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7.6 Interaction faible et interaction forte

7.6.6 Interpr´ etation formelle

Pour mieux comprendre les enjeux d’une telle distinction, il est int´eressant de lui donner une interpr´etation formelle `a l’aide du mod`ele Influence/R´eaction que nous avons pr´esent´e dans le chapitre pr´ec´edent. Dans le cadre de ce mod`ele, il existe une diff´erence notable dans la mani`ere dont les influences peuvent ˆetre trait´ees lors de la r´eaction. Dans la pratique, il est en effet possible de r´ealiser le calcul d’une r´eaction de deux mani`eres diff´erentes : en d´ecomposant le calcul global en r´eactions ´el´ementaires et ind´ependantes, ou alors, en calculant la r´eaction de

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l’environnement en traitant l’ensemble des influences de mani`ere simultan´ee, comme un tout. Par abus de langage, nous parlerons respectivement de r´eactions lin´eaires et de r´eactions non lin´eaires, en rapport `a la mani`ere dont les interactions sont trait´ees (cf. figure 7.7).

Fig. 7.7 – R´eaction lin´eaire et r´eaction non lin´eaire.

Consid´erons maintenant l’exemple suivant : soient δ(t) l’´etat dynamique d’un syst`eme lambda `a l’instant t et deux influences γ1 et γ2 produites `a ce mˆeme instant. De prime abord,

le nouvel ´etat dynamique δ(t + dt) du syst`eme est donn´e par l’application d’une fonction r´eaction telle que : δ(t + dt) = Reaction(δ(t), γ1, γ2). Essayons maintenant de voir ce qui se

passe, pour chaque type d’interaction, lorsque l’on essaie de d´ecomposer la r´eaction en traitant ind´ependamment les influences de mani`ere s´equentielle.

Pla¸cons-nous tout d’abord dans l’hypoth`ese o`u ces deux influences correspondent `a des actions identifi´ees comme ayant pour cons´equence une interaction faible. Comme nous l’avons vu, notre hypoth`ese de travail est de consid´erer que, dans ce cas pr´ecis, les influences peuvent non seulement ˆetre trait´ees simultan´ement mais aussi ind´ependamment et s´equentiellement sans pour autant remettre en cause la coh´erence paradigmatique et la s´emantique des calculs. Plus formellement, cela veut dire qu’il est possible de calculer une r´eaction de l’environnement `

a la premi`ere influence γ1, dans le sens o`u celle-ci peut engendrer `a elle seule une modification

de l’environnement. Autrement dit, il est possible de calculer un ´etat dynamique interm´ediaire δ0 en appliquant la fonction de r´eaction : δ0 = Reaction(δ(t), γ1). De la mˆeme mani`ere, on

peut maintenant calculer les cons´equences de la deuxi`eme influence sur δ0 de telle sorte que δ(t + dt) = Reaction(δ0, γ2). Bien sˆur, il est aussi possible de proc´eder dans l’ordre inverse

et de consid´erer tout d’abord la deuxi`eme influence. En tout cas, que ce soit dans un cas ou dans l’autre, les deux ´equations utilis´ees ont toutes les deux un sens ind´ependamment l’une de l’autre : elles expriment une r´eaction, calculable, du syst`eme ´etant donn´ee une influence (la diminution d’une ressource par consommation d’un agent par exemple). Elles gardent une s´emantique. Dans un langage math´ematique, il est donc possible, et potentiellement pertinent, de d´evelopper l’´equation pour appliquer un principe de r´eaction lin´eaire.

Comme le souligne la d´efinition7.4, cela ne veut pas dire pour autant que la mod´elisation d’une situation d’interaction faible ne n´ecessite jamais l’application d’une r´eaction non lin´eaire. En effet, on peut vouloir mod´eliser la simultan´eit´e de l’acc`es `a une ressource ou le fait que deux actions peuvent interf´erer entre elles. Par exemple, il est important de r´esoudre le conflit associ´e `a l’acc`es d’une mˆeme brindille si l’on consid`ere que les termites agissent simultan´ement, sans quoi on peut avoir des incoh´erences de simulation (la duplication d’une brindille par

exemple). Cependant, dans le cas des interactions faibles, l’utilisation d’un principe de r´eaction non lin´eaire correspond `a un choix de mod´elisation, et non `a une obligation li´ee au paradigme utilis´e. Il s’agit de r´epondre `a la question suivante : le mod`ele consid´er´e n´ecessite-t-il de traiter explicitement la simultan´eit´e ? Le mod´elisateur a donc ici la possibilit´e de faire un choix qui est uniquement li´e au grain de mod´elisation souhait´e, celui-ci ne remettant pas en cause la coh´erence paradigmatique.

Pla¸cons-nous maintenant dans l’hypoth`ese inverse, o`u les deux influences impliquent une situation d’interaction forte. Cette fois, les diff´erentes ´equations n’ont aucun sens lorsqu’elles sont prises s´epar´ement. Pour s’en rendre compte, il suffit de reprendre les mˆemes ´equations et de voir que, lorsqu’elles sont consid´er´ees ind´ependamment l’une de l’autre et s´equentiellement, cela ne permet pas de calculer le v´eritable nouvel ´etat du syst`eme. En effet, lorsqu’une influence est de nature `a provoquer une interaction forte, elle n’a absolument aucun effet sur le syst`eme lorsqu’elle est consid´er´ee ind´ependamment des autres influences du mˆeme type. Autrement dit, comme nous l’avons expliqu´e, ce type d’actions ne se suffit pas `a lui-mˆeme. Plus formellement, la r´eaction de l’environnement `a cette influence est invariablement nulle, c’est-`a-dire que l’on a Reaction(δ(t), γ1) = δ(t). De la mˆeme mani`ere, on obtiendra aussi un r´esultat nul lorsque

viendra le moment de calculer la r´eaction due `a la deuxi`eme influence. Dans ce cas pr´ecis, il est donc absolument n´ecessaire de consid´erer les deux influences simultan´ement pour que l’´equa- tion de r´eaction garde un v´eritable sens, et surtout pour qu’elle soit calculable. Autrement dit, la seule ´equation valable reste associ´ee `a un calcul o`u les deux influences sont consid´e- r´ees simultan´ement : δ(t + dt) = Reaction(δ(t), γ1, γ2). Par ailleurs, il est int´eressant de voir

que cette ´equation est encore plus explicite si on applique d’abord une r`egle de r´eduction sur les influences de mani`ere `a les factoriser. Autrement dit, γ1 et γ2 peuvent ˆetre somm´ees pour

donner une nouvelle influence γ3 qui exprime la vraie nature de leur composition et qui pourra

ainsi ˆetre trait´ee plus explicitement par la fonction de r´eaction. Par exemple, dans le contexte de la reproduction entre agents, on pourrait avoir γ1 = reproAttempa, γ2 = reproAttempb

et γ3 = (γ1⊕ γ2) = reproductiona+b. En d’autres termes, la somme de ces deux influences

repr´esente une influence particuli`ere dont le r´esultat sur l’environnement ne correspond pas `a la somme des r´esultats qui seraient obtenus si ces influences ´etaient consid´er´ees s´epar´ement. Nous verrons comment cette id´ee peut ˆetre concr`etement mise en œuvre dans le cadre du mod`ele formel que nous utiliserons dans le chapitre suivant. Ainsi, `a l’inverse d’une situation d’interaction faible, l’utilisation d’une r´eaction non lin´eaire ne correspond pas `a un choix de mod´elisation mais `a une obligation directement li´ee `a la nature des interactions fortes : le choix est cette fois impossible car une interaction forte n´ecessite la composition explicite des comportements. La figure7.8 illustre ces diff´erentes id´ees.

Fig. 7.8 – Une interaction forte est n´ecessairement li´ee `a une r´eaction non lin´eaire et `a la composition explicite des comportements.

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Au-del`a de ces diff´erences fondamentales, nous avons aussi une intuition `a propos des r´esultats issus des diff´erentes mani`eres de calculer les cons´equences d’une interaction faible. D’un point de vue global, nous pensons que les diff´erentes mani`eres de calculer le nouvel ´etat du monde sont ´equivalentes. En fait, bien qu’elles puissent ne pas donner les mˆemes valeurs pour les variables d’´etat du syst`eme dans son ensemble, nous pensons que les comportements globaux obtenus peuvent ˆetre consid´er´es comme ´equivalents dans la mesure o`u chacune des trois solutions ne remet pas en cause la coh´erence du calcul. Ce qui n’est pas vrai dans le cas des interactions fortes o`u le biais de mod´elisation peut remettre en cause la coh´erence et le sens premier du mod`ele. Autrement dit, dans le cas o`u deux influences impliquent une interaction faible, nous faisons l’hypoth`ese que :

Reaction(δ(t), γ1, γ2) ≈ Reaction(Reaction(δ(t), γ1), γ2) ≈ Reaction(Reaction(δ(t), γ2), γ1)

(7.1) Bien qu’ il ne s’agisse que d’une intuition, il y a l`a un point d’importance qui constitue `a n’en pas douter une perspective de travail int´eressante.