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Cadre méthodologique de la recherche : la logique interlocutoire

4.1. Langage formel de la logique interlocutoire

4.1.2. Les actes de langage

L’intérêt des actes de langage est que leur forme logique <F(P)> restitue les relations entre les propriétés actionnelles et représentationnelles ou cognitives des énoncés du langage naturel. F est la force illocutoire de l’acte de langage, c'est-à-dire la fonction réalisée en utilisant l’énoncé. F = <f1, f2, f3, Mi>. f1 est la force exprimée littéralement, f2 la force indirecte de l’acte (s’il y a lieu), f3 les implicatures de l’acte. Mi représente la fonction conversationnelle de l’acte. P est le contenu propositionnel représentant l’état de chose auquel s’applique la force.

La force illocutoire F est ce qui est « véritablement définitoire d’un acte de langage […] c’est grâce à cette notion qu’est restituée la valeur d’usage d’une énonciation, sa fonction dans la communication » (Trognon, 1993, p.156). La force illocutoire est définie par une combinaison de six composants (Vanderveken, 1988) :

- le but illocutoire (et sa direction illocutoire), c'est-à-dire ce que l’énoncé revient à faire ;

- le mode d’accomplissement, c'est-à-dire la manière dont le locuteur doit atteindre le but ;

- les conditions de contenu propositionnel, c'est-à-dire les contraintes syntaxico-sémantiques incluant la vérité des présuppositions propositionnelles ;

- les conditions préparatoires, c'est-à-dire les états de chose que le locuteur présuppose ou tient pour vrais lors de l’accomplissement de l’acte ;

- les conditions de sincérité, c'est-à-dire le mode des états mentaux que le locuteur devrait avoir s’il voulait accomplir sincèrement un certain type d’acte ;

- le degré de puissance, c'est-à-dire l’intensité avec laquelle le but illocutoire est atteint : il est fonction de l’engagement du locuteur ;

- enfin, le degré de force, c'est-à-dire le degré d’expression d’états psychologiques.

Le but illocutoire est l’élément essentiel de la force illocutoire puisque c’est le principal déterminant du succès d’une énonciation. Searle et Vanderveken (1985) distinguent cinq buts illocutoires :

- le but assertif est de représenter quelque chose qui est le cas, on accomplit par exemple une assertion lorsqu’on dit : « il fait beau » en voyant le soleil briller à travers la fenêtre ;

- le but directif est de faire une tentative linguistique pour que le destinataire réalise une action future, on accomplit par exemple un directif en disant à son voisin de classe : « Ferme la fenêtre » lorsque la fenêtre est ouverte. Le but de cette énonciation est de tenter de faire effectivement fermer la fenêtre à son voisin ;

- le but expressif est de traduire un état mental, on accomplit par exemple un expressif en disant : « ouah ! » en voyant une robe magnifique dans la vitrine d’un magasin pour traduire le fait que l’on est subjugué ;

- le but déclaratif est de provoquer un nouvel état de chose par la simple énonciation de l’acte, le juge accomplit par exemple un déclaratif lorsqu’il dit : « Je déclare la séance ouverte ». Lorsque l’on exerce la profession de juge, la simple énonciation de cette phrase, ouvre effectivement la séance ;

- le but commissif enfin est d’engager le locuteur à accomplir une action future, un mari accomplit par exemple un commissif lorsqu’il dit à sa femme : « Je te promets de faire la vaisselle ». En disant cela à sa femme, il s’engage auprès d’elle à faire la vaisselle.

Ainsi, la force d’un acte de langage est l’opérateur (ou l’action) qui, agissant sur un état du monde, le met en conformité avec la représentation exprimée dans le contenu propositionnel de l’acte de langage. Les forces illocutoires sont donc, en réalité, des sous-catégories de la modalité d’action Eap puisque l’énonciation même d’un énoncé est une action à part entière.

« En vertu de leur forme logique, les actes illocutoires ont des conditions de succès et de satisfaction » (Vanderveken, 2002, p.36). Pour qu’une énonciation soit réussie dans un certain contexte, il faut que le locuteur parvienne à faire saisir exactement ce qu’il fait à l’allocutaire dans ce contexte ; les conditions de succès sont entièrement déterminées par les composantes de leur force illocutoire et de leur contenu propositionnel. En fonction de ces composantes, deux sortes de réussite existent. Si le locuteur réussit à accomplir un acte de langage, qu’il est réellement dans une position de pouvoir vis-à-vis de l’acte de langage accompli – c'est-à-dire qu’il remplit les conditions préparatoires – et qu’il veut vraiment que l’allocutaire fasse ce que demande l’acte accompli – c'est-à-dire qu’il remplit les conditions de sincérité – on dit que l’acte de langage est réussi et non défectueusement accompli. Par contre, si les conditions préparatoires, les conditions de sincérité ou les deux ne sont pas remplies, on dit que l’acte de langage est réussi mais défectueusement accompli. Cependant réussir un acte de langage n’implique pas qu’il soit forcément satisfait : en effet, les conditions de satisfaction d’un acte de langage sont les conditions qui doivent être obtenues dans le monde du contexte de l’énonciation pour que l’acte de langage soit satisfait dans ce contexte. Par exemple, pour qu’une assertion soit satisfaite, il faut que son contenu propositionnel soit vrai, pour qu’un directif soit satisfait, il faut que l’allocutaire obéisse à la requête, pour qu’un commissif soit satisfait, il faut que son locuteur tienne son engagement. Dans ces exemples, on constatent que certains actes sont accomplis au moment de l’énonciation alors que d’autres sont accomplis dans un temps suivant l’énonciation à plus ou moins longs termes.

« Une théorie sémantique du langage traite exclusivement de la signification littérale. Cependant, souvent le locuteur veut dire autre chose ou plus que ce qu’il dit dans la conversation » (Vanderveken, 2002, p.49). Par exemple, lorsque l’on pose la question : « peux-tu me passer le sel ? », du point de vue littéral on interroge notre allocutaire sur sa capacité à réaliser cette action, non littéralement cela peut-être une demande de nous rendre un service en réalisant effectivement l’action. Selon Vanderveken, « les unités de bases du discours sont les actes illocutoires que les locuteurs entendent réellement accomplir, peu importe qu’ils soient littéraux ou non » (2002, p.50).