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L’introduction de la dimension sociale résultant d’une perspective organisationnelle

Chapitre 3 Des évolutions dans le champ du MSI qui prennent en compte la dimension sociale de

3.1. L’introduction de la dimension sociale résultant d’une perspective organisationnelle

L’objectif des auteurs ayant recours aux modèles explicatifs de l’usage est d’améliorer sans

relâche la prédiction de l’intention d’utilisationen opérant des modifications dessinant différentes

évolutions au sein des modèles. Au travers de celles réalisées à partir des limites des modèles

TTF, EDT et TAM (cf. chapitre 2, partie 2.2.1. pour présentation des modèles) l’objectif de cette

partie est de saisir comment ces modifications peuvent s’entendre dans une vue d’ensemble du

contexte social incluant ipso facto une dimension sociale à l’usage.

3.1.1. Limites des modèles TTF, EDT et TAM

Rappelons que les modèles TTF, EDT et TAM ont pour finalité de prédire l’utilisation d’une

technologie. Pour y parvenir, le modèle TTF a recours au concept d’ajustement entre les

caractéristiques de la technologie et celles de la tâche (cf. partie 2.2.1.1.). Le modèle EDT est

basé sur le concept de satisfaction résultant à la fois de la confirmation ou non des attentes de

l’utilisateur vis-à-vis de l’usage et de la performance réalisée lors de l’utilisation (cf. partie

2.2.1.2.). Enfin, le modèle TAM est construit à partir des perceptions de l’utilisateur qualifiées,

d’utilité perçue et de facilité perçue (cf. partie 2.2.1.4.). Chacun de ces modèles (i.e. TTF, EDT et

TAM) portent ses propres limites conduisant les auteurs à se livrer à un exercice d’améliorations

par lequel ils convergent en une même orientation générale : l’inclusion de nouvelles variables

(respectivement Lin et Huang, 2008 ; Bhattacherjee, 2000 ; King et He, 2006). Au départ le

modèle TTF a été amélioré par l’apport de composantes incluant des caractéristiques de

l’utilisateur, c'est-à-dire des améliorations relevant d’un niveau individuel

37

. Le modèle EDT a

été complété par des composantes plus sociales, telles les normes subjectives (Bhattacherjee,

2000 ; Hsu, et al., 2006). Le modèle TAM a lui aussi été l’objet de nombreuses modifications

(King et He, 2006). Celles-ci ont conduit à l’introduction de composantes non sociales

38

et

37

Les facteurs d’amélioration pouvaient être, tels « l’utilisation de la technologie » (Dishaw et Strong, 1999 ; Goodhue et Thompson, 1995), ou des éléments précurseurs à l’utilisation, tels « les croyances, les affects » (Wu, Chen et Lin, 2007) ou encore complété par les « caractéristiques individuelles de l’utilisateur » définies au regard de ses capacités ou de ses compétences (Goodhue et Thompson, 1995, Lee et al. 2007). Dishaw, Strong et Bandy (2002) et Lin et Huang (2008) apportent aussi des modifications au modèle initial en incluant des facteurs « dispositionnels » tel l’auto efficacité face à l’ordinateur ou avec des concepts relatifs aux capacités personnelles des individus (Jarupathirun et Zahedi, 2007 ; Lee, Cheng et Chang, 2007).

38

Expérience avec le système, niveau d’éducation ou âge (Burton-Jones et Hubona, 2006) ; l’auto efficacité face à l’ordinateur (Davis et Venkatesh, 1996), facteurs intra et extra organisationnels (Igbaria, Zinatelli, Crag et Cavaye, 1997), l’implication situationnelle (Jackson, Chow, et Leitch, 1997), qualité du système, qualité du service (Kim, Lee et Law, 2008 ; Pai et Huang, 2011), entrainement (Lee, Kim, Rhee et Trimi, 2006), l’usage antérieur ou l’expérience (Oh, Ang, et Kim, 2003), accessibilité

sociales

39

afin de maximiser la prédiction de la facilité d’usage perçue et d’utilité perçue (voir

Lee, Kozar et Larsen, 2003 pour revue). Au final, constatons que ces trois modèles (TTF, EDT et

TAM) intègrent des composantes de plus en plus éloignées des aptitudes des utilisateurs ou de ce

qui relève des caractéristiques propres à la technologie. Ces modèles prennent en compte des

composantes qui relèvent d’éléments subjectifs (attitude,croyances) ou du contexte social dans

lequel se déploie la technologie envisagée. Ces variables nouvelles peuvent être référencées en

fonction de différents niveaux d’analyses susceptibles d’expliquer l’utilisation.

3.1.2. Des niveaux d’analyses pour expliquer l’usage

Le modèle TAM s’est progressivement enrichi avec des composantes non intra-individuelles. Ces

composantes complémentaires du TAM ont été catégorisées par les auteurs en deux niveaux

(Igbaria et al., 1997

40

et Wu et Lederer, 2009

41

). Ensuite, d’autres auteurs ont proposé de

catégoriser les composantes complémentaires en quatre niveaux : des facteurs liés à la

technologie, des facteurs relatifs à l’individu, des facteurs sociaux (normes subjectives, soutien

organisationnel) et des facteurs facilitant l’utilisation (Wu et al., 2007 ; Venkatesh et Bala, 2008).

Cette évolution partant d’un niveau d’explication intra-individuelle de l’utilisation, pour

aller vers deux, trois, puis quatre niveaux d’explication n’est pas limitée au cas du modèle TAM,

elle est généralisable dans le champ du MSI. En ce sens, Nan (2011) soutient l’idée qu’il y a des

interactions entre le niveau d’explication intra-individuelle et un niveau collectif. Cette

perspective peut être complétée par celle de Kijsanayotin et al. (2009) préconisant l’étude de

l’usage d’une technologie par l’analyse des liens entre les niveaux individuel et organisationnel.

Martinko, Henry et Zmud (1996) considèrent, quant à eux, un répertoire d’explication en trois

niveaux

42

. En la matière, Burton-Jones et Straub (2006) et Jasperson et al. (2005) soutiennent que

l’explication de l’usage est de nature multi-niveaux (individuel, groupal et organisationnel). En

effet, l’explication de l’usage peut être située à un niveau individuel (Venkatesh et al., 2003 pour

une revue), ensuite au niveau du groupe d’appartenance (Sambamurthy et Chin, 1994) et enfin au

(Park, Roman, Lee et Chung, 2009), anxiété (Van Raaij et Schepers, 2008), facteurs individuels (Sun et Zhang, 2006 ; Wu, Chen et Lin, 2007), satisfaction (Thong, Hong et Tam, 2006).

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l’innovativité personnelle, (Argawal et Prasad, 1998 ; Agarwal et Karahanna, 2000), l’aspect volontaire de l’usage (Barki et Hartwick, 1994), l’image (Yi, Jackson, Park, Probst, 2005), la présence sociale (Karahanna et Straub, 1999 ; Karahanna et Limayem, 2000), la visibilité (Karahanna et al., 1999), le soutien managérial (Igbaria et al., 1997 ; Liao et Landry, 2000), ou encore le soutien social (Lee et al., 2006).

40

Explication de l’usage en deux niveaux : un niveau intra-orgnisationnel et un niveau extra-organisationel

41

Explication de l’usage en deux niveaux : un niveau individuel et un niveau social

42 Explication de l’usage en trois niveaux : un niveau organisationnel (Carter, 1984 ; Dean et al. 1992), un niveau de groupe de travail –groupal- (Barley, 1986 ; Orlikowski, 1992) et un niveau individuel (Davis et al. 1989 ; Kraut, et al. 1989).

niveau organisationnel (Fichman et Kemerer, 1997). À ces trois niveaux, nous avons ajouté

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pour suivre Doise (1982), un niveau plus culturel (voir Encadré 1, p. 47-48). Dans une logique

conduisant à une perspective intégrative, Gallivan et Strite (2005) proposent une approche basée

sur la théorie de l’identité sociale appelée « virtual onion ». Selon les auteurs, la théorie de

l’identité sociale permet de considérer plusieurs niveaux culturels pouvant s’appliquer sur un

individu à un moment donné. Ainsi, la culture est définie comme étant l’expression d’un des

niveaux du « virtual onion » (cf. Figure 9).

La conception du « virtual onion » est basée sur l’idée d’une multitude de niveaux

culturels, issue de la conception de la Théorie de l’Identité Sociale (TIS, Tajfel, 1970, 1978). De

là, se comprend la métaphore du « virtual onion ». Cette dernière suppose l’existence de plusieurs

couches, comme c’est le cas pour un oignon, vis-à-vis desquelles chaque individu exprime ses

identités culturelles et expériences, mais la part virtuelle de ces couches renvoie à la fois au

déplacement de ces dernières et à leur aspect dépendant des circonstances

44

. C’est alors selon les

situations et en fonction de notre adhésion à telle ou telle valeur portée par l’un ou l’autre des

niveaux culturels que nous agissons. En conséquence, ce niveau culturel modifierait le degré avec

lequel les normes sociales influenceraient les croyances et les comportements de l’individu. Cette

43

Ce point a permis l’organisation d’un symposium lors 51ème Congrès de la SFP, Toulouse, France, Pasquier, H et Somat, A. (2009). Acceptabilité : modélisation de la relation homme-technologie-environnement.

44

Les différents niveaux culturels de chaque personne peuvent renvoyer à ses identités, ces dernières peuvent être spécifiques à une religion, une ethnie, à la nation, jusqu’au groupe de travail. Ces niveaux ne sont pas simplement ordonnés selon une relation hiérarchique. En ce sens, un même individu peut être membre de plusieurs sous structures imbriquées.

conception suppose que certains niveaux culturels peuvent être plus importants dans l’élaboration

des croyances et des actions de l’individu durant son exposition initiale à une technologie, alors

que d’autres couches d’identités peuvent devenir importantes à d’autres moments. Toutefois, en

dépit de l’intérêt d’une perspective intégrative de l’usage, la TIS a été peu utilisée dans le champ

des technologies (pour de rares exemples voir Brunetto et Farr-Wharton, 2002, Chattopadhyay et

George, 2001), et la conception du « virtual onion » n’a pas été encore empiriquement validé

(Straub et al. 2002).

Cette première évolution des modèles du champ du MSI bien qu’ouvrant nombre de

perspectives, est pour le moins insatisfaisante lorsqu’il s’agit de proposer une vision de la

dimension sociale de l’usage appuyée sur l’intégration des différents niveaux du contexte social,

partant d’un niveau culturel ou idéologique pour aller vers un niveau intra-individuel.

Encadré 1 Les variables illustrant les quatre niveaux d’analyses des usages

Niveau individuel

Le niveau individuel peut être opérationnalisé de différentes manières via des aspects relatifs à la

personnalité. Ainsi, les traits de personnalité au travers des différents inventaires de personnalité

sont pris en compte dans la prédiction de l’usage (Correa et al., 2010; Rhodes, Courneya et

Jones, 2004 ; Ryan et Xenos, 2011 ; Tosun et Lajunen, 2010)

45

. D’autres concepts comme la

technophilie ou le niveau d’innovativité personnelle (Karahanna, Ahuja, Srite et Galvin, 2002 ;

Lewis, Agarwal et Sambamurthy, 2003 ; Rogers, 2003 ; Robinson, Marshall et Stamps, 2005 ;

Schillewaert, Ahearne, Frambach et Moenaert, 2005 ; Thatcher et Perrewé, 2002), d’ouverture

au changement (Van Raaij et Schepers, 2008) et d’indice de maturité technologique

46

(Parasuraman, 2000 ; Walczuch, Lemmink et Streukens, 2007) peuvent être pris en compte.

Dans ce registre il est montré que ces traits de personnalité ont effectivement un impact direct

sur l’intention comportementale.

Niveau inter-individuel

Le niveau d’analyse inter individuel est apprécié dans le cadre de l’étude des usages par la prise

en compte du concept de normes subjectives (Bhattacherjee, 2000 ; Hsu et al., 2006 ;

Karsh et al., 2009).

45

D’ailleurs, plusieurs études existent dans le cadre de la Théorie du Comportement Planifié qui tiennent compte des dimensions de personnalité pour expliquer le comportement (Conner et Abraham, 2001 ; Courneya, Bobick et Schinke, 1999 ; Rhodes, Courneya et Jones, 2002 ; Rhodes, Courneya et Jones, 2004).

46

Niveau statutaire

Le niveau d’analyse statutaire est généralement apprécié par la prise en compte d’une variable

sociale issue du modèle IDT : l’image

47

. Ainsi, une image positive liée à l’utilisation d’une

technologie conduirait à une intention favorable d’adopter la technologie (Lam et al., 2007 ;

Venkatesh et Bala 2008 ; Venkatesh et Davis, 2000 ; Venkatesh et al., 2003 ; Yi et al., 2006).

Venkatesh et al. (2003) montrent que l’image intégrée au concept d’influence sociale a un

impact sur l’intention comportementale dans le cadre d’usage contraint. L’image a parfois aussi

un impact sur l’attitude (Karahanna, Straub et Chervany, 1999), sur l’intention comportementale

(Yu, Li et Gagnon, 2009), ou sur le plaisir perçu de l’interaction (Al-Gahtani et King, 1999).

Niveau culturel

Enfin, dans les études des usages, le niveau culturel est parfois considéré comme un niveau

d’analyse nécessaire à la prédiction et à l’explication des usages (Leidner et Kayworth, 2006).

Ce niveau d’analyse peut correspondre soit à la prise en compte de la culture à un niveau

organisationnel ou au niveau d’une sous-unité organisationnelle (i.e. l’aspect volontaire de

l’usage), soit à la prise en compte de la culture à un niveau national (i.e. les études

cross-culturelle des IT, via les dimensions culturelles de Hofstede, 1980).

Ces différences culturelles (dans des études comparatives de cultures non américaine et

américaine e.g. : Chau, Cole, Massey, Montoya-Weiss, et O’Keefe, 2002 ; Im, Hong et Kang,

2011 ; Jackson et al., 2008 ; Jarvenpaa, Tractinsky, et Saarinen, 1999 ; Rose et Staub, 1998 ;

Staub, 1994 ; Strite et Karahanna, 2006 ; Staub, Keil et Brenner, 2007) ont permis d’expliquer

des variations dans la perception et l’adoption de technologies de l’information (Al-Gahtani,

Hubona et Wang, 2007 ; Png, Tan et Wee, 2001 ; Tan, Watson et Wei, 1995). Strite et

Karahanna (2006), par exemple, ont eu l’occasion de montrer que les normes sociales sont

l’élément déterminant de la prédiction de l’intention comportementaled’utiliser un ordinateur

personnel (étude 1) et l’intention d’utiliser un PDA (étude 2) pour les individus (des étudiants)

adhérant aux valeurs culturelles d’un modèle collectiviste plutôt qu’individualiste. Dans le même

sens, Lee, Choi, Kim et Hong (2007) comparent l’acceptation de technologies mobile en Corée,

à Hong Kong et Taïwan. Ils mesurent quatre dimensions culturelles majeures (l’évitement de

l’incertitude, l’individualisme- collectivisme

48

, le contexte et la perception du temps

49

) à un

47

Toutefois une autre théorie, la théorie de présentation de soi de Goffman (1959) est aussi utilisée pour justifier du recours au concept d’image. C’est alors selon une stratégie de présentation de soi que les individus devraient utiliser ou non une technologie (Chung, 2005 ; Jensen Schau et Gilly, 2003).

48 Les deux premières dimensions culturelles sont opérationnalisées à l’aide des propositions Hofstede (1984)

49

niveau individuel via un questionnaire. Leurs résultats montrent que les dimensions culturelles

ont des effets significatifs sur l’adoption individuelle et sur l’usage des technologies. Yoon

(2009) teste les effets de la culture, au sens de Hofstede, sur l’acceptation des consommateurs du

commerce en ligne. Les résultats de son étude montrent que l’évitement de l’incertitude et

l’orientation à long terme modèrent les effets des relations : entre la confiance et l’intention,

entre la facilité d’utilisation perçue et l’intention, et entre la facilité d’utilisation perçue et

l’intention. Contrairement à leurs attentes, la distance au pouvoir et l’individualisme n’ont aucun

effet significatif.

Ce qu’il faut retenir de la première évolution des modèles expliquant l’introduction des variables

sociales dans l’usage en termes de niveau d’explication de l’usage :

 De très nombreuses composantes ont permis l’amélioration des modèles, et parmi

elles, des composantes relevant de la dimension sociale.

 La dimension sociale a été introduite au travers différents composants dans

différents niveaux d’analyses.

 La seule perspective intégrative de ces niveaux d’analyses est celle du « Virtual

Onion ».

 La perspective « Virtual Onion »n’a pas reçu de support empirique convaincant

Finalement, les améliorations apportées aux modèles leur ont permis de sortir d’un niveau

intra-individuel d’explication de l’usage, pour arriver à plusieurs niveaux d’explications, relatifs soit à

un niveau interpersonnel, à un niveau statutaire ou à un niveau culturel.