Chapitre 3 Des évolutions dans le champ du MSI qui prennent en compte la dimension sociale de
3.2. L’introduction de la dimension sociale légitimée via le processus d’influence sociale
3.2.1. Le modèle d’acceptation des technologies, TAM2 (Venkatesh et Davis, 2000)
(Venkatesh et Davis, 2000)
Venkatesh et Davis (2000) avec le TAM2 interrogent les conditions dans lesquelles une
technologie peut être adoptée par les individus appartenant à une organisation. Les auteurs
s’appuient sur le TAM (Davis, 1989, Davis et al., 1989) pour développer, tester et proposer une
extension du modèle, le TAM2. Avec le TAM2, Venkatesh et Davis (2000) questionnent les
déterminants de l’utilité perçue, tout d’abord, pour mieux concevoir l’intervention
organisationnelle accompagnant l’acceptation de l’utilisateur et ensuite, pour anticiper l’usage de
nouvelles technologies lorsque celles-ci sont déployées en contexte professionnel. Plus
précisément, le but du TAM2 est d’étudier les variables influençant l’utilité perçue. En effet, c’est
parce que Venkatesh et Davis (2000) supposent que l’utilité perçue est le concept premier de la
prédiction de l’intention d’utilisation, que ces auteurs font le choix de le développer au travers de
ses déterminants (cf. Figure 10, ci après). L’utilité perçue est supposée être expliquée à la fois par
le processus cognitif instrumental et par le processus d’influence sociale. Le processus cognitif
instrumental reflète la représentation mentale qui est à la base des jugements contingentés à la
performance de l’usage, c'est-à-dire la représentation mentale liée aux jugements d’utilité perçue.
Cette représentation mentale est élaborée par l’utilisateur pour évaluer l’adéquation entre ses
objectifs professionnels et les conséquences de l’accomplissement de sa tâche en ayant recours à
la technologie. Ainsi, le processus cognitif instrumental suppose que le comportement de
l’utilisateur est conduit par une représentation mentale liant les buts de haut niveau aux actions
spécifiques qui sont réalisées pour atteindre ces buts
50. Selon Venkatesh et Davis (2000), le
50
En effet, Venkatesh et Davis (2000) étayent leur propos à partir de trois théories (la théorie de l’identification de l’action,
Vallacher et Wegner, 1987, la théorie de la motivation au travail, Locke et Latham, 1990, et la théorie de la décision
comportementale, Beach et Mitchell, 1996, 1998, dansVenkatesh et Davis, 2000) faisant état de comportements spécifiques
processus cognitif instrumental renvoie à trois déterminants de l’utilité perçue : la pertinence [de
la technologie] pour le travail à réaliser, la qualité perçue du travail et la visibilité des résultats
(voir annexe I pour précisions). Ainsi, ils supposent que les jugements à propos de l’utilité perçue
de la technologie sont basés en partie sur une comparaison cognitive entre ce que la technologie
est capable de faire et ce dont les utilisateurs ont besoin pour leur travail (leur tâche). Le second
processus contribuant à l’explication de l’utilité perçue est le processus d’influence sociale.
Celui-ci reflète l’influence sociale du groupe d’appartenance au travers le phénomène de
conformisme. Le phénomène de conformisme est illustré dans le TAM2 via les processus de
complaisance, d’identification et d’intériorisation, ces derniers sont portés à l’aide des
composantes du modèle que sont les normes subjectives, l’image et l’aspect volontaire de l’usage
(cf. parties 3.2.1.1. à 3.2.1.3. pour précisions).
Venkatesh et Davis (2000) testent le TAM2 dans quatre organisations, deux par contextes
d’utilisations (contraint versus volontaire). La mesure de l’aspect volontaire ou non du contexte
est contrôlée via une mesure auto-rapportée en trois items. Dans l’ensemble, le modèle rend
compte de 34 % à 52 % de la variance de l’intention d’usage. Le processus cognitif instrumental
(pertinence du travail, qualité du résultat, la visibilité du résultat), le processus d’influence sociale
(normes subjectives, l’image et l’aspect volontaire de l’usage), et la facilité d’usage perçue
influencent de manière significative l’acceptation de l’utilisateur.
dérivés d’une représentation mentale. De là, les auteurs supposent que la représentation mentale relie le comportement
instrumental et les buts de haut niveau.
Le point essentiel à retenir du TAM2 est qu’il prend en compte une dimension sociale de
l’usage en ayant recours aux processus d’influence sociale tels que décrits par Kelman (1958).
C’est, en effet, à différents degré de conformité à la pression sociale auxquels Venkatesh et Davis
(2000) renvoient à partir des processus de complaisance, d’identification et d’intériorisation.
Nous allons détailler dans ce qui suit ces trois processus dans le cadre de la prédiction de
l’utilisation d’une technologie.
3.2.1.1. Complaisance : l’influence des normes subjectivessur l’intention d’utilisation
dans le cas d’un usage contraint
Les normes subjectives sont définies comme la perception subjective d’une personne à propos de
ce que lui conseilleraient de faire ou de ne pas faire les gens importants pour elle (Fishbein et
Ajzen, 1975). Les normes subjectives n’ont parfois aucun effet direct sur l’intention d’utilisation
(Mathieson, 1991) mais possèdent dans certains cas un effet significatif (Taylor et Todd, 1995).
Cette absence de consistance dans les résultats obtenus est attribuée par Hartwick et Barki (1994)
aux caractères volontaire ou contraint de l’usage. En effet, leurs résultats illustrent l’hypothèse
ad hoc, selon laquelle les normes subjectives ont un effet significatif sur l’intention d’utilisation
dans le cas d’un usage contraint et non significatif dans le cas d’un usage volontaire. Venkatesh et
Davis (2000) interprètent ce résultat comme étant la manifestation d’un effet de complaisance
auquel les individus auraient recours lors de l’utilisation d’une technologie dans un contexte
contraint. Cependant, à partir du seul concept de normes subjectives, le processus d’influence
sociale renvoie uniquement au processus de complaisance. Ainsi, Venkatesh et Davis (2000)
souhaitant s’ajuster à l’approche théorique de Kelman (1958), proposent de prendre en compte le
processus d’influence sociale en étudiant l’ensemble des processus susceptibles de survenir.
Autrement dit, ils considèrent en sus les processus d’identification et d’intériorisation.
3.2.1.2. Identification : influence des normes subjectives sur l’image et influence de
l’image sur l’utilité perçue
Moore et Benbasat (1991) définissent l’image comme le degré avec lequel l’utilisation d’une
technologie est perçue comme un facteur d’amélioration de son statut social dans un système
social donné. Par conséquent, l’utilisateur aura recours à une technologie dans le but de donner à
voir de lui-même une image favorable dans un groupe de référence. Selon Venkatesh et Davis
(2000), les référents importants (i.e. les individus faisant parti de l’entourage direct) d’un
utilisateur, pour peu qu’ils soient dotés d’un haut statut ou d’une posture organisationnelle
favorable, sont susceptibles de refléter une source d’influence sociale qui relève du processus
d’identification (Kelman, 1958) dans la mesure où ils recommandent [les référents] à l’utilisateur
de réaliser un comportement (i.e. utiliser un système) en vue d’obtenir un bénéfice en termes de
statut dans le groupe auquel il appartient. Par ailleurs, un utilisateur pourra percevoir qu’au-delà
des bénéfices inhérents à l’usage d’une technologie en termes de performance professionnelle
51,
l’utilisation d’une technologie peut aussi améliorer de manière indirecte l’image qu’il renvoie et
donne à voir. Cet avantage en termes d’image constitue le second avantage de l’utilisation d’une
technologie lié à l’évaluation de son utilité perçue. L’effet d’identification est alors « capturé dans
le modèle TAM2 par l’effet des normes subjectives sur l’image, couplé à l’effet de l’image sur
l’utilité perçue » (Venkatesh et Davis, 2000, p. 189).
3.2.1.3. Internalisation : influence des normes subjectives sur l’utilité perçue
Venkatesh et Davis (2000) supposent aussi l’existence d’un processus d’internalisation dans le
processus d’influence sociale. Selon eux, le processus d’internalisation est à l’œuvre lorsqu’au
départ l’utilisateur perçoit qu’un référent important le pousserait à utiliser la technologie, pour
ensuite modifier sa propre structure de croyances en y intégrant celles du référent. Dans le
contexte de Venkatesh et Davis (2000) « si le supérieur ou le collègue de l’utilisateur suggère
qu’une technologie particulière peut être utile, l’utilisateur peut en venir à croire que la
technologie est effectivement utile et l’utiliser lui aussi » (p. 189). Ces éléments sont supposés
suffisants pour s’interpréter selon le processus d’internalisation.
Nous venons de préciser les trois processus relevant de l’influence sociale élaborés à partir
de la proposition de Kelman (1958) dans le cadre du TAM2 et repris dans le TAM3, que nous
allons maintenant exposer.