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Intérêt des méthodes utilisées pour l’analyse des données interlocutoires

Analyse descriptive du discours des 32 dialogues d’accomplissement de la tâche

5.5. Troisième analyse : recherche de patterns interlocutoires temporels

5.6.2. Intérêt des méthodes utilisées pour l’analyse des données interlocutoires

Dans cette discussion, nous nous intéressons à l’intérêt des trois méthodes d’analyse utilisées dans ce chapitre pour l’analyse des données interlocutoires. En effet, si l’objectif de ce chapitre était de réaliser une analyse visant à décrire les données du corpus, les méthodes de traitement des données utilisées pour réaliser cette description n’avaient encore jamais été utilisées dans le cadre de l’analyse des données interlocutoires.

Tout d’abord, le principal intérêt de la méthode du positionnement multidimensionnel est de présenter graphiquement une comparaison des dyades quant à la proportion de certaines variables interlocutoires choisies. Ainsi le chercheur s’intéressant par exemple aux modes de fonctionnement social ou cognitif des dyades, peut obtenir grâce à cette méthode une vision des dyades qui se ressemblent ou au contraire sont très différentes (en termes de proportions) quant à ces aspects. La première limitation de cette méthode pour l’analyse des données interlocutoires concerne le nombre limité de variables que l’on peut prendre en compte dans une même analyse : en effet, au-delà d’une dizaine ou d’une quinzaine de variables, le stress devient trop élevé pour que l’on puisse considérer que la représentation obtenue est fidèle aux données de départ. Or, lorsque l’on analyse des données interlocutoires, le nombre de variables est toujours élevé même lorsque l’on prend un seul aspect du discours en compte. Dans notre analyse par exemple, même lorsque l’on ne s’intéresse qu’aux objets référentiels qui sont très limités par le domaine de discours couvert par la tâche, on doit déjà prendre en compte 15 variables (qui correspondent aux 15 combinaisons possibles avec un univers de quatre cartes) ; le stress de la représentation résultante s’élève déjà à .19. La seconde limitation de cette méthode est qu’elle ne rend compte ni du caractère interactif de la conversation (puisqu’elle regroupe les proportions de propriétés des énoncés des deux membres de chaque dyade), ni du caractère séquentiel de la conversation. Ainsi, les représentations sont obtenues uniquement à partir des proportions des variables pour l’ensemble des interlocuteurs, sur l’ensemble de la conversation.

L’intérêt des schémas représentant la gestion interactive des objets référentiels pour l’analyse des données interlocutoires réside surtout dans la portée descriptive de ces schémas. Ils permettent de savoir d’un simple coup d’œil :

1) comment les sujets ont pris les objets référentiels en compte : à quelles cartes se sont-ils intéressés en premier ? Sont-sont-ils revenus souvent sur les différents objets (schémas constitués de beaucoup de flèches) ? Sur un objet particulier (beaucoup de flèches dirigées vers un objet particulier) ? Ont-ils traité les cartes individuellement ? Par ensembles ? ;

2) comment les sujets ont géré leur interaction sur ces objets : ont-ils travaillé ensemble sur chacun des objets (flèches noires) ? L’un des deux a-t-il travaillé seul (une majorité de flèches bleues uniquement ou vertes uniquement) ? Avaient-t-ils chacun des objets référentiels de prédilection (flèches se reportant à un objet toutes de la même couleur) ? ;

3) à quel moment de l’interaction les objets référentiels sont traités ?

Un des inconvénients de cette méthode est qu’elle ne tient pas compte du nombre d’énoncés passés à discuter sur un objet (que les sujets en parlent sans interruption – c'est-à-dire sans prise en compte d’un autre objet entre temps – sur 3 tours de parole ou sur 25, une seule flèche représente la prise en compte de cet objet). Un second inconvénient de cette méthode est que les schémas mettent en évidence les cartes traitées mais on ne sait pas ce qui est dit à propos de ces cartes (sont-elles rejetées, sélectionnées,…). Ainsi lorsque les sujets parlent ensemble d’une carte (flèche noire) on ne sait pas si leur point de vue converge ou diverge, donc s’ils sont en train de s’accorder ou de débattre et l’on ne sait pas non plus qui a initié l’échange sur cet objet.

Afin de pallier à ces inconvénients, des améliorations sont possibles. Pour ce qui est du problème de la non représentation du nombre d’énoncés passés à parler en continu d’un même objet, il peut être envisagé d’augmenter la grosseur du trait de la flèche selon des fourchettes de nombre d’énoncés. Par exemple on pourrait utiliser un trait de ½ point lorsque le ou les sujets parlent d’un objet pendant 1 à 5 énoncés, un trait de 1 point lorsque le ou les sujets parlent d’un objet pendant 6 à 10 énoncés, etc… (ces fourchettes d’énoncés sont seulement données à titre d’exemple, dans la réalisation d’autres fourchettes seraient peut être plus pertinentes). Concernant le fait que l’on ne sache pas ce

qui est dit de l’objet pris en compte, il peut être envisagé d’ajouter le long de chaque flèche un code, par exemple :

- nous pourrions inscrire le long de chaque flèche, les codages de Theme concernant ce qui est dit à propos de l’objet considéré (O : carte énoncée ; H : hypothèse sur une ou des cartes ; P: carte(s) sélectionnée(s) comme solution partielle ; C : carte(s) sélectionnée(s) comme solution complète ; R : carte(s) rejetée(s)) ;

- pour les objets dont les deux partenaires parlent (flèches noires) nous pourrions ajouter deux éléments à la suite du précédent code. Tout d’abord nous pourrions noter la lettre A ou la lettre B pour savoir qui initie l’échange sur cet objet. Ensuite nous pourrions ajouter un code concernant la type d’interaction sur cet objet, par exemple les codages OPP : opposition des points de vue ; ACD : points de vue en accord ; CC : co-construction d’un raisonnement concernant cet objet.

Ainsi, si par exemple nous avions une flèche noire d’une grosseur de 1 point avec le code C-A-OPP inscrit le long de cette flèche, nous saurions que les deux interlocuteurs discutent à propos de cet objet pendant 5 à 10 énoncés, que c’est le partenaire A qui a initié la discussion sur cet objet, c'est-à-dire qui a proposé cet objet comme solution complète, et que son partenaire B n’est pas d’accord avec lui concernant la pertinence de cet objet comme solution correcte.

Le logiciel Theme présente deux intérêts pour l’analyse de notre corpus et, plus généralement, pour l’étude des données interlocutoires : 1) il met en évidence un certain nombre de régularités temporelles locales, tant concernant les raisonnements logiques des sujets que concernant les contraintes dialogiques imposées par la consigne de la tâche (notamment la complétude interactionnelle) ; 2) il détecte des régularités temporelles dans les stratégies de résolution mises en œuvre par les interlocuteurs et permet d’évaluer le degré de similitude temporelle dans les cheminements stratégiques de certaines dyades grâce au degré de complexité des patterns communs à ces dyades. Par contre, Theme possède la même limitation que la méthode du positionnement multidimensionnel concernant le nombre de variable qu’il peut traiter ensemble dans une même analyse. Lorsque les lignes de comportements sont trop complexes – c'est-à-dire constituées de trop de variables – Theme ne détecte plus de patterns, car il y a trop de comportements différents pour qu’il existe encore des similitudes temporelles.

CHAPITRE VI

Analyse interlocutoire des dialogues des quatre dyades réussissant la