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Jusqu’`a pr´esent, nous nous sommes principalement int´eress´e aux probl`emes li´es `a l’´etude de la relation de simulation. Comme nous l’avons vu dans la section2.8.3du chapitre2(page 41), un autre aspect fondamental de la th´eorie de la M&S consiste dans l’analyse de la relation de mod´elisation. Cette relation soul`eve la question suivante : le mod`ele ´etudi´e est-il valide ´etant donn´e le cadre exp´erimental consid´er´e ? Autrement dit, il s’agit l`a d’´evaluer la qualit´e d’un mod`ele et non plus de savoir si son impl´ementation est correcte. Il ne s’agit plus de v´erifier concr`etement la mise en œuvre du mod`ele mais de valider l’approche qui a ´et´e utilis´ee pour le construire.

7.3.1 La validit´e d’un mod`ele multi-agents : question vaste et difficile De par la nature et la complexit´e des mod`eles envisag´es, il est dans certains cas tr`es difficile de juger de la validit´e d’une simulation multi-agents. D’une part, on ne dispose pas toujours d’une base de donn´ees comportementale sur le syst`eme, auquel cas les r´esultats de la simulation ne peuvent pas ˆetre v´erifi´es d’un point de vue quantitatif. D’autre part, en s’int´eressant `a la mod´elisation d’un ensemble d’entit´es autonomes en interaction, les simulations multi-agents cherchent `a repr´esenter des processus complexes pour lesquels on ne pourra sans doute jamais poss´eder un mod`ele d´efinitif. A l’heure actuelle, si l’on peut simuler un syst`eme m´ecanique r´eel avec une grande pr´ecision en utilisant les lois de la physique newtonienne, nous sommes encore loin de pouvoir pr´etendre mod´eliser avec la mˆeme confiance des processus aussi complexes que ceux que l’on peut trouver dans une soci´et´e humaine par exemple.

Par ailleurs, lorsque le syst`eme source ´etudi´e est virtuel, l’objectif de la simulation est avant tout de disposer d’un outil de r´eflexion suppl´ementaire. Par exemple, dans le domaine de la vie artificielle, la simulation est beaucoup plus un exercice de mod´elisation/compr´ehension que de pr´ediction, comme le souligne tr`es justement Cariani ([Cariani, 1991]) :

“The interesting emergent events that involve artificial life simulations reside not in the simulations themselves, but in the ways that they change the way we think and interact with the world.”

Ainsi, il semble en effet tr`es difficile de traiter les diff´erents aspects li´es `a l’´etude de la relation de mod´elisation dans le cadre de la simulation multi-agents. La coh´erence reproductive, la coh´erence ´evolutive et la coh´erence structurelle (cf. section 2.8.3 page 41) sont autant de notions que nous sommes g´en´eralement dans l’impossibilit´e d’´etudier.

7.3.2 Approche classique

D’une mani`ere g´en´erale, l’aspect du mod`ele dont la validit´e est ´etudi´ee concerne l’ad´e- quation entre celui-ci, les r´esultats obtenus et les connaissances du sp´ecialiste du domaine. Par exemple, le fait qu’un agent puisse se reproduire plus d’une fois par tour a ´et´e jug´e peu r´ealiste par Lawson et Park et cette remarque les a amen´es `a modifier le mod`ele. Dans ce

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cadre, c’est la qualit´e conceptuelle du mod`ele qui est analys´ee. L’une des principales conclu- sions que Lawson et Park tirent par exemple de leurs travaux est qu’un principe ´ev´enemen- tiel convient mieux qu’une simulation `a pas de temps constant pour la mod´elisation d’une soci´et´e artificielle. Il s’agit ainsi pour eux de valider une approche de mod´elisation par rap- port `a une autre en fonction d’un cadre exp´erimental pr´ecis. La plupart des travaux qui traitent de la validit´e des simulations multi-agents se focalisent sur cette probl´ematique (cf. [Axtell, 2000a,Huberman & Glance, 1993] par exemple). En g´en´eral, une telle ´etude s’accom- pagne d’une analyse de sensibilit´e du mod`ele aux diff´erents param`etres qui le composent. Ce qui facilite l’identification des points du mod`ele o`u les principes de mod´elisation utilis´es ont une grande importance.

Bien qu’une telle analyse soit indispensable, elle est cependant tr`es difficilement g´en´era- lisable. En effet, la validation de ces aspects de la mod´elisation est une tˆache extrˆemement subjective. En effet, elle est en grande partie li´ee `a l’interpr´etation que l’expert du domaine fait des r´esultats observ´es. Dans la section4.3.1(page84), nous avons sugg´er´e que le programmeur est sujet `a de nombreuses tentations. Il en va de mˆeme en ce qui concerne le mod´elisateur. Celui-ci peut ˆetre tent´e de valider la mod´elisation lorsque les r´esultats obtenus par la simula- tion sont en accord avec sa propre intuition et, inversement, il peut consid´erer que le mod`ele doit ˆetre modifi´e si les r´esultats escompt´es ne sont pas au rendez-vous. En fait, dans le domaine de la simulation multi-agents, on est beaucoup plus dans une approche d’appr´eciation que de validation des mod`eles.

7.3.3 N´ecessit´e d’int´egrer de nouveaux aspects dans la validation des simu- lations orient´ees multi-agents

Il n’existe ainsi aujourd’hui aucun crit`ere objectif qui permette de d´eterminer la validit´e du processus de mod´elisation d’un syst`eme multi-agents. En l’´etat, rien ne nous permet donc de dire que l’un des trois mod`eles que nous avons pr´esent´es pour l’interaction de reproduction est plus valide que les autres. Tout au plus peut-on dire que les deux derniers semblent plus coh´erents car ils interdisent les reproductions multiples, ce qui reste un point de vue. Ce dont nous avons ici besoin, c’est de moyens pragmatiques et invariants d’´evaluer la validit´e intrins`eque d’un mod`ele multi-agents. Sans cela, mod´eliser un syst`eme multi-agents reste un exercice scientifique pour lequel il n’existe pas de lignes directrices et o`u le bon sens fait office de principe de bonne mod´elisation. [David et al. , 2002] propose une introduction et une analyse tr`es int´eressantes de cette probl´ematique. Nous rejoignons compl`etement le point de vue de ces auteurs qui font l’analyse suivante de la situation :

“The logic underlying this strategy is that if a program is correctly verified then its outputs are entailed by the conceptual model specification. This assertion would in fact be correct if we could rigorously verify the correctness of reasonable com- plex code ... In our vision, reliability is presently the fundamental problem in ABS (Agent Based Simulation). The problem of validation has been an important re- search issue, but are we adopting the right principles ? Should we insist with the use of classic approaches and assumptions in regard to verification ? ... Neverthe- less, is there an alternative software process for ABS ? At the present maturing stage of ABS there is not yet an answer to these questions.”

Une des id´ees tr`es int´eressantes de cet article est de proposer une sp´ecification qui fait le lien entre le mod`ele conceptuel et son impl´ementation. Les auteurs proposent notamment d’´etudier les liens qui existent entre la mod´elisation du niveau micro et la mod´elisation du

niveau macro grˆace `a une d´efinition non ambigu¨e de ces deux notions, aussi bien dans le mod`ele que dans son impl´ementation. Ce qui facilite la tra¸cabilit´e de ces m´ecanismes, et donc leur analyse. Nous pensons que l’id´ee majeure qu’il faut retenir de cet article est la volont´e affich´ee par les auteurs de d´esenchanter la complexit´e de la dynamique d’un syst`eme multi-agents. En identifiant concr`etement, dans le processus de mod´elisation, des concepts comme l’interaction du niveau micro avec le niveau macro, elle en permet effectivement une ´etude objective et pragmatique.

Nous pensons nous aussi qu’une telle approche est aujourd’hui fondamentale et qu’il est important que la mod´elisation d’un syst`eme multi-agents soit effectu´ee dans un contexte o`u le vocabulaire que nous utilisons d´esigne des aspects concrets et invariables du mod`ele et de son impl´ementation. C’est dans ce but que nous avons identifi´e un module des interactions ; pour en permettre l’´etude. Nous pensons en effet qu’une grande partie de la dynamique d’un syst`eme multi-agents se joue dans la repr´esentation de l’interaction et qu’il est donc important de la consid´erer comme un point de mod´elisation `a part enti`ere, comme le montre tr`es bien l’exp´erience de Edmonds et Hales. L’id´ee principale est ici de fournir des ´el´ements de r´eflexion g´en´eraux qui, en int´egrant les sp´ecificit´es du paradigme agent, permettent effectivement d’´etu- dier des aspects de la relation de mod´elisation qui ne soient pas uniquement li´es au domaine d’application. Il est aujourd’hui fondamental d’essayer d’exhiber des principes de mod´elisa- tion multi-agents qui soient applicables quelle que soit la nature du mod`ele consid´er´e. Dans cette optique, nous allons ici proposer une r´eflexion sur une notion centrale du paradigme agent : l’autonomie. Une fois que nous aurons clairement d´efini ce que nous comprenons de cette notion, nous disposerons alors d’un ´el´ement d’appr´eciation objectif qui nous permettra de proposer une analyse de la validit´e du module des interactions suivant un nouveau principe de coh´erence que nous introduirons : la coh´erence paradigmatique.