• Aucun résultat trouvé

Synthèse des conclusions concernant les dyades réussissant la tâche

Analyse descriptive du discours des 32 dialogues d’accomplissement de la tâche

5.5. Troisième analyse : recherche de patterns interlocutoires temporels

5.6.1. Synthèse des conclusions concernant les dyades réussissant la tâche

Dans cette discussion, nous réalisons tout d’abord une synthèse des résultats obtenus grâce à chacune des trois analyses concernant les quatre dyades qui réussissent la tâche. Nous ciblons notre synthèse sur ces dyades car nous avons choisi d’analyser microscopiquement les processus discursivo-logiques qui concourent à la découverte de la solution dans le chapitre suivant.

Les analyses par positionnement multidimensionnel montrent que du point de vue de la gestion sociale de la tâche, les dyades 17, 27 et 29 accomplissent la tâche dans un climat de coopération par la production d’hypothèses et de déductions sur lesquelles les partenaires essayent de s’accorder le plus possible. La dyade 5, qui ne se situe pas dans le même amas de points sur la représentation accomplit la tâche coopérativement mais avec une opposition de points de vue qui s’exprime dans le dialogue. Concernant la gestion des objets référentiels, graphiquement nous observons que les dyades 17, 27 et 29 sont assez semblables, 17 et 29 étant les plus semblables. Un coup d’œil à la matrice de données de départ montre que ces dyades traitent la plupart du temps les cartes prises séparément, la dyade 27 s’écartant un peu des deux autres car elle prend plus en compte la carte « 4 » et elle prend également en compte (en proportion assez faible) les ensembles « E, 4 » et « K, 7 ». La dyade 5 elle, s’écarte assez franchement des trois autres dyades sans doute car même si elle prend en compte exactement les mêmes objets que la dyade 27, elle s’intéresse moins à la carte « 4 » prise individuellement et un peu plus aux ensembles « E, 4 » et « K, 7 ». Puisqu’elles citent le couple « E, 4 », les dyades 5 et 27 doivent donc à un moment donné tomber dans le piège du biais d’appariement perceptif ce qui n’est pas le cas des dyades 17 et 29 qui ne citent pas ce couple de cartes.

Les schémas de gestion interactive des objets référentiels montrent que les dyades 5, 17 et 27 prennent chacune en compte 7 objets référentiels et que la dyade 29 ne prend que 3 objets en compte. Dans leur raisonnement les quatre dyades prennent en compte plus de cartes seules que d’ensembles de cartes. Concernant l’ordre de prise en compte, les dyades 5, 17 et 29 s’intéressent d’abord à certaines des cartes individuellement (« E », « 7 » puis « K » pour la dyade 5, chacune des cartes dans l’ordre de présentation pour la dyade 17 et « E » puis « 7 » pour la dyade 29) avant de s’intéresser pour la première fois à un ou des ensembles de cartes. La dyade 27 quant à elle, cite d’abord le couple « E, 4 » avant de reprendre chacune de ces deux cartes individuellement. Ces résultats peuvent permettre de compléter la conclusion obtenue grâce aux analyses par positionnement multidimensionnel. Dans cette analyse nous avons vu que les dyades 5 et 27 devaient être soumises à un moment de leur raisonnement au biais d’appariement. Dans le cas de la dyade 27 il s’agit sans doute effectivement bien d’un biais d’appariement car ce couple cite directement la paire « E, 4 » comme si perceptivement, sans aucune réflexion, ces deux cartes leur sautaient aux yeux. Par contre, dans le cas de la dyade 5 il n’est pas sûr que les sujets soient soumis à ce biais perceptif puisqu’ils prennent d’abord en compte trois cartes individuellement et seulement ensuite ils s’intéressent à la paire « E, 4 » ; il s’agit donc peut-être plutôt d’un raisonnement à partir d’une interprétation bi-conditionnelle de la règle avec prise en compte uniquement des cartes mentionnées dans la règle. Enfin, concernant le traitement interactionnel des objets référentiels nous observons que dans la dyade 5, c’est d’abord B qui s’empare de la parole et traite les objets plutôt seul, ensuite A prend le relais en traitant à son tour les objets seul. B garde tout de même une part d’activité en s’intéressant aux paires « E, 4 » et « E, 7 ». Tout à la fin du dialogue, les partenaires s’intéressent ensemble à « E », « 7 » et « E, 7 ». La dyade 17 est celle des quatre où les sujets travaillent le plus ensemble sur les objets. Lorsqu’un des deux sujets s’intéresse à un objet, son partenaire le suit la plupart du temps en se penchant également sur cet objet (flèches noires). Dans la dyade 27 nous observons une alternance de phases de raisonnements individuels et dyadiques sur les objets. B commence le raisonnement, A lui succède puis ils ont une petite phase où ils travaillent ensemble sur les objets. A la suite de cette phase, A et B fonctionnent à nouveau chacun leur tour avec quelques moments où ils prennent en compte les mêmes objets. Enfin, ils concluent en s’intéressant ensemble au couple solution. Le schéma de la dyade 29 est plus sommaire puisque les sujets ne prennent en compte que les deux objets de la paire

solution (« E » et « 7 ») à propos desquels ils discutent alternativement avant de conclure en s’intéressant ensemble à la paire solution. Cette analyse de la gestion sociale de la tâche par les partenaires montrent donc que ce sont les dyades 17 et 29 qui sont le plus co-constructifs et que par contre les partenaires des dyades 5 et 27 travaillent plutôt chacun de leur côté, plus particulièrement d’ailleurs dans la dyade 5.

Du point de vue de l’organisation temporelle, la comparaison entre les quatre dyades est aisée puisque quatre patterns ont été détectés dans les quatre dyades, et dans ces quatre dyades uniquement. Ces patterns mettent en évidence que l’organisation temporelle de la fin du dialogue est semblable pour les quatre dialogues et que les dyades 5 et 27 présentent un cheminement interlocutoire d’ensemble semblable du point de vue temporel. Dans ce cheminement, un des sujets propose « E, 4 » comme la solution du problème, les cartes « E » puis « 4 » sont ensuite reconsidérées individuellement comme partie de la solution, puis la carte « 7 » est prise en compte, suivi du couple « E, 7 » qui est finalement mutuellement accepté par les deux partenaires du dialogue. Ainsi, au moins un des partenaires de ces deux dyades (le partenaire B dans les deux cas) est sans doute soumis à un biais d’appariement dans un premier temps. Cette hypothèse est cependant à confirmer, notamment dans le cas de la dyade 5 puisque comme nous l’avons vu grâce aux schémas de gestion interactive des objets référentiels, dans la dyade 5, le choix de la paire « E, 4 » semble malgré tout justifié par des raisons logiques et pas simplement perceptif. En tout cas, c’est après avoir repris en compte les cartes « E » et « 4 » une à une que ces dyades parviennent à se déprendre de la carte « 4 ». C’est comme si les sujets « auto-construisaient » l’apprentissage de l’évitement du biais d’appariement que Houdé et Moutier (1996) ont dispensé aux sujets de leur expérience.