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IV/ Les canaux chlorure calcium dépendant (CaCC)

1. Fonction des CaCC

1.1 Rôle physiologique des CaCC

Les CaCC endogènes ont été identifiés dans de nombreux types cellulaires et contrôlent de multiples fonctions (Hartzell et al., 2005). Ils ont un rôle dans la transduction olfactive, gustative et visuelle, ils régulent l’excitabilité cardiaque et neuronale (Frings et al., 2000), la contraction des muscles lisses (Leblanc et al., 2005) et les fonctions endothéliales (Kunzelmann et al., 2009). Ils sont indispensables pour la reproduction et la sécrétion épithéliale (Kidd & Thorn, 2000).

Les cellules épithéliales des voies respiratoires coexpriment le CaCC et le CFTR au niveau de leurs membranes apicales (Boucher et al., 1989). La sécrétion de mucus au niveau de l’épithélium respiratoire est donc contrôlée à la fois par le CFTR et par le CaCC. Le CFTR contrôle la quantité basale de mucus alors que le CaCC agit comme un régulateur de l’épaisseur de la couche muqueuse (pour revue Hartzell et al., 2005).

1.2 Caractérisation et régulation des CaCC

Les canaux CaCC sont relativement non-sélectifs. Ils se caractérisent par une séquence de perméabilité anionique SCN- > NO3-> I-> Br- > Cl- >F- (Qu & Hartzell, 2000). Le courant

CaCC est dépendant du voltage. Les canaux CaCC s’activent lentement par dépolarisation et sont inactivés par hyperpolarisation. Ils présentent une rectification sortante de leur relation courant/voltage (Nilius et al., 1997).

Selon le type cellulaire la conductance unitaire des canaux peut varier de 1 à 14 pS. Cependant, la dépendance au potentiel diminue lorsque le taux de calcium (Ca2+) augmente fortement (Arreola et al., 1995). En effet, les courants dépendants du CaCC sont également activés par l’entrée de calcium extracellulaire, la libération de calcium du réticulum

endoplasmique et la phosphorylation par la protéine kinase dépendante de la calmoduline : la CaMK II (pour revue Hartzell et al, 2005; Figure 20).

Figure 20 : Schéma récapitulatif de l’activation du CaCC par le calcium.

(Modifié d’après Hartzell, 2005)

a. Régulation par le Ca2+ et la CaMK II

Le seuil d’activation du canal se situe entre 0.2 et 5 µM de calcium intracellulaire libre (Hartzell et al., 2005). Les CaCC présents au niveau des cellules des glandes salivaires, des cellules endothéliales pulmonaires, des myocytes ventriculaires, et des hépatocytes sont activés directement par le calcium. Cela qui suggère que le CaCC possède un site de fixation du calcium. Les CaCC peuvent également être activés par une phosphorylation via la CaMK II. En effet, dans de nombreux types cellulaires, tels que les cellules pancréatiques CFPAC-1 et les cellules coloniques T84, le canal est stimulé directement par le calcium et indirectement par la CaMK II. L’utilisation d’inhibiteurs de la CaMK II, tels que le calmidazomium et le trifluoroperazine sur des cellules T84 empêche l’activation du CaCC (pour revue Hartzell et al., 2005 ; Figure 21).

Figure 21 : Schéma récapitulatif des mécanismes de régulation des CaCCs.

(Modifié d’après Hartzell, 2005)

b. Régulation par l’IP4 et les annexines

La stimulation du CaCC par la CaMK II est inhibée par l’inositol 3,4,5,6- tetrakisphosphate (IP4 ; Xie et al., 1998; Nilius et al., 1998). L’IP4 est synthétisé par la voie de

la phospholipase C (PLC). La régulation des CaCCs par l’IP4 régule la cinétique d’activation

des CaCCs (Ho et al., 2001; Figure 21).

Les annexines sont des phospholipides et des protéines fixant le calcium. Elles sont situées à la membrane apicale des épithéliums sécrétoires (Kaetzel et al., 1994). Il a été décrit que les annexines ont la capacité d’inhiber les CaCC dans l’oocyte de xénope (Jorgensen et al., 1997) et au niveau des cellules épithéliales (Chan et al., 1994; Kaetzel et al., 1994). L’action des annexines sur les CaCC est synergique avec l’effet de l’IP4. Une faible concentration en

annexine-IV (Anx-IV) augmente la capacité de l’IP4 à bloquer le courant (Xie et al., 1996;

Figure 21).

c. Régulation par le CFTR

Le CFTR interagit au moins fonctionnellement avec un grand nombre de protéines dont le CaCC (Kunzelmann, 2001). Dans les oocytes de xénope, l’expression du CFTR réduit le courant chlorure calcium-dépendant. De plus, il a été démontré une augmentation du courant dans des modèles de cellules épithéliales issues des patients CF (Clarke et al., 1992).

domaine R du CFTR (Wei et al., 2001) alors que son domaine PDZ n’est pas impliqué (Kunzelmann, 2001).

d. Autres régulations

Il a été décrit que la diminution du pH intracellulaire inhibe les CaCCs (Arreola et al., 1995). Il a également été mis en évidence que l’activation du CaCC dans un modèle de cellules musculaires lisses de l’artère mésentérique de rat nécessite du GMPc (Matchkov et al., 2004).

1.3 Pharmacologie des CaCC

a. Activateurs des CaCC

Les CaCC sont activés par le calcium : toutes les molécules capables d’augmenter le taux de calcium dans le cytosol sont donc des activateurs potentiels des CaCC. Les ionophores calciques, tel que l’A23187, sont utilisés pour l’activation des CaCC. L’A23187 est un antifongique qui permet le passage des cations divalents à travers les membranes cellulaires grâce à la formation des pores membranaires (Abbott et al., 1979).

L’histamine est également capable d’activer les CaCC par la libération du calcium du réticulum endoplasmique (Antigny et al., 2008).

Les CaCC sont également activés par les nucléotides triphosphate ATP et UTP, au niveau des épithéliums respiratoires (Knowles et al., 1991; Tarran et al., 2002). Ces nucléotides stimulent les récepteurs purinergiques P2Y2 couplés aux protéines GqP2Y. Ces protéines G activent la

PLC qui hydrolyse un phopholipide membranaire, le PIP2 (phosphatidyl-inositol- diphosphate) en inositol 1,4,5-trisphosphate (IP3) et en DAG (diacylglycérol). L'IP3 se fixe

sur ses récepteurs au niveau du RE et provoque la sortie de calcium. L’activation des protéines GpP2Y induit donc une cascade d’évènements qui abouti à l’augmentation du taux de calcium cytosolique et par conséquent à l’activation des CaCC (Figure 22).

Figure 22 : Voie de signalisation intracellulaire induite par l’activation des récepteurs P2Y2.

PLC : phospholipase C, IP3 : inositol 1,4,5-trisphosphate, RE : reticulum endoplasmique. (Modifié d’après www.inspirepharm.com)

b. Inhibiteurs des CaCC

L’identification d’inhibiteurs sélectifs du CaCC est nécessaire pour mieux comprendre la structure du pore, pour analyser la distribution du canal dans les tissus et pour affiner les méthodes de purification du canal. Cependant, il n’existe pas d’inhibiteur spécifique du CaCC. Les inhibiteurs les plus utilisés pour inhiber le CaCC sont l’acide niflumique, l’acide flufénamique et le DIDS (Schultz et al., 1999). Le Tableau 7 résume les principales molécules utilisées pour inhiber les CaCC.

De plus, une étude récente a mis en évidence, grâce au criblage de produits naturels, un nouvel inhibiteur des CaCC : l’acide tannique. Cette molécule inhibe le CaCC dans différents modèles cellulaires, avec une IC50 de 6 µM et ne présente pas d’effet sur le CFTR. Ce

composé fait partie de la famille des gallotannins présents dans le vin rouge et le thé vert (Namkung et al., 2010). PLC IP3 ATP ou UTP Ca2+ RE Cytosol Protéine G Récepteur P2Y2 IP3

Tableau 7: Tableau récapitulatif des différentes molécules inhibitrices du CaCC.

NFA : acide niflumique, FFA : acide flufénamique, DIDS : acide 4,4’-diisothiocyanato-stilbene-2,2’- disulfonique, SITS : acide 4-acetamido-4’-isothiocyanatostilbene-2,2’-disulfonique, DPC : acide diphenylamine-

2-carboxyl, A9C : anthracène-9-carboxylique, NPPB, Tamo : tamoxifène, Glib : glibenclamide.

La nature des canaux CaCC est encore inconnu et leur pharmacologie est peu spécifique. Cependant, l’identification de l’identité moléculaire des CaCC pourrait permettre de développer une pharmacologie plus efficace et plus spécifique.