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Une th´ eorie de l’action adapt´ ee aux agents

6.2.1 Changement de vocabulaire : action devient influence

Propos´ee, du point de vue multi-agents, par Ferber [Ferber, 1999]1 puis d´evelopp´ee par Ferber et M¨uller dans [Ferber & M¨uller, 1996] (article que nous abr´egerons par F-M dans la suite de ce texte), cette mod´elisation de l’action s’attaque directement au probl`eme de la repr´esentation de la simultan´eit´e des actions dans les syst`emes multi-agents.

Elle est fond´ee sur des principes d’influences et de r´eactions aux influences. Dans ce mod`ele, un agent est consid´er´e comme une entit´e qui produit des influences sur son environnement et non des actions au sens que nous avons vu pr´ec´edemment, c’est-`a-dire par transformation directe des variables d’´etat de l’environnement. La diff´erence est fondamentale. Les influences produites par un agent ne modifient pas directement l’environnement mais repr´esentent plutˆot le d´esir d’un agent de le voir modifi´e d’une certaine fa¸con. Elles sont pour lui le moyen d’essayer de changer le cours des choses.

L’id´ee sous-tendue par cette approche est que le r´esultat effectif, sur l’environnement, de cette tentative de modification ne peut ˆetre calcul´e sans connaˆıtre l’ensemble des influences produites au mˆeme instant. En effet, comme nous l’avons d´ej`a not´e, le r´esultat de l’action d’un agent d´epend des autres actions qui sont produites simultan´ement. Notamment, du fait des autres actions, le but d’une action peut ˆetre contrari´e ou aboutir `a un r´esultat impr´evu. Un accident de la route en est le parfait exemple : en g´en´eral, les deux conducteurs n’ont pas l’intention de cr´eer un accident mais ils prennent, chacun de leur cˆot´e, des d´ecisions qui aboutissent `a cet accident.

Ainsi, en ne calculant pas directement le r´esultat d’une prise de d´ecision et en la mod´elisant sous la forme d’une influence, le but de cette d´emarche est de bien distinguer les gestes produits par les agents, les influences, de ce qui se passe effectivement compte tenu des autres gestes, c’est-`a-dire la r´eaction de l’environnement `a l’ensemble de ces influences. Pour calculer cette r´eaction, les influences sont consid´er´ees en fonction de ce que F-M appelle les lois de l’univers. C’est dans ces lois qu’est mod´elis´e le traitement de la simultan´eit´e. La figure 6.2 illustre ce principe.

Fig. 6.2 – Le principe Influence/R´eaction.

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6.2 Une th´eorie de l’action adapt´ee aux agents 119

6.2.2 Changement de point de vue : simultan´eit´e n’est pas conflit

Il est tr`es important de bien comprendre que cette approche n’a rien `a voir avec les tech- niques de r´esolution de conflits, mˆeme lorsque celles-ci int`egrent explicitement la simultan´eit´e `

a travers un raisonnement pouss´e comme celui que propose Travers par exemple (cf. section 3.5.3 page 66). L’id´ee est plutˆot que les influences produites par les agents ne sont jamais contradictoires. Elles sont toujours valides. Il convient simplement de trouver la r´esultante de leur combinaison.

Par exemple, dans une logique de r´esolution de conflits telle que nous l’avons pr´esent´ee pour le probl`eme de la porte, le calcul de l’´etat final du syst`eme consiste `a choisir entre deux ´etats incompatibles : la porte est ouverte du cˆot´e de l’agent 1 ou de l’agent 2. Au contraire, si l’on consid`ere que ces actions sont uniquement des influences, il devient naturel de pouvoir envisager une troisi`eme solution pour le nouvel ´etat du monde qui est que la porte ne s’ouvre pas sous l’effet de ces deux actions.

Ainsi, l’id´ee majeure du principe Influence/R´eaction est de se concentrer sur la mod´eli- sation des interactions qui d´ecoulent du collectif, au lieu de consid´erer les entit´es de mani`ere individuelle comme dans les approches classiques. Autrement dit, ce principe s’attaque v´eri- tablement `a d´ecrire l’aspect multi des syst`emes multi-agents. C’est pourquoi nous consid´erons que son application constitue non seulement un ´el´ement capital et incontournable dans le domaine des simulations multi-agents mais aussi, plus fondamentalement, que ce principe est intimement li´e au paradigme multi-agents et qu’il doit ˆetre `a la base des approches de concep- tion qui seront utilis´ees pour les plates-formes multi-agents du futur. Nous aurons l’occasion de justifier plus avant cette position dans le prochain chapitre. Nous verrons notamment que ce principe ne fait pas que r´esoudre le probl`eme de la simultan´eit´e mais qu’il constitue un moyen de concevoir des syst`emes multi-agents qui respectent et int`egrent clairement les contraintes intrins`equement impos´ees par le paradigme.

6.2.3 Un principe, des mod`eles

Le lecteur aura remarqu´e que nous utilisons le terme principe et non mod`ele. Cette d´e- nomination est volontairement utilis´ee pour bien distinguer l’approche Influence/R´eaction de son application. Encore une fois, le principe est de consid´erer que les agents n’ont pas un contrˆole direct sur le r´esultat que provoquent leurs actions et que l’ensemble des influences produites `a un mˆeme instant doit ˆetre connu pour pouvoir calculer le nouvel ´etat du monde en ´etudiant la combinaison de celles-ci.

De ce principe g´en´eral, plusieurs mod`eles peuvent ˆetre ´elabor´es pour permettre sa mise en œuvre. On peut notamment citer les travaux de D`avila et Tucci, qui ont ´elabor´e une plate- forme de simulation, Galatea, bas´ee sur un langage de programmation inspir´e par le mod`ele de F-M [D`avila & Tucci, 2000,D`avila & Uzc´agegui, 2000]. Les travaux de Weyns et Holvoet proposent aussi un mod`ele g´en´erique de syst`emes multi-agents situ´es qui prend explicitement en compte les actions simultan´ees [Weyns & Holvoet, 2003b,Weyns & Holvoet, 2003a].

Chacun de ces travaux vise `a am´eliorer/compl´eter le mod`ele de F-M en y apportant des modifications qui ont pour objet de lever certaines ambigu¨ıt´es et de permettre l’impl´emen- tation directe des mod`eles obtenus. Par exemple, outre la d´efinition de quelques ´equations suppl´ementaires, D`avila et Tucci ont judicieusement rajout´e une variable temporelle dans le mod`ele de F-M, comme nous l’avions d’ailleurs aussi propos´e dans [Michel, 2001].

Cependant, les mod`eles propos´es par ces travaux ont tendance `a complexifier l’application du principe Influence/R´eaction car ils sont tr`es influenc´es par l’impl´ementation sous-jacente envisag´ee. Ce qui a pour effet de les rendre difficilement g´en´eralisables.

C’est pourquoi nous allons tout d’abord pr´esenter les grandes lignes du mod`ele de F-M tel qu’il a ´et´e propos´e `a l’origine pour ensuite en proposer une adaptation pour la simulation qui int`egre les diff´erentes analyses qui ont ´et´e faites sur ce mod`ele, tout en restant `a un niveau d’abstraction suffisamment ´elev´e de mani`ere `a ne pas lui associer une impl´ementation particuli`ere.