• Aucun résultat trouvé

Un syst`eme dynamique est avant tout d´efini par la fa¸con dont il ´evolue au cours du temps. De fait, une des caract´eristiques les plus importantes d’un mod`ele concerne la mani`ere dont l’´ecoulement du temps est repr´esent´e. Ainsi, bien que les mod`eles puissent ˆetre fortement h´et´erog`enes en regard des syst`emes qu’ils repr´esentent, ils peuvent ˆetre distingu´es en trois grandes cat´egories suivant la mod´elisation du temps qu’ils utilisent. Nous pr´esentons dans cette section ces trois grandes familles de mod`ele : les mod`eles continus, les mod`eles discrets et les mod`eles ´ev´enementiels.

2.5.1 Mod`eles continus

Les mod`eles `a temps continu sont caract´eris´es par le fait que, dans un intervalle de temps fini, les variables d’´etat du syst`eme changent de valeur infiniment souvent, c’est-`a-dire de 1Sans entrer dans le d´etail de cette notion complexe, l’´emergence peut ˆetre comprise comme l’apparition

inattendue, `a partir d’un syst`eme complexe, d’un ph´enom`ene qui n’avait pas sembl´e inh´erent aux diff´erentes parties de ce syst`eme. Ces ph´enom`enes ´emergeant ou collectifs montrent qu’un tout peut ˆetre sup´erieur `a la somme de ses parties [Minsky, 1986].

2.5 Les diff´erents mod`eles temporels utilis´es 31

mani`ere continue. La figure 2.4montre un exemple de l’´evolution de la valeur d’une variable d’´etat x en fonction du temps dans un mod`ele continu.

0 5 10 15 0,0 0,5 1,0 1,5 2,0 2,5 3,0 3,5 Temps XX

Fig. 2.4 – Evolution d’une variable dans un mod`ele continu.

Par exemple, la quantit´e d’eau x pr´esente dans un r´ecipient qu’on est en train de remplir peut ˆetre repr´esent´ee par une variable d’´etat qui varie continuellement. Pour calculer l’´evolu- tion d’une telle variable, il est donc n´ecessaire de connaˆıtre son taux de variation au cours du temps, c’est-`a-dire dx(t)/dt. Ce taux de variation est lui-mˆeme une fonction du temps (le d´ebit Deb(t) par exemple). Ce mod`ele tr`es simple est donc repr´esent´e par l’´equation diff´erentielle suivante : dx(t)/dt = Deb(t). Ainsi, tous les mod`eles continus sont repr´esent´es par un ensemble d’´equations diff´erentielles plus ou moins complexes selon les cas. Le formalisme de base associ´e `

a ce type de mod`eles est appel´e Differential Equation System Specification DESS. Pour plus de d´etails sur ce type de mod`eles on peut se r´ef´erer au livre de Cellier [Cellier, 1991a]. Bien que ce type de mod`eles soit naturellement adapt´e `a la mod´elisation de ph´enom`enes physiques r´eels (en utilisant directement les ´equations de la physique), ils sont aussi utilis´es pour d´e- crire toutes sortes de dynamiques. Un des mod`eles continus les plus connus est d’ailleurs celui qui a ´et´e propos´e en 1926 par Volterra pour d´ecrire la dynamique d’un ´ecosyst`eme de type proies/pr´edateurs `a l’aide de deux ´equations diff´erentielles.

2.5.2 Mod`eles discrets

Dans ce type de mod`eles, l’axe du temps est discr´etis´e suivant une p´eriode constante ∆t appel´ee le pas de temps2. L’´evolution des variables d’´etat du syst`eme se fait alors de mani`ere discr`ete, c’est-`a-dire instantan´ee, d’un instant t au suivant t + ∆t. La figure 2.5 montre un exemple de l’´evolution d’une variable d’´etat x en fonction du temps dans un mod`ele discret.

La construction de ce type de mod`eles implique de d´ecrire les fonctions qui permettent de calculer l’´etat du syst`eme, pour un nouvel instant t + ∆t `a partir de son ´etat `a l’instant t. De mani`ere simplifi´ee, soit σ(t) l’´etat global du syst`eme (´etat interne, entr´ee et sortie) `a l’instant t, il existe une fonction φ de la forme suivante : σ(t + ∆t) = φ(σ(t)). On peut ainsi connaˆıtre l’´etat du syst`eme pour tout instant t en calculant successivement tous les ´etats interm´ediaires `

a partir d’un ´etat initial. 2

Le pas de temps ∆t est g´en´eralement une valeur enti`ere mais cela n’est pas une obligation. Le fait est que l’on peut toujours se ramener `a une valeur enti`ere ´etant donn´e que ∆t est une constante.

Fig. 2.5 – Evolution d’une variable dans un mod`ele discret.

Dans le d´etail, on distingue plusieurs types de mod`eles discrets suivant la nature des fonctions qui impl´ementent la dynamique du syst`eme. Par exemple, dans le formalisme de base associ´e `a cette approche, qui est appel´e Discrete Time System Specification DTSS, la dynamique d’un syst`eme est mod´elis´ee par deux fonctions. La premi`ere est la fonction de transition d’´etat δ : Q × X 7→ Y . Elle d´efinit comment est calcul´e le nouvel ´etat interne du syst`eme en fonction d’une entr´ee. La deuxi`eme, la fonction de sortie λ, peut ˆetre d´efinie de plusieurs mani`eres. Lorsqu’elle ne prend en compte que l’´etat interne pour calculer un r´esultat en sortie, on parle d’un syst`eme de type Moore : λ : Q 7→ Y . Lorsqu’elle prend aussi en compte l’entr´ee courante, le syst`eme est de type Mealy : λ : Q × X 7→ Y . Il existe aussi des syst`emes dits sans m´emoire pour lesquels λ ne prend en compte que l’entr´ee courante : δ : X 7→ Y . Cette distinction est tout `a fait cruciale dans le cas des syst`emes compos´es o`u la sortie d’un composant peut constituer l’entr´ee d’un autre. Dans le cas d’un composant de type Mealy, le r´esultat observ´e en sortie est directement fonction de la valeur en entr´ee qui va ainsi influencer instantan´ement le composant suivant. Au contraire, dans un composant de type Moore, la sortie ne d´epend que de l’´etat interne et l’influence de la valeur d’entr´ee est retard´ee d’un pas de temps. C’est par exemple le cas dans les automates cellulaires o`u l’ensemble des cellules est de type Moore. En effet, le nouvel ´etat d’une cellule est d´etermin´e en fonction de l’´etat courant de ses voisines. Ainsi, le changement d’´etat d’une cellule est tout d’abord stock´e dans une variable temporaire qui sera valid´ee uniquement lorsque le calcul de l’ensemble des nouveaux ´etats des cellules est termin´e. Le c´el`ebre exemple du Jeu de la vie de Conway suit ce principe.

Cette repr´esentation du temps a un franc succ`es dans le domaine de la simulation multi- agents et nous aurons l’occasion de revenir en d´etail sur celle-ci. Nous verrons que bien que les simulations multi-agents qui utilisent un mod`ele discret soit rarement formalis´ees, les tech- niques de simulations qu’elles emploient peuvent ˆetre rapproch´ees de ces deux principaux types de fonctionnements : les simulations de type Moore ou des variables tampons sont utilis´ees et les simulations de type Mealy o`u les actions sont directement valid´ees.

2.5.3 Mod`eles `a ´ev´enements discrets

La troisi`eme grande cat´egorie de mod`eles est celle des mod`eles `a ´ev´enements discrets. Paradoxalement, dans ce type de mod`ele, l’axe temporel est g´en´eralement continu, c’est-`a-dire repr´esent´e par un nombre r´eel. Cependant, au contraire des mod`eles continus, les variables d’´etat du syst`eme changent de mani`ere discr`ete (instantan´ee) `a des instants pr´ecis qui sont

2.5 Les diff´erents mod`eles temporels utilis´es 33

appel´es ´ev´enements. La figure2.6montre un exemple de l’´evolution d’une variable d’´etat x en fonction du temps dans un mod`ele ´ev´enementiel.

Evénement discret 0 5 10 15 0,0 1,0 2,0 3,0 4,0 Temps X X

Fig. 2.6 – Evolution d’une variable dans un mod`ele ´ev´enementiel.

Dans ce type de mod`ele, la dynamique du syst`eme est donc d´efinie par la nature et la date des ´ev´enements qui interviennent. On distingue deux types d’´ev´enements : les ´ev´enements externes qui sont produits par l’environnement ext´erieur et pris en compte au niveau de l’entr´ee du composant syst`eme et les ´ev´enements internes qui sont produits par le syst`eme lui-mˆeme et dont le r´esultat est observ´e en sortie du composant. La simulation de files d’attentes est un exemple classique de l’utilisation de mod`eles ´ev´enementiels. Dans ce type de simulation, on distingue par exemple des ´ev´enements tels que l’arriv´ee d’une nouvelle entit´e dans une file d’attente, le d´ebut d’un traitement et la fin d’un traitement.

Le formalisme de base utilis´e pour la sp´ecification des mod`eles ´ev´enementiels est le Dis- crete Event System Specification qui est not´e DEVS [Zeigler et al. , 2000]. Mˆeme rapide- ment, il nous faut ici en donner une courte description. D’une part parce que ce forma- lisme concr´etise les concepts de la th´eorie des syst`emes d’une mani`ere simple et explicite. D’autre part parce qu’il constitue aussi une base qui peut ˆetre utilis´ee pour d´efinir de nom- breux autres formalismes, notamment Parralel DEVS dont nous parlerons dans le prochain chapitre. Dans sa forme la plus simple et la plus classique, une sp´ecification DEVS est une structure M = hX, S, Y, δint, δext, λ, tai qui mod´elise un syst`eme dynamique telle que :

– X est le domaine des valeurs possibles en entr´ee. – S est le domaine des valeurs possibles de l’´etat interne. – Y est le domaine des valeurs possibles en sortie. – δint: S 7→ S est la fonction de transition interne

– δext: Q×X 7→ S est la fonction de transition externe o`u Q = {(s, e)|s ∈ S, 0 ≤ e ≤ ta(s)}

est le domaine de l’´etat total avec e le temps ´ecoul´e depuis la derni`ere transition d’´etat. – λ : S 7→ Y est la fonction de sortie

– ta : S 7→ R+ est la fonction d’avancement du temps

Tr`es rapidement, cette structure d´efinit un m´ecanisme de transition d’´etat o`u il existe deux cas de figure suivant qu’un ´ev´enement externe survient ou non. Lorsqu’aucun ´ev´enement externe ne survient, le syst`eme reste dans l’´etat s pendant un temps ta(s) (temps de repos). Une fois ce temps ´ecoul´e, c’est-`a-dire lorsque e = ta(s), le syst`eme produit une valeur λ(s) en sortie et passe dans un ´etat s0, calcul´e par la fonction de transition interne, tel que s0 = δint(s).

´etat s0 calcul´e par la fonction de transition externe tel que s0 = δext(s, e, x). Ce qui d´efinit de

fait un nouveau temps de repos ta(s0)3.

On trouve une description tr`es compl`ete de ce formalisme dans les r´ecents travaux de Duboz [Duboz, 2004]. Nous donnons cette r´ef´erence car elle propose par ailleurs une utilisation pouss´ee de ce formalisme dans le contexte de la mod´elisation de syst`emes multi-agents.

Par ailleurs, nous tenons `a mentionner l’existence de formalismes comme Discrete Event and Differential Equation System DEV&DESS permettant d’´elaborer des mod`eles hybrides [Praehofer et al. , 1993]. En effet, certains syst`emes ne peuvent ˆetre mod´elis´es de mani`ere ad´equate en utilisant une approche purement continue, ou `a l’inverse purement discr`ete [Cellier, 1986].