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Théories expliquant le raisonnement déductif à partir de processus de raisonnement généraux

Théories psychologiques du raisonnement déductif

2.1. Théories expliquant le raisonnement déductif à partir de processus de raisonnement généraux

2.1.1. Théorie de la logique mentale

Deux versions de cette théorie se dégagent aujourd’hui dans la littérature : la théorie de Braine (1978 ; Braine & O’Brien, 1998) et celle de Rips (1994). Ces théories partent toutes deux du postulat de base de la logique mentale mais présentent quelques légères différences dans la modélisation des étapes des démonstrations du raisonnement des individus. Dans ce chapitre nous présentons la théorie de Braine en nous appuyant notamment sur un chapitre d’ouvrage écrit par O’Brien (1995) dans lequel il s’intéresse particulièrement à la tâche de sélection dans le cadre de la logique mentale.

2.1.1.1. Postulat de la théorie

La logique mentale soutient l’idée que les sujets raisonnent logiquement ; plus précisément elle considère que les êtres humains maîtrisent naturellement un ensemble de règles (ou inférences) logiques de base qu’ils mettent en œuvre lorsqu’ils raisonnent. Les règles logiques de base que les individus possèdent, appelées « compétences mentales logiques de base », sont constituées d’un ensemble limité d’inférences de la logique propositionnelle standard. En somme, notre logique mentale serait beaucoup moins puissante que la logique propositionnelle standard et ce n’est pas parce qu’il existe une règle de dérivation en logique propositionnelle standard qui permet d’aboutir à une conclusion valide à partir de certaines prémisses disponibles à un individu que ce dernier parviendra obligatoirement à cette conclusion ; il n’y parviendra que si cette règle fait partie des règles de son système de logique mentale. De plus, « la logique mentale garantit la vérité, passant de prémisses considérées comme vraies à des conclusions qui héritent de cette vérité » (O’Brien, 1995, p.197, traduit par nous). Ainsi, les schémas d’inférence de la logique mentale aboutissent obligatoirement à des conclusions vraies à partir de prémisses vraies. Ce qui est différent entre la logique propositionnelle standard et la logique mentale c’est donc que la seconde, contrairement à la première, ne peut aboutir à aucune conclusion avec des prémisses contradictoires. Cette différence est bien illustrée par le schéma pour la preuve conditionnelle. Dans la logique propositionnelle standard, si l’on arrive à dériver « q » à partir de l’hypothèse « p » on peut en déduire que « p ⊃ q » dans le raisonnement principal. Le schéma pour la preuve conditionnelle en logique mentale diffère de celui de la logique standard de deux manières :

- « premièrement, il n’y a aucune exigence en logique mentale que la dérivation du conséquent ait des raisons logiques ; cela peut-être le résultat d’inférences pragmatiques. Seule la personne engagée dans le raisonnement, et aucun interlocuteur, déciderait de l’adéquation de la dérivation » (O’Brien, 1995, p.198, traduit par nous). En effet, « puisque les activités propositionnelles réfèrent à des états intentionnels3, les inférences logiques co-existent avec des inférences

3 « l’intérêt majeur de la logique est de s’assurer qu’un argument dont les prémisses sont vraies conduit uniquement à une conclusion vraie, et la logique ainsi est propositionnelle en ce que la vérité et fausseté sont des propriétés des propositions plutôt que des phrases. Notons que la phrase « Le taux d’inflation

pragmatiques qui concernent les conséquences réalisables des propositions pour les états intentionnels. La logique mentale autorise donc des inférences pragmatiques aussi bien que des inférences logiques, et les deux sortes cohabitent aisément à l’intérieur des lignes de raisonnement » (O’Brien, 1995, p.197, traduit par nous) ; - « deuxièmement, […] on ne peut supposer quelque chose et compter sur une

information incompatible avec cette hypothèse, même lorsque cette information est vraie. Cette contrainte sur les arguments hypothétiques n’est pas une caractéristique des systèmes de logique standard, qui explique pourquoi l’implication matérielle de la logique standard conduit à des conclusions qui donnent l’impression que les intuitions ordinaires sont paradoxales » (O’Brien, 1995, p.198, traduit par nous).

2.1.1.2. Programme de raisonnement de la théorie de la logique mentale

Lorsque l’individu est confronté à un ensemble d’énoncés (informations disponibles) il utilise dans un premier temps, un processus de compréhension : il convertit la structure de surface de cet ensemble en une représentation propositionnelle des énoncés. « La façon dont une proposition est interprétée en une occasion particulière, cependant, dépend de nombreux facteurs autre que l’entrée lexical, tels que la connaissance du sujet du problème, des processus de compréhension conversationnelle ou de texte, et la plausibilité d’interprétations particulières » (O’Brien, 1995, p.199, traduit par nous). Si la forme de la représentation propositionnelle obtenue correspond à la forme des entrées d’une règle d’inférence (prémisses d’une règle), la règle d’inférence en question est automatiquement déclenchée et la conclusion déduite est stockée en mémoire de travail. Selon Braine (1990), le programme de raisonnement interne des individus est constitué de deux sous-programmes :

était de 30% l’année dernière » ne peut être jugée vraie ou fausse jusqu’à ce que l’on connaisse les circonstances de son occurrence – e.g. en quelle année elle a été proférée et à propos de quelle économie. Une fois une phrase interprétée en référence à un état intentionnel, la proposition peut être assertée, déniée, inférée, crue, mise en doute, et ainsi de suite. Tous ces types d’activités propositionnelles concernent des jugements de vérité et de fausseté en référence à des états intentionnels et ces états intentionnels peuvent être factuels, fictionnels ou hypothétiques » (O’Brien, 1995, p.197, traduit par nous).

- un programme de raisonnements directs qui s’appuie sur un système de règles d'inférences, les compétences primaires, postulées comme faisant partie des compétences inférentielles partagées par l'ensemble des individus. Grâce à ce programme, le raisonnement est direct : lorsque les prémisses sont toutes disponibles explicitement (prémisses de départ ou conclusions obtenues devenant donc prémisses), les compétences primaires sont directement appliquées pour aboutir à la conclusion du raisonnement, comme par exemple dans le raisonnement présenté dans le tableau 2.1. Ces compétences primaires constituent une logique naturelle au sens de Braine, c'est-à-dire un système de règles formelles d'inférences, dérivées de la logique propositionnelle, et opérant sur des propositions simples en suivant les instructions du programme qui gère l’application de ces règles. Les 12 règles constituant les compétences primaires de raisonnement sont présentées dans le tableau 2.2. ;