Chapitre 3 Des évolutions dans le champ du MSI qui prennent en compte la dimension sociale de
3.3. L’introduction de la dimension sociale résultant d’une élaboration par combinaison des
3.3.2. Théorie Unifiée de l’Acceptabilité des Technologies, UTAUT (Venkatesh, Morris, Davis et
Venkatesh, Morris, Davis et Davis (2003) proposent le modèle UTAUT (Unified Theory of
Acceptance and Use of Technology). L’UTAUT correspond à l’intégration de concepts issus de
huit théories ou modèles
58 dont il résulte quatre modérateurs (âge, sexe, expérience, contexte
d’usage volontaire ou contraint) et quatre composantes : l’attente de performance, l’attente
d’effort, l’influence sociale et les conditions facilitatrices. L’attente de performance est définie
comme le « degré avec lequel un individu croit que l’usage d’un système peut l’aider à atteindre
un bénéfice dans sa performance au travail » (Venkatesh et al., 2003 p.447). L’attente
d’effort correspond au « degré de facilité associé à l’usage d’un système »
(Venkatesh et al., 2003, p.450). L’influence sociale réfère au « degré avec lequel un individu
perçoit que les personnes importantes pour lui pensent qu’il devrait utiliser un système »
(Venkatesh et al. 2003, p. 451). Ce facteur « d’influence sociale » est représenté par les normes
subjectives, l’image et le facteur social. Les conditions facilitatrices sont définies comme le
« degré auquel un individu croit qu’une infrastructure organisationnelle et technique existe pour
soutenir l’utilisation de la technologie » (Venkatesh et al., 2003, p.453) et elles sont supposées
avoir un impact direct sur l’utilisation d’une technologie.
De plus, le modèle UTAUT met en évidence le poids des facteurs modérateurs identifiés
dans la littérature. Plus précisément, selon Venkatesh et al. (2003), il semble que le caractère
volontaire ou non de l’usage détermine l’influence d’autres facteurs. Ainsi, dans un cadre
contraint, l’influence sociale a un effet significatif, et inversement dans le cadre d’un usage
volontaire (Wills, El-Gayar et Bennett, 2008). De manière générale, dans l’étude princeps de
Venkatesh et al. (2003) l’impact des facteurs modérateurs (l’expérience, le caractère volontaire,
le genre et l’âge), qui étaient suggérés dans la littérature (pour synthèse voir Sun et Zhang, 2006),
semble se vérifier dans la prédiction de l’intention d’utilisation.
58
Ces huit théories sont : la théorie de l’action raisonée (TRA, Fischbein et Ajzen, 1975), le modèle de l’acceptation
technologique (TAM, Davis, 1989), le modèle motivationnel (MM, Davis, Bagozzi et Warshaw, 1992), la théorie du
comportement planifié (TCP, Ajzen, 1991), le modèle combinant la TAM et la TCP (C-TAM-TCP, Taylor et Todd, 1995), le
modèle d’utilisation d’un ordinateur personnel (Triandis, 1977 ; Thompson, Higgins et Howell, 1991), la théorie de la diffusion de
l’innovation (Rogers, 2003 ; Moore et Benbasat, 1991), et la théorie de la cognition sociale (Bandura, 1986 ; Compeau et Higgins,
1995). Voir annexe I pour détails
Le modèle UTAUT depuis sa publication a été retravaillé, validé par plusieurs auteurs
(Wang et Shih, 2009) et à travers différentes cultures (Bandyopadhyay et Fraccastoro, 2007 ; Lin
et Bhattacherjee, 2008 ; Wang et Wang, 2010
59). Dans ce modèle, l’efficacité des quatre facteurs
semble être au rendez-vous. De plus, ce modèle circonscrit l’effet du facteur correspondant à
l’influence sociale, notamment en supposant qu’il est dépendant de l’usage volontaire ou pas de
la technologie dont on parle. Toutefois, deux remarques peuvent être formulées. La première
concerne l’aspect systématiquement contingent de l’effet de l’influence sociale dans la prédiction
de l’intention d’utilisation. Dans les études de Schaupp, Carter et McBride (2010) sur l’utilisation
de la déclaration d’impôt en ligne
60
, de Shin (2010) sur l’acceptation de services des opérateurs
de réseau mobile virtuel MVNO
61 (c’est le cas par exemple de Virgin Mobile® ou Free®), ou
encore de Wang, Wu et Wang (2009) sur l’acceptation d’un système d’apprentissage en ligne, les
résultats montrent que l’influence sociale explique l’intention comportementale alors que l’usage
est volontaire. En conclusion, les résultats expérimentaux liés au modèle UTAUT ne confirment
pas totalement l’aspect contingent de l’effet de l’influence sociale. La seconde remarque tient au
fait, qu’en dépit de la présentation de l’influence sociale par Venkatesh et al. (2003) comme étant
constituée de trois composantes : normes subjectives, image et facteur social. Ces trois
composantes ne sont tout d’abord rassemblées qu’en raison de proximités statistiques, et par
59
Wang et Wang (2010) ont notamment ajouté à l’UTAUT une composante qualifiée de valeur perçue. Les auteurs ont puisé ce
concept du marketing dans lequel, il est défini en relation avec son coût économique, le temps passé et l’effort fournit pour avoir
recours au produit. Wang et Wang (2010) définissent la valeur perçue comme étant l’évaluation globale du consommateur quant à
l’utilité du produit au regard de son coût comparativement aux bénéfices qu’il apporte. Ce concept, même s’il nommé valeur
perçue, n’est en rien lié avec celui que nous recherchons qu’est l’acceptabilité sociale.
60 Le payement de l’impôt est obligatoire, mais le choix de le faire en ligne est volontaire.
61
Mobile Virtual Network Operators
ailleurs, les auteurs dans les opérationnalisations suivantes du modèle UTAUT ont tendance à ne
conserver que la composante correspondante aux normes subjectives (Schaupp, Carter et
McBride, 2010 ; Kijsanayotin, Pannarunothai et Speedie, 2009 ; Shin, 2009, 2010 ; Wang, Wu et
Wang, 2009 ; Zhou, Lu et Wang, 2010). Ainsi, la redéfinition de l’influence sociale, comme étant
composée de trois éléments, n’étant pas reprise systématiquement s’avère être là non pertinente
ou insatisfaisante, lorsqu’il s’agit de considérer la dimension sociale de l’usage.
Ce qu’il faut retenir de la troisième évolution des modèles, qui est une évolution définie en
termes de combinaison, au sens où la dimension sociale est introduite parce qu’elle est une
composante des modèles utilisés dans les dites combinaisons (e.g. la TCP), le modèle UTAUT
en étant le parangon :
Un système est d’autant acceptable qu’il est doté d’une forte intention d’utilisation,
Quatre composantes sont importantes dans la prédiction de l’intention, dont
l’influence sociale,
L’influence sociale est composée de trois concepts : normes subjectives, image et
facteur social,
L’influence sociale a un effet direct sur l’intention d’utilisation mais seulement dans le
cas d’un usage contraint.
Finalement, le modèle UTAUT permet de montrer que la dimension de sociale à gagner sa place
parmi les composante de premier plan dans la prédiction de l’intention d’usage, parce qu’elle est
présente initialement dans le modèle et qu’elle est supposée impacter l’intention d’utilisation de
manière proximale. Deux remarques sont cependant à formuler, la première revient à s’interroger
sur l’effet modérateur du contexte d’usage sur l’impact de l’influence sociale, la seconde
questionne la dimension sociale au sens où cette dernière semble pouvoir relever de plusieurs
concepts sans toutefois totalement se rejoindre.
3.4. Conclusion
Le chapitre précédent nous a conduits à un premier constat, selon lequel la dimension sociale de
l’usage ne fait pas systématiquement partie des dimensions constitutives des modèles initiaux
issus des champs des IHM et du MSI. De là, nous avons pu mettre en avant des évolutions au sein
des modèles du champ du MSI montrant une plus ample intégration de la dimension sociale.
Ainsi nous retiendrons du chapitre 3 le fait que les modèles de l’usage ont évolué de trois
manières différentes, expliquant à chaque fois l’introduction de la dimension sociale dans la
prédiction de l’usage.
Tout d’abord, nous avons présenté une première évolution des modèles en termes de
niveaux d’explication de l’usage. En effet, les modèles ont évolué avec l’objectif de
contenir des améliorations permettant de prendre en compte un niveau organisationnel
dans la prédiction de l’usage. De là, entre le niveau intra-individuel de prédiction de
l’usage apporté par les modèles initiaux et le niveau organisationnel visé, sont venues
s’intercaler nombre de variables complémentaires aux modèles, ces dernières
comprenant des dimensions sociales. En ce sens, nous avons proposé, (1) à la suite
d’autres auteurs (Burton-Jones et Straub, 2006 ; Jasperson et al., 2005) une présentation
des facteurs explicatifs de l’intention d’utilisation en une lecture en quatre niveaux
d’analyses (intra-individuel, inter-personnel, statutaire et culturel), puis nous avons
considéré (2) que la dimension sociale pouvait prendre une place plus importante dans la
prédiction de l’usage dans le champ du MSI.
Ensuite, nous avons présenté une deuxième évolution des modèles en termes de
processus explicatif de l’usage, donnant à comprendre l’introduction de la dimension
sociale de l’usage dans les modèles TAM2 et TAM3. Nous avons constaté que (1) la
dimension sociale relève du phénomène de conformisme (complaisance, l’identification
et l’intériorisation), que (2) la dimension sociale, illustrée par trois concepts (normes
subjectives, image et contexte contraint), est supposée avoir un effet médiatisé dans la
prédiction de l’intention d’utilisation par l’utilité perçue, et (3) nous avons montré
l’intérêt à donner aux facteurs modérateurs dans la maitrise de l’effet de la dimension
sociale sur l’intention d’utilisation.
Enfin, nous avons présenté une troisième évolution construite à partir d’une logique
de combinaisons de modèles, dans lesquelles ont été introduites des modèles intégrant
une dimension sociale (e.g. la TCP). L’UTAUT est en cela le modèle le plus illustratif
de ceux issus de la combinaison de nombreux autres. Nous avons constaté que dans le
modèle UTAUT (1) la dimension sociale de l’usage, illustrée par « l’influence sociale »,
peut avoir un effet modéré sur l’intention d’utilisation, mais que (2) l’efficacité de
« l’influence sociale » n’est pas retrouvée de manière systématique dans la littérature.
Ces trois types d’évolutions des modèles issus du champ du MSI seraient l’expression
d’une réponse à un manquement identifié dans les modèles fondateurs de l’étude des usages
(TTF, EDT, IDT et TAM). En effet, chacune de ces évolutions conduit à l’introduction par
diverses stratégies d’une dimension non présente initialement : la dimension sociale de l’usage.
De là, nous pouvons conforter l’idée de l’importance à accorder à la dimension sociale de l’usage
parce qu’étant in fine une dimension inévitable lorsque l’on sert l’objectif d’améliorer la
prédiction de l’usage. Toutefois, ces recherches manquent à nous fournir des confirmations
empiriques des conditions d’influences de la dimension sociale. Par conséquent, cet examen de la
littérature nous contraint à ne pas nous satisfaire des conceptions de la dimension sociale et des
hypothèses qui lui sont liées dans le champ du MSI. De là, tout comme les auteurs du champ du
MSI, nous allons puiser dans un autre et dernier champ de recherches faisant le lien entre attitude
et comportement, en ayant recours à la Théorie du Comportement Planifié – TCP (Ajzen, 1991).
L’examen des limites et améliorations de la TCP nous permettra de mieux cerner l’influence de la
dimension sociale dans la prédiction comportementale. Ce champ de recherches devrait nous
conduire à interroger la valeur du comportement prédit, autrement dit, nous permettre de
positionner le concept d’acceptabilité sociale.
Chapitre 4 Dimension sociale et effet contingent dans l’étude du