et Sintès, 2015] faisaient état de pratiques similaires, ils restent néanmoins basés sur des histoires transmises de génération en génération et comportent de fait d’importantes approximations, en plus d’être vraisemblablement magnifiés. Faire appel à la mémoire des enquêtés m’a également permis de retracer avec plus de précision le processus d’établissement, de fonctionnement et de reproduction de la branche jordanienne du réseau marchand à l’époque contemporaine, et d’en identifier les acteurs clés.

Après cette longue séquence introductive, la suite de l’échange avait trait à des événements biographiques ultérieurs aux prémices de l’insurrection de mars 2011, à commencer par les ressorts de leur prise de décision migratoire. Cette étape de l’entretien marquait généralement le point de départ des récits collectés auprès des femmes de Deir Mqaren.29 Là encore, certains enquêtés passaient rapidement sur cet aspect de leur

parcours de vie, tandis que d’autres s’efforçaient de replacer cette bifurcation biographique dans un contexte politique et individuel plus large. Dans ces cas là, ils évoquaient principalement les exactions commises par le clan al-Assad depuis son arrivée au pouvoir en 1970, la chronologie de l’insurrection et des violences à l’échelle du village, ou encore les difficultés quotidiennes engendrées par la guerre. De nouvelles questions cherchaient ensuite à mieux comprendre les logiques et les stratégies migratoires des enquêtés, à identifier les localités et les routes qui composent leurs itinéraires, les moyens de transport utilisés et la durée de chacune des étapes du périple les ayant amené jusqu’à leur lieu d’installation en Jordanie. A partir de là, le contenu des échanges prenait une tournure plus géographique, tout en étant plus « contraints » par des relances fréquentes de ma part.

Identifier des imbrications entre des réseaux de lieux et des réseaux de personnes

Les informations collectées durant la première partie des entretiens permettent de comprendre l’influence des réseaux sur les pratiques de mobilités des habitants de Deir Mqaren dans le temps long. Elles contribuent également à éclairer certaines logiques de 29 Il s’agit là d’une des limites de cette étude, liée à ma conduite des entretiens et à mon approche qui se focalisait essentiellement sur les parcours migratoires des réfugiés. Mis à part avec Fadia, je n’ai pas réellement amené les femmes que j’ai interrogées à me parler de leurs conditions de vie à Deir Mqaren avant 2011. Les interroger sur leur vie quotidienne au village, notamment lors de l’absence temporaire de leurs maris partis au Liban ou en Jordanie dans le cadre de leur activité professionnelle aurait considérablement enrichi leurs récits de vie, ainsi que ma compréhension du lien entre les pratiques de mobilités des hommes et l’immobilité géographique de leurs épouses et enfants jusqu’au déclenchement du conflit.

« canalisation » et de « polarisation » des flux [Faret, 2003] au départ du village pour la période ultérieure à 2011. Toutefois, malgré une entrée par l’échelle micro adoptée à travers l’approche biographique, le récit de vie ne permet pas à lui seul de montrer de manière tangible les mécanismes relationnels qui permettent aux réfugiés de circuler au sein d’un espace transnational soumis à des régimes de mobilité coercitifs. Pour comprendre précisément comment les étapes des parcours migratoires des réfugiés syriens « se lient entre elles, se succèdent, se chevauchent » [Counilh, 2014 : 22], il est nécessaire de s’intéresser aux acteurs qui créent « des continuités et des connexions à priori improbables entre des

réseaux de lieux et des réseaux de personnes » [Tastevin et Pliez, 2015 : 122]. Il s’agit pour cela de

placer la focale sur le mouvement des individus ; d’appréhender leurs itinéraires « de l’intérieur », en s’intéressant aux acteurs qui interviennent sur des segments de routes et dans des localités variées, souvent distantes, afin de permettre aux réfugiés d’atteindre des destinations plus sûres et des conditions de vie plus conformes à leurs aspirations. Pour ce faire, j’ai cherché à collecter des informations précises sur les dimensions spatiales, relationnelles et temporelles de leurs périples.

Le deuxième temps des entretiens ne cherchait donc plus uniquement à mesurer l’influence des réseaux déjà établis avant le départ, mais plutôt à identifier l’ensemble des intermédiaires qui facilitent l’accès des réfugiés à des ressources distantes, le moment où ils interviennent dans leur parcours, ainsi que les localités à partir desquelles ils opèrent. L’échelle d’analyse ne porte donc pas uniquement sur les réseaux personnels des enquêtés, mais plutôt sur des « processus pouvant impliquer plusieurs acteurs, individuels ou

collectifs » [Grossetti, 2011 : 163]. En remontant les maillons de ces « chaînes

relationnelles » [Grossetti et al., 2011] dans une démarche géographique, il s’agit de s’intéresser à des « liens sociaux en train de se faire, et ceci non pas pour analyser les liens eux-mêmes,

mais plutôt les points qu’ils relient ou qui sont à relier, en les traçant dans un cadre géographique multisitué » [Tastevin et Pliez, 2015 : 123].

Pour saisir les imbrications entre des réseaux de lieux et des réseaux de personnes permettant de créer des continuités entre des espaces distants et discontinus, je me suis inspiré de la méthode des « expériences vécues » [Bertaux, 2010] ; utilisée sous le vocable « d’histoires de cas » [Grossetti et Barthe, 2008] ou de « récits de pratiques » [Grossetti, 2011], lorsqu’elle vise à identifier des processus impliquant plusieurs acteurs, qui ne se connaissent pas nécessairement entre eux. Ces dernières années, ce type de méthode -

popularisé dans les années 1970 par l’article fondateur de Mark Granovetter (1973) - a été utilisé pour mettre au jour des processus entrepreneuriaux, aussi bien au « Nord » [Grossetti et al., 2006 ; Grossetti et Barthe, 2008] qu’au « Sud » [Berrou et Gondard-Delcroi, 2012 ; Tastevin et Pliez, 2015]. Dans mon cas, il s’agissait d’appréhender des processus migratoires. Rejoignant Julien Brachet qui invite à « envisager

la migration comme un processus, comme [un] fait social caractérisé par la notion de « mouvement » (…) qui se réalise progressivement dans le temps et dans l’espace » [Brachet, 2012 : 548-549], j’ai sollicité

les enquêtés pour qu’ils décrivent en détail l’avancement de leur parcours entre le moment de leur départ de Deir Mqaren et leur installation hors camp en Jordanie. En m’inspirant des sociologues qui cherchent à identifier des chaînes relationnelles, j’ai tenté de reconstituer des chaînes de localités qui, mises bout à bout, forment la colonne vertébrale des itinéraires empruntés par les réfugiés entre la Syrie et la Jordanie30. A chaque fois

qu’une nouvelle étape était mentionnée, je leur faisais préciser quels moyens de transport ils avaient empruntés pour s’y rendre et le temps que cela leur avait pris. Cette démarche me permettait aussi de récolter des impressions plus subjectives sur leurs expériences des lieux et de la route. Je m’attachais ensuite à saisir les chaînes relationnelles activées - localement ou à distance - tout au long de leur parcours. A chaque fois que les enquêtés faisaient référence à une ressource externe liée à leur progression dans l’espace (information, argent, documents officiels, moyen de locomotion, passage d’une frontière, hébergement, services de santé), je leur demandais de préciser la façon dont cet accès s’était réalisé. Lorsqu’une nouvelle personne était mentionnée, je les sollicitais pour savoir si elle faisait partie de leur réseau personnel ou, dans le cas contraire, par l’intermédiaire de qui est-ce qu’ils étaient entrés en contact avec elle. Des questions supplémentaires visaient à permettre d’identifier la localisation de ces différents intermédiaires, leur nationalité, leurs activités ; autant d’interrogations auxquelles mes interlocuteurs n’étaient pas toujours en mesure d’apporter des réponses. Dans le prolongement de cette approche par les chaînes relationnelles, j’ai occasionnelement eu recours à des « générateurs de noms31 » afin d’appréhender le degré « d’éclatement géographique » des réseaux

personnels des enquêtés, ou encore afin de savoir aux côtés de qui ils avaient voyagé entre 30 Comme nous le verrons par la suite, la même méthode a été utilisée avec Yasmin, afin d’appréhender des processus similaires, mais pour un voyage plus long, entre la Jordanie et l’Allemagne.

31 Un générateur de noms est un outil qui utilise une ou plusieurs questions précises dans le but d’obtenir une liste contenant les noms des personnes qui forment un réseau personnel. A titre d’exemple, voici les générateurs les plus régulièrement utilisés au cours de cette enquête : « Citez l’ensemble de vos proches originaires de Deir Mqaren et résidant actuellement hors de Syrie ? ; Quelles sont les

personnes avez qui vous avez voyagé entre Deir Mqaren et votre destination finale (en Jordanie ou en Allemagne) ? ; Qui sont les personnes avec lesquels vous entreteniez le plus d’affinités en Syrie et maintenant ? ; Avec qui entretenez-vous le plus de contact par le biais d’outils de communication à distance ? ». Pour plus de détails sur cette méthode et ses utilisations possibles, lire l’article de Claire Bidart et Johanne Charbonneau

chacune des étapes de leurs parcours. Cette méthode, associée à celle des relevés généalogiques et à l’observation participante, m’a permis d’identifier des groupes de voyageurs constitués sur la base de relations de parenté ou de proximité sociale (amitié) et géographique (voisinage). Le dernier temps de l’entretien redevenait ensuite moins contraint et reprenait progressivement la forme d’un entretien semi-directif classique, destiné à collecter des impressions sur leurs pratiques quotidiennes en Jordanie, leurs relations avec la population locale, ou encore leurs projets migratoires.

Une méthode qui nécessite l’établissement de relations de confiance avec les enquêtés

La collecte de récits de pratiques s’est révélée être un exercice relativement délicat à