Chapitre 2 L’absence d’intervention de la dimension sociale dans l’étude des usages
2.1. Le champ des Interactions Homme Machine (IHM)
2.1.1. Au-delà de l’utilisabilité et l’utilité, l’acceptabilité sociale en guise de piste d’amélioration
2.1.1.1. Définition de l’acceptabilité selon Shackel (1991)
En 1991, Shackel décrit l’utilisabilité d’un système comme « la capacité, en termes fonctionnels
humains, à permettre une utilisation facile et effective par une catégorie donnée d’utilisateurs,
avec une formation et un support adapté, pour accomplir une catégorie donnée de tâches, à
l’intérieur d’une catégorie spécifique de contextes » (Shackel, p.24). C’est à partir de cette
définition que Shackel délimite le paradigme de l’utilisabilité par l’étude des caractères utile,
utilisable, agréable, couteux et acceptable propres à l’utilisation d’un dispositif. De là, Shackel
conçoit l’acceptabilité d’un dispositif, comme un ratio des facteurs d’utilité, d’utilisabilité, et
d’agrément, en relation avec son coût. L’utilité correspond à la mise en adéquation des capacités
du dispositif avec les besoins de l’utilisateur. L’utilisabilité renvoie à la capacité de l’utilisateur à
utiliser la ou les fonctions du dispositif dans un environnement donné. Enfin, l’agrément réfère à
une évaluation affective vis-à-vis du dispositif. Ces éléments sont mis en relation au regard de
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Les utilisateurs renvoient aux individus ayant recours au système, ils sont le plus souvent définis au regard de caractéristiques sociodémographiques, de l’expérience, mais des différences peuvent être relevées entre les utilisateurs selon des dimensions de personnalité, des besoins, ou leur niveau de satisfaction. Les individus peuvent encore être différenciés au regard de leurs capacités perceptivo-motrices (Chua, Weeks, et Goodman, 2003), de leurs capacités cognitives, ou conatives (Fogg, 2003) ou encore de leurs capacités émotionnelles (Brave et Clifford, 2003). Les différences au niveau de la mémoire spatiale, des capacités de raisonnement (Gomez et al, 1986) et le style préféré d’apprentissage (Sein et Bostrom, 1989) peuvent aussi être prise en compte.
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Latâche est définie à l’avance par le concepteur. Ainsi, l’ensemble des tâches définies permet de construire des batteries de tests utilisateurs. Ces tests aboutissent aux mesures de performances. Ces indices de performances peuvent résulter de la prise en compte du nombre d’erreurs, de l’efficience, de la flexibilité.
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Le contexte est défini le plus souvent selon le contexte de travail et inclu aussi un niveau organisationnel. La première conséquence est que l’utilisabilité étant définie pour chaque dispositif pour un contexte et un ensemble de tâches spécifiques, cela en devient une mesure labile et difficilement généralisable à travers différents contextes (Nielsen, 1993). Partant de ce fait, le contexte est en définitive la première dimension et la plus labile que l’ingénieur/l’ergonome doit prendre en compte et qui peut modifier en profondeur la conception.
leur coût global. Ce coût concerne tout autant des aspects économiques (achat, entretien) que les
conséquences sociales et organisationnelles. Cependant, cette définition manque à nous proposer
une mesure effective de l’utilisabilité par le recours à des indicateurs mesurables et quantifiables.
C’est pourquoi, dans le modèle de Shackel (cf. Figure 2, ci-dessous), le concept d’utilisabilité est
celui qui est le plus développé, notamment à l’aide de quatre composants que sont l’efficacité,
l’apprenabilité, la flexibilité du système et l’attitude (voir annexe I pour précisions).
Les éléments sur lesquels il faut se focaliser dans le modèle de Shackel sont les
dimensions d’utilisabilité et d’acceptabilité, elles y sont considérées comme des propriétés
intrinsèques du dispositif, renvoyant à des aspects objectifs et subjectifs de ce dernier. Toutefois,
bien que très complète cette définition de l’acceptabilité manque, selon nous, à prendre en compte
des éléments positionnés non pas à un niveau intra-individuel, mais pouvant se rapporter à la
dimension sociale de l’usage. Nous considérerons alors un autre modèle d’acceptabilité basé sur
les normes standard.
2.1.1.2. Définition du concept d’utilisabilité Normes ISO
Selon Dillon et Morris (1996), ce sont les liens entre ingénierie et industrie qui ont poussé le
remplacement d’une définition sémantique de l’utilisabilité, par une définition plus
opérationnelle. La définition opérationnelle et standard de l’utilisabilité existe dans deux
catégories de normes ISO
18: la norme ISO 9241-11 orientée processus et la norme ISO 9126
19orientée produit (Brangier, et al., 2010). Dans les normes ISO, l’utilisabilité renvoie à un
ensemble d’informations spécifiques qu’il convient de suivre lors de la conception ou de
l’amélioration d’un système. Concevoir ou corriger un système technologique en ayant recours à
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Les normes ISO (Internal Standard Organization) sont des définitions de « standards internationaux » sur des thèmes multiples.
19 La norme ISO 9126-1 (2000) définit par Folmer et Bosch, (2004) est identique à celle de la norme ISO 9241-11 excepté l’ajout de la notion de sûreté.
la norme ISO 9241-11 c’est se donner pour objectif de contribuer à son amélioration
ergonomique, par la diminution de conséquences négatives de l’usage sur des critères de santé
humaine, de sécurité et de performance.
La norme ISO 9141-11 (1998) définit l’utilisabilité comme « le degré selon lequel un
produit peut être utilisé, par des utilisateurs identifiés, pour atteindre des buts définis avec
efficacité, efficience et satisfaction, dans un contexte d’utilisation spécifié » (p. 2). Autrement dit,
l’utilisabilité est évaluée dans un contexte d’utilisation en fonction des niveaux de performance et
de satisfaction d’un utilisateur spécifique (cf. Figure 3, ci-dessus). Dans la norme ISO 9141-11,
ce qui est important à retenir c’est la précision avec laquelle est défini le contexte d’utilisation. Il
renvoie tout d’abord à l’environnement à proximité de l’utilisation, il regroupe les
caractéristiques des utilisateurs, leurs objectifs, leurs tâches et l’environnement dans lequel sont
réalisées les dites tâches. Plus précisément, l’environnement de la tâche est spécifié au travers de
caractéristiques physiques (lieu de travail, poste de travail, température, luminosité), techniques
(matériel et logiciel) et organisationnelles (habitudes de travail, structure de l’organisation et
attitude des individus). L’ensemble des caractéristiques spécifiées du contexte permettent de
préciser les besoins auxquels le système technologique doit répondre. C’est enfin dans ce
contexte global que s’exemplifient pour chaque système technologique les trois composants de
l’utilisabilité : l’efficacité, l’efficience et la satisfaction (voir annexe I pour précisions).
À l’inverse de la définition de Schakel, l’utilisabilité selon la norme ISO 9241-11 inclut
dans ses composantes l’acceptabilité. Mais l’acceptabilité dans la norme ISO 9241-11 n’inclut
pas d’intention d’usage, il s’agit seulement ici d’une dimension de perception liée à l’utilisation.
Il importe de comprendre la norme ISO 9241-11 à la manière d’une heuristique de conception
qu’il convient de mettre en œuvre lors de l’évaluation d’un système technologique, qui demande
à spécifier des éléments du contexte d’usage, mais ce dernier ne renvoie pas directement à des
éléments hors niveau intra-individuel, ou relevant de la dimension sociale de l’usage. Nous
considérerons alors un dernier modèle du champ des IHM, celui proposé par Nielsen (1993).
2.1.1.3. Modèle d’acceptabilité des systèmes Nielsen (1993)
Pour Nielsen (1993) l’acceptabilité d’un système se subdivise en deux dimensions :
l’acceptabilité sociale et l’acceptabilité pratique (cf. Figure 4, ci-dessous). L’acceptabilité
pratique est déterminée en partie par l’utilité pratique qui correspond à l’utilité théorique et à
l’utilisabilité. L’utilisabilité (usability) renvoie à cinq caractéristiques d’un dispositif technique :
l’apprenabilité, la mémorisation, la prévention des erreurs, l’efficience du système et la
satisfaction (voir annexe I pour précisions).
Dans le modèle de Nielsen, l’acceptabilité sociale manque à être véritablement définie,
même si l’auteur renvoie le concept à des considérations éthiques, aux jugements des pairs ou aux
normes subjectives. L’acceptabilité sociale serait selon Nielsen (1993) la réponse du produit aux
attentes et aspirations de l’utilisateur final. Bien que Nielsen mentionne cette dimension, nous
n’avons relevé que peu d’études parues quelques années plus tard signifiant l’importance de la
dimension sociale dans la prédiction de l’usage. Keates (2006) préconise pour concevoir de
manière universelle un système technologique de considérer l’acceptabilité pratique, telle que l’a
définie Nielsen, mais qu’il importe tout autant que le concepteur sache tenir compte de
l’acceptabilité socialepour répondre aux désirs, besoins et volontés de l’utilisateur. Selon Keates
(2006) l’acceptabilité sociale
20correspond à « ce que veut » l’utilisateur final. L’acceptabilité
socialepeut alors renvoyer à la part esthétique du produit, à la confiance que les utilisateurs ont
20 Pour Keates (2006) la conception de l'acceptabilité sociale est ce que la plupart des concepteurs de produits techniques essaie d'atteindre