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Classe VI : défaut de stabilité de la protéine mature

6. Stratégies de thérapies curatives

6.3 Thérapie pharmacologique

Différentes approches pharmacologiques sont développées actuellement pour le traitement de la mucoviscidose. La première consiste à corriger le défaut de sécrétion chlorure dépendante du CFTR. La seconde consiste à activer une voie alternative de sécrétion d’ions chlorures non-dépendante du CFTR (cf figure 12).

a. Thérapie pharmacologique du CFTR

La classification de Welsh et Smith (Welsh & Smith, 1993) permet de prédire le phénotype des patients CF. La thérapie pharmacologique de la mucoviscidose va donc s’orienter vers la recherche de médications adaptées et personnalisées pour chaque groupe de patients. En effet, pour les mutations de classe II, l’identification d’agents pharmacologiques permettant de corriger l’adressage de la protéine CFTR est nécessaire. De la même façon, les molécules qui stimulent l’activité du CFTR muté sont plus adaptées pour les mutations de classe III et IV ou pour les mutations de classe II en combinaison avec un correcteur.

α. Thérapie pharmacologique adaptée aux mutations de classe I

Les mutations de classe I incluent des mutations non-sens et des mutations produisant un codon stop prématuré. Pour les patients présentant ce type de mutation, la découverte de molécule permettant de supprimer cet arrêt précoce de la transcription présente un intérêt thérapeutique majeur. Ces recherches ont été initiées avec la gentamicine, un aminoglycoside bactérien (Bedwell et al., 1997; Wilschanski et al., 2003) qui se lie à l’ARN ribosomique de la cellule hôte et augmente le taux d’erreur de lecture par le ribosome. Il a été démontré, par des mesures de la différence de potentiel nasal, que l’exposition à court terme de l’épithélium nasal à la gentamicine corrige les anomalies éléctrophysiologiques chez les patients présentant un codon stop (Wilschanski et al., 2003).

Plus récemment, PTC-thérapeutique a développé une petite molécule pharmacologique, le PTC-124 (acide benzoïque 3-[5-(2-fluorophenyl)-1,2,4-oxadiazol-3-yl]) renommé ataluren. Cette molécule a été dessinée dans le but de diminuer la sensibilité des ribosomes afin qu’ils

d’évaluer les effets, la pharmacodisponibilité et la toxicité de l’ataluren chez des enfants présentant des mutations de classe I. Les premiers résultats ont mis en évidence que la molécule a été bien tolérée par les enfants. De plus, il a été démontré que le traitement avec Ataluren permet la production d’un CFTR fonctionnel localisé à la membrane apicale des cellules (Sermet-Gaudelus et al., 2010). Cette molécule apparaît donc très intéressante pour le traitement des patients portant des mutations de classe I (Figure 16).

Figure 16 : Schéma explicatif du fonctionnement de l’Ataluren

(Modifié d’après www.ptcbio.com)

β. Thérapie pharmacologique adaptée aux mutations de classe II

La mutation de classe II F508del-CFTR est la plus fréquemment retrouvée chez les patients. Cette mutation perturbe la maturation de la protéine CFTR et induit sa dégradation par le protéasome. Cependant, lorsque cette protéine est adressée à la membrane apicale, elle est capable de fonctionner comme un canal chlorure. Les efforts se concentrent donc à la recherche de composés pouvant augmenter la quantité de protéines CFTR à la membrane des cellules, ces molécules sont appelées correcteur de CFTR (Tableau 5).

Protéine fonctionnelle Protéine tronquée Transcription normal Transcription incomplète Protéine fonctionnelle Signal stop normal

Signal stop normal

Signal stop normal Signal stop prématuré

Ataluren facilite la transcription Transcription incomplète

Tableau 5 : Tableau récapitulatif des correcteurs de CFTR.

Pour exemple, en 2006, notre laboratoire a identifié une nouvelle molécule capable de corriger l’adressage défectueux de la protéine F508del-CFTR, il s’agit du miglustat ou NB- DNJ (N-butyldeoxynojirimcyn ; Norez et al., 2006). Cette molécule également appelée Zavesca® est déjà indiquée pour le traitement des patients atteints de la maladie de Gaucher de type 1 (Ficicioglu, 2008). Le miglustat est un inhibiteur de l’α-1,2 glucosidase du réticulum endoplasmique (McCormack & Goa, 2003). Le fait d’inhiber l’α-1,2 glucosidase provoque une accumulation du CFTR muté sous sa forme glycosylée GlcNAc2Man9Glc3. Cette forme n’est alors pas reconnue par les protéines chaperonnes telle que la calnexine, ce qui lui permet

Molécules Mécanisme d’action Références

IBMX, sildenafil, vardenafil,

zaprinast et KM11060 Inhibiteurs des phosphodiesterases

(Drumm et al., 1991; Dormer et al., 2005; Lubamba et al., 2008;

Poschet et al., 2007; Robert et al., 2008) Thapsigargine et curcumin Inhibiteurs de la pompe calcium ATP-ase (Egan et al., 2002; Egan et al., 2004)

4-PBA, deoxyspergualine,

geldanamycine et herbimycine A Inhibiteurs des protéines chaperonnes

(Rubenstein et al., 1997; Choo-Kang & Zeitlin, 2001;

Jiang et al., 1998; Norez et al., 2008b; Norez et al., 2008a) Miglustat Inhibiteurs de glucosidases

(Norez et al., 2006; Norez et al., 2009; Lubamba et al., 2009) Dynasore Inhibiteurs de l’endocytose (Young et al., 2009) Bortezomib Inhibiteur du protéasome (Vij et al., 2006) Correcteurs 2a, 3a, 4a et 4b (Pedemonte et al., 2005b) Bithiazoles et pyrazolythiazoles (Ye et al., 2010) Acide anthranlilque et glafénine (Robert et al., 2010)

VX-325 ET VX-809

Inconnu

(Van Goor et al., 2006; Rowe et al., 2010)

Figure 17 : Action du miglustat sur le cycle de la calnexine.

(Modifiée d’après Ellgaard, 2003)

Une fois cette étape franchie, la protéine F508del-CFTR va suivre le cheminement du CFTR non-muté jusqu’à la membrane plasmique.

Récemment, il a été démontré que l’exposition journalière de cellules nasales humaines CF à 100 µM de miglustat pendant 2 mois induisait une correction stable, progressive et réversible du F508-CFTR (Norez et al., 2009). De plus, il a été mis en évidence que le miglustat inhibe l’hyperabsorption de sodium(Noel et al., 2008) et régule l’homéostasie calcique (Antigny et al., 2008). L’efficacité du miglustat a également été démontrée in vivo sur un modèle de souris cftrF508del/F508del. En effet, l’administration intra-nasale de miglustat normalise les

conductances sodium et chlorure(Lubamba et al., 2009). Des investigations supplémentaires ont mis en évidence que le miglustat diminue l’expression de l’interleukine-8 et des molécules

Complexe du translocon Ribosome ER exit site ERAD Site de sortie du RE Complexe du translocon EDEM a1,2-mannosidase I ERp57 Glucosidase II Glucosidases I and II N-glycanes Chaîne protéique Calnexine Mannose Glucose UDP-glycoprotein glucosyltransferase Complexe du translocon Ribosome ER exit site ERAD Site de sortie du RE Complexe du translocon EDEM a1,2-mannosidase I ERp57 Glucosidase II Glucosidases I and II N-glycanes Chaîne protéique Calnexine Mannose Glucose UDP-glycoprotein glucosyltransferase Complexe du translocon Ribosome ER exit site ERAD Site de sortie du RE Complexe du translocon EDEM a1,2-mannosidase I ERp57 Glucosidase II Glucosidases I and II N-glycanes Chaîne protéique Calnexine Mannose Glucose UDP-glycoprotein glucosyltransferase

(Dechecchi et al., 2008). Le miglustat est actuellement en essai clinique de phase II (http://www.actelion.com).

Les composés quinzoline identifiés lors du screening d’une librairie de composés développés par Vertex Pharmaceutique présentent également des propriétés intéressantes en vue d’un développement clinique. En effet, il a été décrit que l’incubation de 10 µmol/L du composés quinzoline VRT-325 pendant 16 heures corrige la réponse forskoline du F508del- CFTR. Cette réponse est maintenue pendant 36 heures après l’élimination de la molécule puis diminue (Van Goor et al., 2006). Il a été démontré récemment que le composé VRT-325 augmente la sécrétion chlorure sur un modèle de cellules polarisés de tyroïde de rat (FRT), alors qu’il n’a pas d’effet sur un modèle de cellules épithéliales bronchiques humaines polarisées (Bebok et al., 2005; Rowe et al., 2010). Ce travail suggère l’importance du modèle utilisé pour la détection du réadressage du F508del-CFTR. Le composé VRT-325 ne fait pas encore l’objet d’un essai clinique.

Par contre, le composé VX-809 également développé par Vertex Pharmaceutique et formulé pour une administration orale fait l’objet d’un essai clinque de phase II débuté en mars 2009. Il s’agit d’un essai clinique multicentrique (Etats-Unis, Canada, Belgique, Allemagne et Pays- Bas) randomisé et en double aveugle incluant 90 patients porteurs de la mutation F508del- CFTR. Les résultats de cet essai ne sont pas encore disponibles mais il a été rapporté que le VX-809 restore la fonction du F508del-CFTR (http://www.vpharm.com).

γ. Thérapie pharmacologique adaptée aux mutations de classe II à V

Il existe de nombreuses molécules capables de stimuler la fonction de la protéine CFTR (cf 4.1 activateurs et potentiateurs du CFTR) mais seulement un petit nombre non toxiques et spécifiques du CFTR pourraient être utilisées en thérapie pharmacologique (Tableau 6).

Tableau 6 : Récapitulatifs des molécules potentiellement utilisables en thérapie pharmacologique.

Pour exemple, Vertex Pharmaceutique a identifié des pyrazoles capables de stimuler la fonction du canal CFTR, ces molécules peuvent donc agir sur les mutations de classe III, IV, V et sur les mutations de classe II préalablement réadressées à la membrane par un correcteur de CFTR. Par exemple, il a été décrit que le pyrazole VX-770 augmente, in vitro, la probabilité d’ouverture et la conductance chlorure du G551D-CFTR. Le VX-770 est le premier potentiateur de CFTR en essai clinique sur des patients CF portant des mutations de classe III. L’essai clinique de phase IIa a été conduit sur des patients portant la mutation G551D. Il s’agit d’un essai randomisé, en double aveugle sur deux périodes de 14 jours. Au bout de seulement 14 jours de traitement avec 150 mg de VX-770, les premiers résultats communiqués montrent une diminution de la concentration des ions chlorure dans la sueur, une augmentation significative du potentiel nasal, et du volume expiratoire forcé en 1 seconde (FEV1) par rapport aux patients placebo. De plus, le composé a été bien toléré chez

l’ensemble des patients traités (http://www.vpharm.com).

Familles Molécules Potentialisation Stade Publications

Ginsenoside, limonoide et vitamine C Ginsenoside, limonoide et vitamine C wt-, G551D- et F508del-CFTR Préclinique (Sousa et al., 2007; DeCarvalho et al., 2002; Fischer et al., 2004) Epices Curcumin et capaisine F508del-CFTR wt-, G551D- et Préclinique Berger et al., 2005b) (Ai et al., 2004; Dérivé sulfamoylé

et Phenylglycine

substittuée SF-03 et PG-01

wt-, G551D- et

F508del-CFTR Préclinique (Pedemonte et al., 2005c) Pyrrolopyrazines RP107 et RP108 F508del-CFTR wt-, G551D- et Préclinique (Noel et al., 2006)

Hydroxybenzoate hydroxybenzoate Butyl-p- wt- et F508del-CFTR Préclinique (Ge et al., 2009) Analogue de

l’ATP Analogue de l’ATP wt-, G551D- et F508del-CFTR Préclinique (Miki et al., 2010) Pyrazole VX-770 G551D-CFTR Phase IIa (http://www.vpharm.com)

δ. Molécules à double-activité

Le criblage de petit composé ciblant le CFTR, a permis d’identifier des agents ayant une double action sur le CFTR, à la fois correcteur et potentiateur du F508del-CFTR. En effet, ces molécules sont capables à la fois de corriger l’adressage de F508del-CFTR et de stimuler la sécrétion d’ions chlorure par le F508del-CFTR. Parmi eux, quelques molécules présentent des propriétés intéressantes telles que les aminoarylthiazoles et la famille des benzoquinolizinium (Derand et al., 2001).

Il a été démontré que les composés aminoarylthiazoles augmentent la réponse à la forskoline du F508del-CFTR (Becq, 2010). Des effets similaires sont observés sur les mutants de classe III, G551D, G1349D et D1152H. Cependant, les aminoarylthiazoles ne sont pas capables d’activer le CFTR en absence de forskoline. Au contraire, les dérivés MPB sont des activateurs directs du CFTR sauvage et du CFTR portant des mutations de classe II (F508del) et de classe III (G551D) (Becq et al., 1999; Derand et al., 2001; Dormer et al., 2001; Marivingt-Mounir et al., 2004; Norez et al., 2008a). Certains MPB sont également des correcteurs efficaces du F508del-CFTR. Ils inhibent la dégradation du CFTR muté et favorisent donc sa relocalisation à la membrane apicale des cellules épithéliales CF (Stratford et al., 2003; Norez et al., 2008a). Ces agents présentent un intérêt thérapeutique majeur car ils peuvent à la fois restaurer le F508-CFTR à la membrane mais également stimuler son activité, cependant certains d’entre eux présentent une toxicité élevée.

Des travaux récents montrent la possibilité de combiner une molécule potentiatrice et une molécule correctrices de CFTR afin d’obtenir un agent à double-activité. En 2009, une molécule hybride contenant un fragment du potentiateur PG-01 et un fragment du correcteur corr4a relié par un pont ester a été crée par Mills et collaborateurs (Figure 18). Le clivage de la molécule hybride par les enzymes intestinales dans les conditions physiologiques permet de libérer le potentiateur et le correcteur actifs (Mills et al., 2010).

Figure 18 : Stratégie de création d’une molécule hybride à double activités correctrice et potentiatrice du CFTR.

(Modifiée d’après Mills, 2010)

Ces premier résultats ont mis en évidence l’intérêt de créer des molécules multiligands dans le développement de thérapie pour les patients portant une mutation F508del-CFTR qui représentent plus de 90% des patients CF.

En conclusion, ces résultats sont très encourageants car ils démontrent qu’une pharmacothérapie personnalisée de la protéine CFTR adaptée à la classe de mutations peut être efficace et mesurable. Mais, il existe encore d’autres moyens de restaurer la sécrétion chlorure au niveau des épithéliums, notamment par l’activation de voies alternatives de sécrétion d’ions chlorures non-dépendante du CFTR.

b. Thérapie pharmacologique par l’activation d’une voie alternative CaCC- dépendante

L’utilisation d’activateurs des canaux chlorure calcium-dépendant (CaCC) s’inscrit dans cette seconde stratégie, en effet ils ont la capacité d’activer la sécrétion de chlorure dans les tissus mucoviscidosiques (Figure 19). Le chapitre III présentera les CaCC en détails.

Figure 19 : Représentation schématique de l’importance du CaCC dans les transports ioniques d’une cellule épithéliale.

En 2003, Molichem Medicines a obtenu une autorisation de traitement des patients CF avec un peptide polycyclique appelé Moli1901 (déjà connu sous le nom de duramycine ou de 2622U90). Moli 1901 augmente la sécrétion d’ions chlorure lorsqu’il est appliqué à la surface apicale de l’épithélium respiratoire. Le peptide interagit avec les phospholipides membranaires et augmente la concentration de calcium intracellulaire qui active la voie alternative de sécrétion chlorure. Les résultats des essais cliniques de phase I et II montrent que la molécule stimule le transport des ions chlorures in vivo au niveau de l’épithélium nasal. De plus, ce traitement apparaît sans danger pour les patients adolescents et adultes présentant une altération modéré de leur fonction pulmonaire (Grasemann et al., 2007; Zeitlin et al., 2004). En 2009, une nouvelle étude clinique de phase II a été annoncée afin d’évaluer le traitement de patients CF avec une solution inhalée de Moli1901. Il s’agit d’une étude en double-aveugle, conduite dans 9 pays européens, qui inclue des adolescents et des adultes. L’efficacité et la tolérance du traitement, avec 3 concentrations différentes de la molécule sur une période de 8 semaines suivie d’une période de 4 semaines sans traitement va être évaluée

De plus, le denufosol, un agoniste des récepteurs purinergique P2Y2, stimulant la

sécrétion de chlorure via l’activation du CaCC a été proposé. Cette molécule a été évaluée au cours d’un essai clinique de phase II, dans 14 centres clinques aux Etats-Unis, sur 90 patients présentant un phénotype CF intermédiaire. Après 4 semaines de traitement avec 20 à 60 mg

CFTR

de denufosol, il a été décrit une augmentation significative de la fonction pulmonaire des patients traités par rapport aux patients placebo. En novembre 2009, Inspire Pharmaceuticals a débuté un essai clinique randomisé de phase III. Les 450 patients enrôlés dans l’essai clinique présentent une fonction pulmonaire relativement bonne. Les patients sont traités avec 60 mg de denufosol, 3 fois par jours ou avec le placebo. Les résultats seront connus début 2011. Au vu des résultats encourageants obtenus dans les essais clinques de phase II, cet agent parait très intéressant, cependant son action sur des patients présentant des dysfonctions pulmonaires sévères reste encore inconnue.

ISM therapeutic développe actuellement un analogue de l’inositol polyphosphate : la prodrogue INO-4995. Une prodrogue est une substance pharmacologique administrée sous une forme inactive et métabolisée in vivo en une molécule active. L’INO-4995 est un régulateur des canaux ioniques, il inhibe l’absorption de sodium, augmente l’activité des canaux CaCC dans les cellules épithéliales CF (Rudolf et al., 2003). L’INO-4995 est une petite molécule avec une durée d’action longue (plus de 24 heures après l’administration). La molécule a été décrite comme étant non toxique et bien tolérée sur les modèles animaux. De plus, il a été démontré que l’effet de l’INO-4995 sur le courant de court-circuit est plus important dans les tissus issu de patients CF que de donneur non-CF. Les auteurs proposent que l’INO-4995 peut-être utilisé en combinaison avec d’autres traitements existants, comme le denufosol. Un essai clinique préliminaire de phase II sur les patients CF a été initié.

Ces premiers résultats encourageants confirment que la découverte de modulateurs des CaCC représente une approche contournée intéressante dans la découverte de traitements pharmacologiques pour la mucoviscidose.